Ai vu le film suite à la critique dithyrambique de Ze Ring. Le dernier film de Sergio Leone, donc. Une œuvre définitive, qui clôt sa carrière dans un dernier cri d’amour au cinéma. On voit le film (ici, dans une version courte de 3 heures), et si on sent quelques coupures, on sent quand même que Leone était un géni du septième art. Avec une mise en scène très classique, un sens du drame adapté à chaque situation et une violence frontale, Leone fait une peinture crédible d’une jeunesse juive tentant de survivre dans un ghetto en pleine période de prohibition, puis de leur ascension dans le monde du crime organisé. Avec des brochettes d’excellents acteurs, voilà un spectacle qu’il ne faut rater pour rien au monde.
L’histoire : Nathan Aaronson, surnommé Noodles, revint à New York afin de récupérer de l’argent qui a mystérieusement disparu. Nous découvrirons aussi son histoire avec Max et d’autres enfants du ghetto dans lequel il vivait.
Dès le début du film (qui s’ouvre sur la recherche de Noodles par des professionnels, qui tuent sa femme avant de torturer un de ses amis pour obtenir l’adresse de sa planque), on sent qu’on va avoir droit à un spectacle de qualité, car sans concessions (la violence foudroie dès qu’elle apparaît, on regrettera juste un sang parfois un peu trop « peinture ») et filmé avec une mise en scène qui en impose. Avec un casting aussi fourni que Robert e Niro, James Wood, Joe Pesci, Burt Young, Elisabeth McGovern…, on s’attend à un enchantement de tous les instants. Et c’est ce miracle qui se produit. Procédons par ordre chronologique. L’enfance de Noodles est une partie particulièrement intéressante du film, car retranscrivant admirablement l’ambiance d’un ghetto juif en pleine période de prohibition. Les conditions sont précaires, l’enfance se déroule dans la rue, où les gamins apprennent par eux même (et tombent facilement dans l’illégalité), l’amoralité fait loi… Les temps sont durs et le spectateur croit à ce qu’il voit. C’est surtout pendant cette période que le réalisateur pose les bases des icônes qu’il va faire peu à peu évoluer. Noodles veut devenir quelqu’un, à la fois pour satisfaire ses ambitions personnelles, mais aussi pour séduire une fille dans son proche entourage, danseuse qui le laisse l’observer pendant ses exercices de danse. Leur relation, plus complexe qu’il n’y paraît (et qui perdurera jusque dans les années mûres de notre personnage), occupera une bonne part du registre sentimental qui nous sera délivré par le film, étant une grande source de frustration pour notre personnage central. Parallèlement à cette intrigue amoureuse, on suivra aussi les progrès de Max, Noodles et de trois autres jeunes garçons qui envisagent de plus en plus leur carrière professionnelle dans le monde de la contrebande. Commençant sobrement par fait chanter un flic, ils commencent peu à peu à agir dans le milieu, ce qui n’est pas du goût de la bande déjà en place. Avec un parcours aussi tragique que réaliste, on suit cette bande d’amis sur de nombreuses années, jusqu’à leur passage à l’état adulte (la sortie de prison de l’un d’entre eux) et leur réelle carrière dans le milieu. Faisant constamment évoluer l’intrigue, Leone fait preuve d’un réel souci de détail, qui frappe par sa justesse (notamment lors du nouveau face à face entre Noodles et son aimée) et son authenticité. Si les femmes resteront surtout cantonnées au registre sentimental ou purement sexuel, leur présence dans le film marque, chacune y jouant un rôle capital. Le grand intérêt du film, c’est qu’il nous permet de suivre nos protagonistes pendant toute une vie. Et peu de films se sont employés à le faire, la préparation d’un tel projet relevant du cauchemar technique (ce film a nécessité 15 ans de préparation et de tournage). On a l’opportunité unique de suivre un parcours de gangster depuis une jeunesse jusqu’à un âge mûr où le bonhomme, mûri, peut jeter un regard sur sa vie. Avec un dénouement qui se permet un dernier rebondissement avant de nous quitter sur une note ultra nostalgique, le film se conclut merveilleusement bien, conscient de nous avoir donner une fresque gigantesque que nous contemplerons pendant encore bien des années. Seul reproche que je puisse faire : mon édition dvd ne montrant que la version cinéma de 3 heures, on sent par moments de grosses coupures. Plusieurs dialogues qui s’enchaînent mal, quelques ellipses qui ne favorisent pas la compréhension immédiate (la mort de Max est par exemple une grosse déception, étant simplement rapportée par un second rôle alors qu’il était clairement le personnage le plus important du film). Les coupes sont donc trop nettes pour passer, mais le spectacle a su conserver assez d’ampleur pour nous régaler d’une vie entière. Un vrai travail, c’est indéniable, et un numéro d’acteur si bien exécuté qu’il rejoint immédiatement les scorcese dans ma liste des meilleurs films de gangsters.
6/6
1984
de Sergio Leone
avec Robert De Niro, James Woods