I love you Phillip Morris a remporté un sacré succès lors de sa sortie, essentiellement pour la prestation inattendue et très appréciable, mettant son style au service d’un arnaqueur gay de gros calibre, avec l’argument de l’histoire vraie et le côté bigger than life qui vient appuyer la démarche gentiment iconoclaste du film. Qui a l’avantage d’avoir de vrais moments de cinéma et des leçons pertinentes sur l’amour, cohabitant avec les clichés connotés les plus criards auxquels on pouvait s’attendre.
L’histoire : Steven, un arnaqueur homosexuel tombe amoureux d’un camarade de cellule : Phillip Morris. Dès cet instant, ils décident de rester ensemble indéfiniment.
Voir Jim Carrey dans la peau d’un gay, c’était déjà l’idée qui justifiait le film. Personnage sans ambigüité (si ce n’est dans ses activités professionnelles), le premier degré qui l’entoure (à l’image de son humour très cartoonesque, utilisé ici pour les séquences arnaques, les fraudes à l’assurance ou ses passages au tribunal) fait du bien et permet à l’ensemble de prendre son envol. Sorte de Attrape moi si tu peux avec la romance gay pour marquer l’identité du film et honorer les promesses de l’affiche. Dans ce rayon, pas de problème, le film remplit largement ses quotas, avec même l’humour « trash » habituellement de rigueur (le sexe cru, l’exposition des attirances de Steven) pour bien marquer ses sympathies et assumer sa carrure. Mais le trash sait parfois aussi se montrer discret, comme dans l’exposition du milieu carcéral (jouant beaucoup sur les clichés du milieu). Sur les questions qui fâchent (la « prédisposition » notamment), le film se montre en revanche plutôt léger, évoquant l’idée via le running gag des nuages, anecdote plutôt légère en soi. Le film surprend en revanche avec plusieurs constats édifiants, en intégrant complètement que la relation amoureuse s’entretient en délaissant le monde extérieur, ou en l’exploitant à son profit. Steven se payera toujours la vie luxueuse avec Phillip en arnaquant, sans qu’il soit possible de jamais l’arrêter (ses vagues promesses intérieures sont oubliées dès l’instant où elles sont prononcées), et cela quelqu’en soit le prix (le tabassage du voisin bruyant en prison). Une petite claque dans le genre, et un constat plus intelligent et sensible que ce que les promesses comiques promettaient. Il en est de même pour les séquences cinématographiques (la danse en cellule, les retrouvailles…). Inattendu de trouver quelques tentatives virtuoses d’étoffer la romance en cours, parfois en s’offrant le luxe du muet pour mieux laisser s’exprimer les émotions. Toutefois, le film a tendance à accumuler les clichés, dans une mesure parfois agaçante (les chihuahuas…). La gestion du cliché dans ce genre de projet est délicate, car leur utilisation témoigne aussi de la volonté du film de ne pas non plus trop se prendre au sérieux, et de rire un peu de ses personnages en leur donnant des détails caricaturaux (et souligner ostensiblement un cliché, c’est un trait de provoc assumé et jubilatoire), mais leur accumulation pèse parfois un peu, et à plusieurs reprises franchit un peu la barre très subjective de la dérision (le golf, par exemple, un gag un peu long qui ne fonctionne pas). Le ton gentiment insolent du film en diminue parfois la portée, en diminuant l’impact sentimental car la volonté comique est parfois trop privilégiée, car on est là pour rire, en premier lieu. Mais quelques belles séquences, et le refus du film de céder au pessimisme (l’énergie que déploie Steven à s’évader pour se faire cueillir à chaque fois chez son amour) en font une comédie finalement sympathique, avec quelques traits de bravoure insoupçonnés, et la prestation d’un Jim Carrey qui redore son blason.
2009
de Glenn Ficarra, John Requa
avec Jim Carrey, Ewan McGregor
4,4/6