Le survival est un genre un peu malmené, qu’il serait bon de redéfinir après toutes ces années d’usage à tort et à travers. Le survival, c’est un sous-genre du film d’horreur (ou, à défaut, violent) dans lequel nos personnages (préférentiellement un groupe) sont confrontés à un environnement hostile, rendu davantage dangereux par l’intervention régulière d’éléments perturbateurs ne dédaignant pas se tailler un steak dans nos personnages. On a ainsi des tueurs tarés de Délivrance au croco furax de Rogue. Et sur le terrain du survival animalier, nous allons aujourd’hui nous intéresser au Territoire des loups, fraîchement sorti dans nos salles et qui se révèle être le meilleur film du mois, avec peut être Cheval de guerre.
L’histoire : Un équipe de manutention de pipe line s’écrase en plein milieu de l’Alaska. Les rares survivants se regroupent rapidement pour faire face à leur nouvel environnement : une température naviguant entre 0 et -20°C, et une meute de loups particulièrement féroces.
Le sérieux avec lequel le film s’attaque à son sujet lui attire immédiatement notre bienveillance, et la réalisation efficace de Joe Carnahan nous plonge rapidement au cœur de l’action. Ce dernier sait vraiment ce qu’il a envie de faire : un bon film d’hommes aux prises avec une nature carrément hostile à leur présence. D’emblée, Liam Neeson fait preuve de tout son talent d’acteur pour nous offrir rien de moins que l’un de ses meilleurs rôles : un chasseur de loup tourmenté par la mort récente de sa femme, qui passera au bord du suicide avant d’avorter son geste et de reprendre l’avion, qui le conduira au cœur de l’enfer blanc. La scène du crash témoigne d’ailleurs d’une volonté d’immerger le spectateur dans l’action. Si la scène n’est pas facilement lisible (la caméra bouge trop, mais on met ça sur le compte des turbulences), l’immersion est totale, et le réveil aussi brutal pour le personnage que pour le spectateur. A partir du crash, l’efficacité du script est pour beaucoup dans sa réussite. Humanisant beaucoup ses personnages et leur offrant toujours une mort dramatique, le film se veut être solide et honnête, ne sacrifiant personne sur l’autel du divertissement. Les amateurs d’action pourront être déçus (bien que le rythme soit vraiment tendu lors de plusieurs scènes), le réalisateur privilégie le réalisme au spectaculaire, choix qui relève parfois de la facilité (la caméra bouge trop lors des attaques de loups), mais qui parvient toujours à atteindre l’impact recherché sur le spectateur. Les loups sont d’ailleurs ici parfaitement gérés, une menace animale rapidement présente sur les lieux du crash, et ne reculant pas un instant devant l’Homme. Ce sont des prédateurs sauvages, teigneux et particulièrement impressionnants, qui ne reculent jamais sans avoir mordu et lacéré ses adversaires. De vrais prédateurs comme on n’en avait plus vu depuis longtemps, et qui terrifient rapidement le spectateur (en l’espace de deux apparitions, le spectateur est tout simplement proche de la terreur, guettant littéralement le moindre bruit pouvant trahir l’imminence d’une attaque). Attaques qui arriveront souvent à l’improviste, et qui seront toujours efficaces, permettant de relancer un rythme qui s’enlisait. Mais en face de la Nature sauvage, Carnahan s’intéresse surtout à l’Homme, qu’il illustre par ses personnages. Un fait qui a ses bons et ses mauvais côtés. J’aime énormément le traitement qui est fait sur les personnages (probablement parce que le film parle aux hommes avec des hommes (aucune femme ne compte parmi les survivants)), illustrant une humanité beaucoup plus attachante en face d’une situation désespérée que ce que d’autres films avaient pu décrire. Si le réal insiste un peu trop sur l’aspect « inexistence de Dieu », il croit en tout cas en l’Homme, et essaye de bien mettre en avant sa volonté de survie, sans pour autant cracher sur ce qu’il y a de noble en l’Homme. Cette vision globalement assez positive témoigne en tout cas d’une certaine maturité d’écriture, très profitable à tous les personnages qu’il sera de plus en plus dur d’abandonner à la nature. Malgré tout, Le territoire des loups n’est pas un chef d’œuvre. Outre l’usage parfois tremblottant de la caméra à l’épaule, les caractères masculins de groupe sont parfois un peu clichés (la bagarre dans le bar, certains dialogues contenant un peu trop d’argot), notamment pour le « salaud » du groupe, qui cumule quelques belles tares comportementales qui ne prendront heureusement jamais trop l’ascendant sur le récit (hormis une rapide bagarre, rien de déterminant). D’ailleurs, le personnage du salaud sera par la suite peu à peu ré-humanisé, gagnant peu à peu notre estime avec des répliques moins connes que celles qu’il débite pendant la moitié du film. Si ses adieux sont interminables, ses dernières répliques tiennent très bien la route (une sorte de réhumanisation, comme les hommes de mains dans Austin Powers 1, mais en sincère), et sa fin est tout simplement sublime (pour le coup, une diffusion de ce seul extrait aurait parfaitement pu servir de bande annonce, l’intensité est exemplaire). A noter aussi des flash back parfois un peu intrusifs qui cassent le rythme alors qu’on aurait très bien pu faire sans (dans un contexte d’efficacité, étonnant que le réalisateur ne les ait pas viré). On n’en dira pas plus sur la survie de nos personnages (l’enjeu réel du film). Toujours est-il qu’en l’état, Le territoire des loups est un film d’une efficacité rare, et mon plus gros coup de cœur au cinéma depuis Enter The Void. Moi qui craignais un peu de voir le Liam Neeson de Taken ou Sans Identité, j’ai pris une belle petite baffe, qui assoit définitivement la carrure de Liam comme l’un des meilleurs acteurs sur le marché, et qui nous propose le meilleur survival qu’on ait vu depuis longtemps. Honnête, foutrement efficace (quoique pas vraiment axé sur l’action, en témoigne un dénouement trop abrupt pour contenter les amateurs d’action) et servi par d’excellents acteurs, e territoire des loups est LE film du mois, à aller découvrir de toute urgence !
5/6
2012
de Joe Carnahan
avec Liam Neeson, Dallas Roberts