Requiem pour un massacre est un film russe sur la seconde guerre mondiale, ou plutôt sur les premières incursions allemandes en Russie, le tout vécu par un enfant ayant à peine la douzaine, recruté de force par l’armée russe et qui part à la guerre le cœur vaillant, sans vraiment s’attendre à ce qu’on sait inévitable. La qualité du film tient surtout en sa mise en scène incroyable, parvenant à créer une atmosphère hallucinante (portée par une musique particulièrement réussie), qui parvient à être une illustration particulièrement forte de la « déshumanisation » provoquée par la guerre.
L’histoire : Un jeune russe est enrôlé d’office dans l’armée rouge, avant d’être affecté à l’entretien du camp de repli des troupes, malgré son désir de partir au combat. Sa position est alors pilonnée par l’artillerie allemande, notre jeune paysan décide de retourner voir sa famille, non loin de leur position.
Requiem pour un massacre impressionne beaucoup pour son approche frontale de la guerre, approche rendue particulièrement immersive par l’utilisation d’une musique complétant parfaitement l’ambiance des faits relatés, et par l’approche très réaliste des faits qui nous sont exposés. Requiem pour un massacre est un film qui se ressent, osant parfois donner dans l’expérimental (la séquence où notre protagoniste tire sur une photo d’Hitler, pendant que quantité de films d’époques passent à l’envers, reconstruisant les ruines provoquées par l’extension du IIIème Reich). Du début du film (commençant sur une tranchée héritée de la première guerre mondiale) jusqu’à la fin, on partage le quotidien de notre enfant-protagoniste, approche qui nous propulse directement à ses côtés. Du bain dans une bassine posée sur le feu à la photo de troupe, tout transpire le vécu. Et le film n’en fait jamais trop, il se contente d’illustrer des faits, banals pendant la seconde guerre mondiale (Oradour sur glane, mémorial national où le temps s’est arrêté), mais éprouvants quand leur souvenir est évoqué, et davantage quand ils sont mis en scène. Si le film n’insiste jamais sur le sanglant de la guerre, les simples plans où il montre la violence des évènements (un simple regard jeté par-dessus une épaule pour entrevoir un village entier fusillé derrière une ferme) suffisent à choquer le spectateur, qui se retrouve en plein enfer, sans toutefois la folie furieuse qui imprégnait Apocalyspe now. Il ne reste que la population, tétanisée, témoin malgré elle de la folie du conflit et de la barbarie nazie, victime déboussolée par la tournure que prend ce conflit. En témoigne la scène au milieu des tourbières, où la population survit en mangeant des racines, en état de choc, pendant que les mourants agonisent. Si le film souffre parfois d’un petit temps mort ou deux (je pense à la mission de recherche de nourriture, qui s’éternise un peu avant que nos soldats trouvent enfin une vache), le film va sans arrêt de l’avant, menant son protagoniste (et la fille qui finit par l’accompagner) dans diverses situations, depuis ce mitraillage de la plaine (où nos soldats rampent littéralement sous les feux de l’ennemi) jusqu’à cette scène traumatisante d’un nouveau village massacré, nos personnages faisant ici partie de la population rassemblée dans les granges. Scène d’autant plus traumatisante que nos protagonistes s’en sortent non pas en survivant à l’horreur, mais parce que les nazis les épargnent, l’une pour satisfaire les soldats d’un camion (aucune scène ne l’illustre, il suffit de voir l’état dans lequel elle revient au camp), et l’autre pour être humilié et servir de témoin du massacre des races inférieures. La dessus arrivera la conclusion, magnifiquement mise en scène, où des renforts de l’armées rouge parviennent à faire prisonnier plusieurs des membres des forces nazies organisant les bûchers publiques, et où nous assistons à un résumé du tribunal de Nuremberg, où les officiers ne cessent de se renvoyer la responsabilité des massacres et que les hauts gradés demandent la clémence pour leur âge et parce qu’ils n’ont jamais tué personne. Une scène sidérante, qui devient horriblement pathétique quand les russes proposent aux nazis de s’entretuer en promettant de laisser les survivants partir, et que ces derniers n’hésitent alors pas un instant à asperger d’essence leurs frères d’armes. Arrive alors la scène expérimentale du film, vrai point d’orgue qui parvient à évacuer la violence accumulée pendant le film en mettant en scène la recul du nazisme et la reconstructions des pays européens si Hitler avait été supprimée. Un film puissant, qui doit énormément à son acteur principal, un jeune ado dont la transformation physique est particulièrement frappante pendant le film. Probablement le meilleur jamais réalisé sur la seconde guerre mondiale, jamais tenté par l’action et toujours focalisé sur le parcours de ses personnages. Traumatisant.
6/6
1984
de Elem Klimov
avec Alexei Kravtchenko, Olga Mironova