Ah, le thriller ménager… J’aime bien le thriller ménager. Une vie de couple la plupart du temps un peu éprouvée par un évènement quelconque (perte d’un proche, libertinage, divorce…), et qu’un évènement hors du commun va rapprocher, comme une prise d’otage par exemple, ou encore des actes de tortures, ou une captivité prolongée… Beaucoup de possibilités, toutes aussi distrayantes les unes que les autres, mais se rejoignant au final sur un point : la mécanique. Toutes ces histoires sont à priori calculées sur une mécanique précise qui tient compte de la psychologie, et la force physique, des opportunités et du temps. Après, chaque film a son timing, sa sauce, et parvient plus ou moins bien à être convaincant. Et Calme Blanc (aka Dead calm) y parvient avec une classe rarement vue.
L’histoire : un couple tente de faire une croisière en monocoque au grand large pour oublier la mort récente de leur enfant. Mais en pleine mer, ils tombent sur un bateau en ruine, d’où ne sort qu’un seul survivant. Alors que ce dernier se repose, le mari monte à bord, et découvre un vrai massacre dans la cale. Le naufragé le laisse alors sur place et s’enfuit avec l’embarcation valide, la femme inconsciente à bord.
Tout d’abord, permettez moi d’insister sur le fait que ce film, c’est un P*TAIN de casting ! Sam Neil, Nicole Kidman, Billy Zane… Un trio aussi brillant, ça s’est trop rarement vu pour oser passer à côté sans rien dire. Car tous sont infiniment brillant dans ce film (Billy Zane est hyper convaincant en psychopathe notoire). Ensuite, ce film fonctionne essentiellement sur l’atmosphère. Et celle-ci est particulièrement réussie, à tout moment de l’histoire. Dans les débuts du film, l’ambiance du grand large est là, et se sent. Quiconque a déjà fait une sortie en mer sur un bateau de plaisance saura immédiatement de quoi je parle. On sent la brise marine, on se promène sur le pont du bateau comme nous y étions… « Immersion » prend ici tout son sens, puisqu’on a vraiment l’impression d’y être, et les activités du couple sont exactement celles que nous aurions à leur place. Mais on ne s’embête pas trop longtemps avec l’introduction, on nous branche vite fait sur le sujet. Arrivée du naufragé paniqué, le bateau coule, ect… Sans que la tension monte démesurément… On sait pas, y a un truc qui cloche… Et Sam Neil le ressent aussi, et fait exactement ce que nous ferions à sa place. Et là, sans en montrer plus que nécessaire, on parvient, en une seule scène, à faire monter la pression d’un coup, à mort. Et avec un plan séquence incroyablement dynamique, on a une situation dramatique qui apparaît, en posant clairement ses enjeux : la Femme est laissée sans défense avec l’Homme Brutal, et l’Homme Civilisé est écarté dès le début de la partie.
Calme blanc, ce n’est pas de l’originalité. A vrai dire, c’est très loin d’être original. Mais cette mécanique, cet engrenage qui tourne avec une précision nanométrique… C’est beau. L’homme civilisé est réduit à l’impuissance dès le début du film. Au mieux, il va utiliser son cerveau pour pouvoir redémarrer le bateau en train de couler afin de ne pas se faire distancer. C’est à la Femme de faire tout le boulot. Tout repose sur ses maigres épaules. Et elle est loin de pouvoir utiliser la force, Billy Zane se montrant intraitable sur ce sujet. Ainsi, on a tout le comportement classique de la femme brisée : mutisme, refus du dialogue, tentatives de se faire oublier… Puis elle reprend le contrôle après une crise de larme et commence à essayer la psychologie, en cherchant un moyen d’arrêter le bateau. Après quelques tentatives, elle utilise enfin le meilleur argument qu’une femme peut donner à un homme. Et à partir de là, on arrive sur un terrain violent (et c’est pas un viol ! C’est elle qui s’offre pour pouvoir avoir un appui pour la contrattaque). Dans un dernier acte plutôt musclé et très tendu niveau suspense, on conclut l’affaire classiquement, mais avec un panache et une classe égale à celle avec laquelle nous étions entrés dans l’histoire.
Le seul petit grain de sable, c’est la mort de l’enfant… Un traumatisme qui justifie le voyage, certes, mais pas du tout indispensable dans le déroulement de cette histoire. Mais bon, à part ce détail qui n’est pas un gros défaut, ce film est une machine précise, parfaite synthèse de ce que ce genre a de mieux à offrir, et dans un cadre original et justifiant parfaitement le statut de huis clos au grand air. Une vraie bouffée d’oxygène.
6/6
de Phillip Noyce
avec Nicole Kidman, Sam Neill