Si il y avait bien un film redoutable dans ma liste de fin d’année, c’était La stratégie Ender. Adaptation du génial bouquin d’Orson Scott Card (génial car divisant la critique), la bande annonce laissait craindre un déluge d’effets spéciaux chiadés éclipsant un scénario rachitique et une aseptisation complète du matériau original (pour le coup subversif et finalement assez dur). Le choix d’un petit inconnu pour incarner Ender était logique, mais inspirait quand même une certaine crainte, et surtout, le fait de savoir le responsable de X men origins aux commandes du projet (script et réalisation) avait de quoi anéantir les espoirs. Contre toutes attentes, le film relève le défi avec énergie, et adapte finalement le matériau dans une logique similaire à celle d’Harry Potter (évidemment sous l’angle de la condensation de la trame principale).
L’histoire : Ender Wiggins, très jeune garçon surdoué, est pris en charge par le colonel Graff et emmené dans une station spatiale d’entraînement des officiers pour le combat, pour finir commandant de flotte. Ses multiples qualités lui valent vite d’être méprisé par ses camarades.
En tant que fan intégral du matériau original (ses multiples intrigues, son univers cohérent, sa vision des comportements humains et sa gestion des multiples manipulations qui ont lieu), il sera impossible d’obtenir 6/6 sur un tel matériau (à moins de faire une œuvre de 4 heures, impensable). Mais dire que Gavin Hood a fait un boulot monstrueux en résumant le script n’est pas exagérer. En l’état, La stratégie Ender se révèle être une bonne adaptation, dont le principal défaut est le manque de temps. Comme pour Harry Potter, il était impossible de donner corps aux multiples sous intrigues, il fallait donc aller à l’essentiel. C’est ce que fait La stratégie Ender, et Oh surprise, aucun des temps forts n’a été enlevé ! Tout est là, malheureusement passé au filtre de l’aseptisation de la violence (Ender tuait deux personnes pendant son séjour à l’école militaire, il ne reste plus qu’un blessé mort par accident), et si de nombreux détails sont un peu expédiés (Ender apprend à se déplacer en apesanteur en 5 minutes, Ender apprend à tirer en 1 minute, les heures de jeux sont réduites à 10 minutes chrono…), ce n’est que par soucis de condenser l’histoire de façon efficace. Il était obligatoire d’évacuer toute la politique et l’histoire de la sœur d’Ender (personnage clef réduit à une peau de chagrin, sa seconde intervention est d’ailleurs complètement illogique) pour se focaliser uniquement sur celle d’Ender, surdoué sensible que des généraux transforment en machine à tuer pour mettre définitivement un terme à l’expansion d’une race extra terrestre dont les intentions demeurent inconnues. Si le film zappe la moitié des raisons, des enjeux et des détails importants, il en a conservé l’essentiel, et s’offre en prime une esthétique en béton armé. Les décors sont excellents (pour le coup, on peut regretter de ne pas avoir vu le film en 3D tant elle aurait pu rendre justice aux vaisseaux spatiaux et aux exercices en salle d’apesanteur) et suffisamment variés pour satisfaire le plaisir des yeux sans les fatiguer. Concernant les acteurs, Asa Butterfield est tout simplement une révélation. Il est une excellente incarnation d’Ender, et il est suffisamment plaisant de voir un gamin sur lequel le film s’appuie entièrement avoir un jeu subtil. Tout à fait à l’aise dans la peau de son personnage, il parvient à saisir l’étoffe de ce dernier, sans pour autant se révéler aussi mécanique (les émotions d’Ender étaient purement logiques dans le livre). Malheureusement, si l’acteur se révèle excellent, le personnage d’Ender a été bouleversé. Au fur et à mesure de sa formation, sous la pression des professeurs, des rivalités entre élèves et de la solitude, Ender perdait complètement ses émotions (l’entrevue à mi-parcours avec sa sœur était glaciale dans le livre, elle est ici plus sensible, et moins glauque), et finalement, la révélation finale ne l’émouvait presque en rien (une simple manipulation de plus). Or, ici, Ender chiale. Il manifeste encore des émotions à un stade où il n’avait plus rien d’humain, ce qui était d’ailleurs son drame. Le film ose également une tentative un peu foireuse pour aller à l’essentiel dans l’épilogue, avec l’apparition d’une reine insecte assez hors de propos. Une faute de goût, heureusement, on retrouve le ton final du livre, avec cette ouverture qui laisse le spectateur rassuré, un peu agacé sans doute par des angles très polis par endroits et cette manie de l’essentiel, mais en l’état, La stratégie Ender n’a en rien à rougir devant ses concurrents annuels, se plaçant au dessus de Gravity et d’Elysium. Et vlan !
4/6
2013
de Gavin Hood
avec Harrison Ford, Asa Butterfield
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