Les adaptations de Stephen King abondent, mais peu ont été relativement faites à bon escient, dépendant beaucoup des objectifs de leur réalisateur. Et assez étonnamment, Rob Reiner est un de ceux qui s’en tirent le mieux dans les adaptations de deux romans de Stephen King : Misery et Dolores Claibornes, et cela avec des budgets modestes. Pour Misery, Rob mise sur des acteurs compétents et utilise le canada comme toile de fond pour ce thriller intimiste et malsain, en aseptisant toutefois la violence dont King pouvait faire preuve. A la découverte d’un bijou du genre !
L’histoire : Paul Sheldon, écrivain d’une série de livre, prends la route en ignorant qu’une tempête de neige se prépare. Il a un accident et est secouru par Annie Wilkes, ancienne infirmière, qui l’emmène chez elle et le soigne. Mais cette femme est aussi sa plus grande admiratrice, et réagit assez mal à la fin de son dernier roman.
Tout d’abord, on notera le duo d’acteur qui crève l’écran : James Caan/Kathy Bathes, qui remplit plutôt bien le film. Si l’interprétation de Paul est parfois un peu trop classique (aucune folie dans le personnage), Annie Wilkes est tout simplement mémorable, et continuera de nous hanter bien après la fin du film, faisant véritablement éclater le potentiel d’actrice monstrueux de Kathy Bathes (vraiment une des actrices les plus douées que j’ai pu voir dans ma vie). Graduant sa folie avec ce qu’il faut de retenue et d’impulsivité, c’est un dragon femelle particulièrement effrayant, le film étant plutôt fidèle au matériau d’origine, à la fois sur le tableau du thriller et de la psychologie. En effet, Annie Wilkes a une vision de l’œuvre de son auteur, et elle entend bien continuer à la voir dans ses prochaines productions. Ainsi, en le forçant d’abord à détruire son dernier manuscrit non publié et à reprendre une saga qu’il a finit par détester, Annie fait effectuer une cure de style et d’inspiration à son auteur, en le forçant à relever un challenge plutôt ambitieux dont l’enjeu est sa pure survie. Il doit donner le meilleur de lui-même pour espérer avoir une chance de s’en tirer. Sur ce postulat simple, que King exploitait à merveille, Rob parvient assez bien à en retirer l’esprit pervers, l’épilogue du film apportant la conclusion attendue à cette histoire tragique, mais pas gratuite car laissant des traces indéniables à l’auteur. Mais si le film développe un sous-texte sur le lien fan-auteur et sur l’auteur et sa création, il reste avant tout un thriller très bien construit qui joue sur l’isolation de l’individu (incapable de se déplacer seul ou avec peine) et la folie peu à peu découverte (la séquence du livre de souvenirs). Cependant, le film fait attention à toujours rester modeste, et évite de s’aventurer dans les excès gores que se permettait King. Au lieu de l’amputer d’un pied à la hache et de cautériser au chalumeau, Paul verra ses chevilles broyées à la masse (scène tout de même impressionnante), et le flic simplement abattu au fusil là où il passait sous la tondeuse à gazon. Cependant, l’intensité graphique n’en est pas gâchée. Le film reste parfaitement fonctionnel en l’état, et peut ainsi élargir son public en limitant ses débordements de violence. Ainsi, même si l’acte final reste particulièrement violent, le jouissif qui s’en dégage renforcé par la tension du récit rend le spectacle vraiment stimulant, déclenchant souvent des réactions explicites chez le public en face de l’évènement. Simple, efficace et concis, Misery est une petite merveille d’adaptation et un thriller parfaitement exécuté qui a valu à Kathy quelques prix d’interprétation féminine. Elle valait au moins ça ! Une date dans mon initiation cinématographique.
5/6
de Rob Reiner
avec James Caan, Kathy Bates
"C'est pour ton bien, Paul... A la une, à la deux..."