Avec Mélancholia, Lars Von Trier délaisse quelque peu le cinéma réac que j’ai aimé (Dogville, Manderlay…) pour aller vers quelque chose de beaucoup plus franc (en tout cas d’explicite sans avoir recours à la violence). Ici, il se donne pour ambition de donner une incarnation à la mélancholie, qu’il a trouvé en la personne de Kirsten Dunst. Bien dommage que Lars se soit fait viré pour sa provoque à Cannes, il aurait pu nous en dire plus sur ce film magnifique et incontestablement mélancholique.
L’histoire : Justine se marie dans un grand château, où est rassemblée toute sa famille. A quelques jours de là, la planète Mélancholia avance lentement vers la Terre…
En montrant immédiatement la fin du monde telle que le film l’envisage (la Terre percutée par l’immense planète Mélancholia), Lars nous fait immédiatement adopter le point de vue de notre héroïne, qui se révèle être la mélancholie incarnée. Si, dans ses précédents films, Lars Von Trier raillait presque toujours ses personnages féminins qui croyaient en des idéaux et qui finissaient broyées par la société qui les entourait, Justine est ici une femme avec qui le public s’accorde parfaitement, parvenant à capter les plus faibles élans sentimentaux. Et celui qui imprime continuellement ce film, c’est la mélancholie. Car par l’intermédiaire de ses rêves, Justine sait que d’ici quelques jours, la Terre, seul berceau de la Vie dans l’univers, va être balayée par Mélancholia sans que personne ne puisse rien y faire. Dans ces conditions, difficile de s’attacher à des détails. Et c’est bien ce que la première moitié du film expose. En se servant du mariage, Lars Von Trier se livre à un des portraits de famille les plus sulfureux qu’on ait pu voir au cinéma, car criant de vérité et explorant sans faux détours les personnalités de quelques membres de familles aux caractères bien trempés. L’occasion pour les éminents membres du casting de faire preuve de leur savoir faire (Keifer Sutherland en beau frère bourré de fric et insupportable de suffisance, Udo Kier en traiteur à se tordre de rire dès qu’il apparaît…), et de nous offrir des personnages le plus souvent détestables qui vous ruinent totalement le plus beau jour de votre vie par leurs constantes remarques. Dans ce paysage se frustrations souvent présentes, le comportement de notre héroïne, parfois infantile (elle se réfugie souvent dans un bain), se comprend et se partagerait presque au vu de la situation dans laquelle elle évolue. Mais si cette première partie était aussi drôle que réussie, la seconde moitié se focalise plus sur son héroïne, sa sœur, son beau-frère et leur enfant, qui restent dans le manoir pour assister au passage de la planète mélancholia à proximité de la Terre. On suit là différentes étapes du comportement d’une personne sachant sa fin proche, et perdant totalement goût à la vie avant de tenter d’épauler les derniers êtres qu’elle aime dans les derniers balbutiements de la planète. Si le contenu du film peut parfois laisser perplexe (c’est du Lars Von Trier, quand même…), il se révèle plastiquement parfait, doté d’une facture technique juste excellente (c’est encore plus beau qu’Antichrist) et d’un lieu de tournage exceptionnel. On retiendra aussi les plans célestes de la planète mélancholia, magnifiquement réalisés qui s’intègrent parfaitement dans le mécanisme d’inéluctabilité que le film s’attache à illustrer. Un très beau film, qui devrait interpeller son public sans pour autant créer un raz de marée.
4/6
2011
de Lars von Trier
avec John Hurt, Kirsten Dunst