Obsession est indéniablement un cru majeur de la filmographie de Brian DePalma. Pas vraiment pour son suspense (quasi inexistant ici, il faut bien le dire) mais pour la puissance émotionnelle de son histoire, aussi cruelle que bien pensée. Même si on pouvait avoir déjà quelques doutes sur les révélations finales, le film se révèle être d’une qualité rare.
L’histoire : Michael Courtland, un investisseur immobilier, voit sa femme et sa fille kidnappés contre rançon. Conseillé par la police, il ne verse pas l’argent aux bandits, ce qui entraîne la mort de sa famille. Quelques années plus tard, lors d’un voyage à Rome, il fait la connaissance de Sandra, une jeune femme qui ressemble beaucoup à son épouse.
Première constatation, en délocalisant son intrigue dans les années 50, le film n’a pas pris une ride. Son cadre demeure inchangée, son intrigue est toujours aussi forte, bref, il est parti pour affronter les âges. Autant le dire tout de suite, Obsession n’est pas un thriller (dans le type de Sisters ou de Pulsions). C’est un drame qui emprunte de temps en temps au style des films de gangsters (notamment pour les séquences d’enlèvement), mais qui soigne énormément ses personnages. Le contexte de chaque séquence est claire, soigné, et surtout propice à laisser surgir les émotions (la musique du film est d’ailleurs assez subtile à ce sujet, trouvant parfois des résonnances religieuses dans l’utilisation régulière des chœurs féminins). Après le traumatisme de la mort de ses proches, les ambiances de Rome sont plus accueillantes, mais c’est surtout la chapelle où Michael rencontre Sandra qui marque l’esprit. Lumières, sonorité, c’est un havre accueillant et très propice à la création de la romance empoisonnée qui va être au cœur du film. On aura d’ailleurs l’occasion d’y voir une métaphore avec la peinture que Sandra est en train de restaurer, signe précurseur des révélations identitaires de la suite du film. Ainsi, le film continue dans cette optique d’histoire d’amour vécue en coup de foudre. Peu à peu, Michael se détache de son travail, laissant l’ascendant à son associé, pour se concentrer sur les préparatifs de son mariage. Et peu à peu, le film fait les signes de l’obsession du titre, Michael se révélant obnubilé par son amour pour Sandra (qui elle s’intéresse de près à l’histoire de la première femme de Michael). Et quand Sandra est à nouveau enlevée, le sang de Michael ne fait qu’un tour. C’est à partir de ce moment là que les révélations pleuvent, et que la plus grosse d’entre elle nous fait ré-envisager l’angle sous lequel nous avons vu toute l’histoire. Si on pouvait se douter en partie du retournement de situation, l’impact psychologique est inchangé, le déchirement des personnages est palpable et on bascule dans de violentes crises qui transcendent nettement l’intégralité de l’œuvre. Sans spoiler quoi que ce soit, on tient ici une œuvre définitive, témoignage du génie de DePalma et drame profond.
5/6
1976
de Brian De Palma
avec Cliff Robertson, Geneviève Bujold