Avec Boogie Nights, on est en plein dans le cinéma de Paul T. Anderson, qui reprendra d’ailleurs l’essentiel du casting de ce film pour réaliser son chef d’œuvre Magnolia. Ici, notre bonhomme s’attaque au délicat visage de la pornographie, sous genre cinématographique méprisé et pourtant, qui a très tôt vu le jour (tout comme, d’une certaine façon, les nus avec la photographie et la peinture). Et comme toute histoire traitant du cinéma, il se situe dans une période de changement, prenant pour charnière le basculement des années 80 et l’appauvrissement dégradant de ce secteur. Un petit coup de poing dans son genre.
L’histoire : Eddie Addams rêve de célébrité, mais il ne s’est jamais découvert d’autres talents que de savoir se servir de son anatomie. Désireux de percer dans le métier, il s’associe avec Jack Horner et commence à acquérir une flatteuse réputation dans le domaine de la pornographie.
J’ai découvert ce film suite aux articles parus sur Naveton et Cinéborat, et nos cinéphiles avaient eu du flair, puisqu’il s’agit d’un nouveau petit cyclone cinématographique, qui s’attaque à tout un pan de « sous – culture » qui a depuis évolué vers une grande déchetterie dans laquelle certains tentent encore de s’en sortir, sans succès. Boogie Nights est un drame qui revient donc sur la gloire fastueuse du porno, ici à la fin des années 70 (pour rappel historique, notre bien-nommée Emmanuelle a sévie pendant cette période). Le porno bénéficie alors de sorties en salles de cinéma, et les réalisateurs ont des scénarios quand ils tournent. En prenant l’angle d’un jeune étalon débutant, le film nous fait donc découvrir l’univers des tournages porno, avec une petite dose de trash pour la façon crue dont nos acteurs abordent le sexe, mais qui affiche un certain respect. Si un certain mépris se sentait déjà dans l’esprit « public », le genre était encore respecté, et les ambitions étaient à la hausse. Il est en effet assez gratifiant que derrière la fesse et le nichon, Jack Horner essaye de faire du cinéma, qu’il essaye de retenir son public un peu plus longtemps qu’après le premier orgasme. Et sur la phase ascendante du film, il y a en effet cette amélioration, cette envie de faire un film, qui prend le dessus. Mais la success story est évidemment de courte durée, car arrive avec l’avènement des années 80 la généralisation de la VHS, et la disparition progressive des salles réservées au genre. Comme le dit Jack Horner « Si tous les gens disent que c’est de la merde, et que ça ressemble à de la merde, c’est parce que c’en est. ». Avec diminution vertigineuse des budgets, amateurisme (n’importe quel glandu peut en réaliser), mépris total de la qualité et des spectateurs. Le constat est d’autant plus accablant que l’industrie porno n’a pas changée depuis, remuant la fange de la médiocrité et nous la resservant sans cesse. La morale sentencieuse se fait d’autant plus dure qu’effectivement, la qualité disparaît complètement au fur et à mesure que les années passent et que les productions interchangeables s’enchaînent. La performance prime sur le plaisir, et l’approche même du sexe en société change, comme le prouve l’odieuse séquence en limousine. Plus aucune notion de respect, car l’industrie n’a plus rien de respectable. Tout le monde est là pour bouffer un truc réchauffé, des acteurs aux spectateurs. Les descentes aux enfers sont vertigineuses, les chocs sont rudes, la vérité est là. Et les excellentes performances d’acteurs (quoique moins éclatantes que dans Magnolia) magnifient le spectacle, nous offrant un drame d’une belle intensité. Toutefois, le final se révèle plus léger que prévu, en offrant une seconde chance à plusieurs personnes notamment, ce qui permet quand même de respirer un peu après un aussi dur constat. Plan final qui dévoile enfin l’objet du film, et qui par la seule force d’une image, parvient à marquer durablement le spectateur. Un vrai grand film !
5,3/6
1997
de Paul Thomas Anderson
avec Mark Wahlberg, Burt Reynolds