Welcome to New York nous a été vendu comme le film à scandale du moment, tentant de mettre sur le compte de la polémique les torrents d’avis mitigés qu’il a suscité lors de sa découverte en public. Et maintenant qu’il est relâché en VOD, les critiques assassines pleuvent ! Palsambleu ! Se pourrait-il qu’Abel Ferrara, monsieur Bad Lieutenant, ce génie qui nous a offert des chefs d’œuvres intemporels, soit lui aussi au bord de la déchéance ? Oui, c’est le cas.
L’histoire : Deverau/DSK, président d’une institution bancaire mondiale (FMI), est un gros porc. Faisant un arrêt dans un hôtel de luxe, il est pris d’une pulsion incontrôlable sur une femme de chambre (Nassifatu Diallo). Repartant en France, il est arrêté dans l’aéroport, et commence alors son procès.
Je ne comprends pas pourquoi le film a remplacé les noms de tout le monde dans l’affaire, tant il s’échine à la reconstituer avec tout ce qu’on a pu lire dans la presse. Dans ce film de deux heures, seule la dernière demi-heure est digne d’intérêt. Tout le reste ne change pas d’une ligne ce qu’on a pu lire dans les médias, et c’est peu dire qu’on n’a pas raté une miette de l’affaire, et combien ce film arrive en retard. On est tous passé à autre chose, et par la reconstitution, le film n’atteint rien, et ne montre rien. On aurait aimé croire à un brûlot polémique sur le pouvoir, avec un Abel Ferrara osant forcer la proximité entre le public et le gros porc et une performance de Depardieu à la hauteur. Mais au lieu de cela, c’est la déchéance totale. Pas de Depardieu, lui c’est déjà consommé depuis longtemps, et il s’en amuse très bien (son physique dégueulasse convient parfaitement au personnage). D’ailleurs, lui avoir laissé le pré générique, où il vomit sa haine des politiques et dit combien il déteste Strauss Khan (il ne parle même plus de son personnage), avant de bredouiller une connerie sur le jeu d’acteur, ça annonçait direct combien le projet était foutu. Et là, on a une caméra à l’épaule tremblotante, qui cadre maladroitement Depardieu en train de peloter ses secrétaires, avant de rejoindre une partouze, pendant laquelle il pousse des grognements d’animaux. Le degré zéro du jeu d’acteur interprétant la décadence, rien d’autre qu’une sex tape lubrique sensée jouer la provoc. S’ensuit la scène de « viol », mécanique, et les étapes de l’arrestation (où est mon black berry ?) puis le procès. Et pendant cela, rien. Le vide. On a l’impression que Depardieu a été laissé en pleine improvisation, et qu’on est en face d’un film de Herzog en mode commercial, qui tourne pour vite sortir le film. Cette facture anti-cinéphile (c’est un TV film grossier), navigue sur les eaux calmes de la nullité vide, malgré quelques éléments qui entretiennent l’espoir. Depardieu notamment, malgré la puanteur de ses motivations, l’interprète sans problèmes, il peine en revanche à lui donner de la profondeur. C’est enfin ce qui arrive dans la dernière demi-heure, après un mémorable « qu’ils aillent tous se faire enculer ! » prononcer face caméra à tous ses détracteurs. Enfin, le personnage commence à vouloir parler de ses désillusions, de sa complaisance dans ses vices devant l’énormité de sa tâche et devant les attentes de tous ceux qui l’entourent. D’intéressantes idées, ne dépassant hélas jamais le cadre du monologue, à la rigueur, un dialogue animé. Entre temps, le reste, d’une mollesse gluante, manque de noyer le spectateur. La déliquescence, c’est ce qu’on pourra retenir de Welcome to New York, qui marque la fin d’une carrière, et aucun renouveau. Même plus de couilles, ou alors vidées depuis longtemps…
2014
de Abel Ferrara
avec Gérard Depardieu, Jacqueline Bisset