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24 octobre 2014 5 24 /10 /octobre /2014 20:46
Le huitième jour

Le huitième jour m’avait été présenté en cours de cinéthique, à savoir des séances suivies de débat faisant faire office d’alternative au catéchisme. Le film m’avait mis mal à l’aise à l’époque, dans sa confrontation très crue avec les réalités du handicap mental. L’effet s’est-il dissipé avec l’expérience ? Que nenni, c’est d’ailleurs plutôt en sa faveur.

L’histoire : George, atteint de trisomie, s’enfuit de l’établissement où il était interné. Harry, divorcé et père de deux enfants, forme de futurs agents bancaires, et déprime, songeant régulièrement au suicide. Leur rencontre les changera.

Le huitième jour

Le huitième jour présente un écueil assez impressionnant pour les non initiés au choc cinématographique, puisqu’il adopte complètement la vision que l’handicapé a du monde, et sa façon d’interagir avec. L’introduction du film est la bannière de George, un monde naïf et kitsch d’une violence assez intense question immersion (la mort de la fourmi, les caresses sur l’herbe…). C’est en cela que le huitième jour peut troubler, il assume d’office l’impossibilité de George à évoluer et à se confronter au monde réel nécessitant dès lors une attention constante et une maîtrise de soi assez grande pour l'encadrer, les mêmes erreurs venant toujours se reproduire. La représentation du handicap mental est ici plutôt juste. Mais le film essaye d’en faire rire de façon communicative (et non comme un south park qui traite le malaise par le mauvais goût). Le huitième jour se rapproche du cinéma d’Almodovar dans son envie de rapprocher au maximum le spectateur de ses protagonistes, mais avec Georges, le constat est plutôt dur, ce parti pris de mise en scène se révélant pour le moins très lourd. Le fond d’enthousiasme du film, souligné par plusieurs séquences (celle où les handicapés empruntent un minibus en est une, sacrifiant sa cohérence à la bonne humeur) est louable, mais cet éloge d’une ingénuité monumentale ne convainc pas vraiment. Malgré l’amour et l’optimisme radieux qui se dégage de Georges. Et jusqu’à présent, essayer de renflouer un dépressif en lui montrant des petites fleurs ne fera que le pousser davantage dans la dérive. L’intention est bonne, le fonctionnement est piteux (je doute qu’un dépressif, constatant le bonheur débordant d’un être limité, intègre immédiatement que le bonheur est dans les choses simples, et qu’au contraire il lui semblera davantage inaccessible). Heureusement, c’est Harry qui sauve le film. Campé par un Daniel Auteuil d’une sincérité touchante, le portrait de père raté qu’il délivre suscite sans arrêt l’émotion, et c’est bien lui qui est son principal atout. Dans l’évolution même de son état d’esprit, le film parvient à redonner la dose de bonheur qu’il cherchait à créer. Mais ce n’est hélas pas avec Georges. Ou peut être tout simplement qu’il était un peu trop ambitieux de vouloir faire rire avec Georges. Car le potentiel dramatique est bien exploité. La scène chez la sœur de Georges touche à une corde très sensible et se révèle être une polémique à elle seule. L’ingénuité de Georges, souvent utilisée pour de petits gags, se révèle être à double tranchant en le mettant en danger dans la vie quotidienne. Mais le film abuse aussi de certains effets, cédant parfois au bon gros pathos (la déclaration d’amour à une serveuse inconnue dans un resto, la fin extrêmement appuyée question effets) pour créer de l’émotion facile. En résulte un film assez étrange (qui s’essaye même à la comédie musicale sur la fin, en faisant intervenir les protagonistes de plusieurs scènes (dont la sœur de Georges et son mari, sans leurs enfants dont la présence était pourtant capitale dans cette scène)), ambitieux et intéressant sous bien des aspects (déjà pour son thème), mais dont les messages me semblent devoir être nuancés.

1996
de Jaco van Dormael
avec Daniel Auteuil, Pascal Duquenne

4/6

Le huitième jour
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commentaires

2
Pareil que Tina et Oliver : vu il y a fort fort longtemps, et j'en garde un souvenir assez particulier mais globalement positif.
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V
Je pense que c'est l'avis général : ce n'est pas un moment très agréable (comment pourrait-il l'être ?), mais il y a de bonnes choses dans ce film. Mais hélas, pas toujours les bonnes réflexions...
V
Je ne vais pas changer de Tina et Oliver, à la différence que je crois que je ne l'ai pas vu en entier
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V
Là au moins, c'est clair ^^
A
pareil que Tina, vu il y a très longtemps mais je rejoins la chronique: le film cède à la facilité et à l'émotion "pathologique"
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V
C'est son gros défaut. De même que sa conclusion, dire que les handicapés doivent exister parce que c'est bon... Waow, c'est gros quand même ! Mais le film est largement sauvé par le personnage d'Harry, qui m'a vraiment beaucoup ému. Film ambitieux, mais le sujet du handicap mériterait un nouveau projet de film.
T
Je l'ai vu il y a trèèèès longtemps. Je me rappelle avoir énormément pleurer. C'est en partie pour ça que je ne veux pas le revoir !
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V
Je n'avais pas pleuré, mais j'avais été considérablement gêné lors de la découverte. L'immersion était trop forte, je n'arrivais pas à rire quand il fallait, je ne savais pas comment réagir... Effectivement, le film joue beaucoup sur le pathos, donc à moins de se vacciner un peu, je pense qu'on en retient toujours suffisamment assez pour se faire une idée.

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