Quatrième film de Terrance Malick (qui s'était éclipsé un certain temps), La ligne rouge retrace les débuts de la guerre du Pacifique avec l’attaque de Guadalcanal, île du Pacifique tenue par les japonais. L’occasion pour le réalisateur d’imposer gentiment son style en le diluant dans des scènes de guerre réalistes, parfaite introduction pour ce poète catho qui mélange les genres avec une douceur rare, loin de tout bourrinage inutile.
L’histoire : Le parcours de différents soldats recrutés dans l’armée américaine qui vont participer au débarquement sur Guadalcanal.
Très grand film de guerre que cette ligne rouge, puisque dès le départ, en plus de nous offrir des portraits de personnages touchants et des réflexions philosophiques pertinentes (la très belle introduction s’interrogeant sur l’agressivité de la Nature, des différentes espèces, parfait point de départ pour déboucher sur la guerre), il nous montre immédiatement qu’il a réunit un casting d’exception. Caviezel, Penn, Clooney, Harrelson, Travolta, Leto… Des tas de trognes connues que nous allons accompagner au front, et dont le destin sera parfois tragique. Chacun maîtrisant à la perfection sont personnage, l’identification à différents caractères se fait facilement, chacun pouvant trouver dans les caractères qui lui sont présenté des pensées dans lesquelles il peut se reconnaître (l’effet sera encore plus frappant avec The Tree of life, mais aussi plus ciblé). Penn a la carrure de l’officier désillusionné, terre à terre qui ressent l’humanité qui l’entoure sans pouvoir l’exprimer de son côté (il ne laisse entrevoir qu’une façade abrupte, guidée par l’instinct de survie et l’expérience du terrain), Caviezel est plutôt l’enfant de la nature, désertant plusieurs fois l’armée pour passer quelques temps avec les insulaires des environs, dont il partage le quotidien avec une joie de vivre communicative (et pourtant, si il a du mal à comprendre la guerre, il y prend part avec le sourire, tentant d’aider ses camarades (ça doit transparaître, mais autant l’écrire : il est le personnage auquel je m’identifie ici). Au fur et à mesure que les personnages défilent, le film développe ses thématiques, ne cherchant visiblement pas à pourrir l’armée (les portraits des officiers sont régulièrement touchants, la discipline est parfois injuste, les enjeux sont lourds (le général décide de sacrifier ses hommes dans une attaque de front pour impressionner l’état major qui surveille la manœuvre) et l’incertitude ronge le moral des hommes (touchante scène de prière du capitaine qui espère pouvoir faire les bons choix pendant la bataille, puis qui décide de désobéir aux ordres pour épargner ses soldats). Long (2h47), le film se permet régulièrement de faire des pauses entre les différentes manœuvres militaires, essentiellement pour laisser aux hommes le temps d’exprimer ce qu’ils ressentent et de s’interroger sur leur parcours. Toujours avec une pudeur et une déférence qui font plaisir (aucun plan dénudé pour la romance entre un dégradé et sa femme), le classicisme de la mise en scène flattant l’œil et nous guidant dans la douceur vers les réflexions qu’il tente de mettre en place. Rarement un film aura été aussi doux avec son audience (à l’exception des combats qui distillent une peur certaine, tout est posé), preuve de sa volonté d’imposer un style réflexif, poétique. D’autant plus subtil que si le côté catho ressort par moments (on sent qu’il y a quelque chose derrière la Nature, les hommes prient parfois en voix off…), il sert surtout à planter les angoisses ou les interrogations des recrues qui avancent dans la jungle. Tourné dans des décors naturels superbes et plantant des personnalités charismatiques, La ligne Rouge se révèle être un OFNI du film de guerre, dont on sent immédiatement l’importance dans le monde du septième art (rare sont les films à avoir atteint cette profondeur). Tout simplement indispensable.
5.5/6
1998
de Terrence Malick
avec Sean Penn, Jim Caviezel