Avec une émotion non dissimulée, j’ai le plaisir de m’attaquer aujourd’hui à l’une des sagas horrorifiques les plus réussies de l’histoire du cinéma, abordant aujourd’hui à un véritable objet culte : la saga des morts-vivants de Georges Romero, ce visionnaire qui dès les années 60 plantait les règles du film de zombie et réussissait à nous en mettre plein les yeux. Budget rikiki, une production dont les conditions de tournages seraient comparables au psycho d’Hitchcock pour l’usage du noir et blanc, la nuit des morts-vivants traumatise le public et est aujourd’hui mondialement connu. Mais c’est avec l’immense succès de Zombie que Romero sera connu à l’international, ainsi que Ken Foree qui verra sa carrière dans l’horreur lancée. Le film, interdit aux moins de 18 ans, est un franc succès, qui laisse un champ assez large à Romero pour la conclusion de sa trilogie des morts-vivants. Le jour des morts vivants sort 7 ans plus tard, et si il ne fait pas mieux que son prédécesseur, ses idées n’en sont pas moins pertinentes et intéressantes. Romero signera avec ce film le métrage le plus gore de sa filmographie, utilisant plus de maquillages qu’à l’accoutumée pour donner à son histoire un ton frankensteinnien à ses créatures. Le temps passe, et les fans désespèrent de revoir un jour Romero à la tête d’un film de zombie. Pour les studios, ce type de projet est voué à être cheap, et ils rechignent donc à débloquer plus de crédits, peu assurés du succès d’un gros budget zombie. Il a fallu Zack Snyder et son costaud Dawn of the dead pour relancer la machine. Romero revient donc en force avec Land of the dead, une production plutôt bien fournie (peu de numérique) qui à défaut de révolutionner le film de zombie exploite gentiment ses objectifs politiques. Avec Diary of the Dead, on commence à voir apparaître un schisme dans la communauté horrorifique, certains y voyant un Romero tentant de revenir aux origines avec un style dépouillé et des messages omni-présents, et d’autres y voyant un documenteur pantouflard rechignant à mettre en scène ses zombies. Le schisme est définitif avec Survival of the dead, un film qui prend un peu à revers nos attentes, puisque Romero oublie beaucoup les messages sociaux qu’il avait l’habitude de nous donner pour s’intéresser à la simple survie de nos personnages. On regrettera surtout de voir un grand réalisateur sombrer dans les pièges des petits budgets de notre époque : le numérique facile et une petite paresse à retrouver ce qui faisait le sel de ses anciennes productions. Une saga inégale, mais qui surnagera toujours au dessus des navets qu’on a pu se taper sur une telle légende.
La nuit des morts vivants : Avec la nuit des morts-vivants, Romero connaît son premier projet de long métrage. Il n’est pas encore le réalisateur, mais il est derrière le script et on sent déjà sa finesse d’écriture, parvenant en un film à donner les bases d’un univers cohérent, angoissant (le côté noir et blanc n’arrange pas les choses) et polémique. Derrière son histoire de survie de citoyens en face d’une invasion de zombie à l’échelle mondiale, le scénariste développe déjà des enjeux sociaux forts, comme ici avec le thème du racisme, encore très implanté dans la société américaine. Avec des dialogues qui retranscrivent bien cet état d’esprit (le remake de Tom Savini insistera un peu plus sur le climat de guerre), le final ultra-pessimiste du film appuiera davantage sur cette thématique, devenant dès LA scène choc du film, qui lui assurera le statut de politique. Mais si l’honnêteté de la démarche sociale est là, le film passera à la postérité surtout pour ses monstres : les zombies. Des créatures déshumanisées, des corps sans conscience qui déambulent dans les environs et qui cherchent à dévorer les vivants en faisant preuve d’un appétit insatiable et d’une détermination désarmante. Encore une fois, en un film, tout est dit. De leur morsure contagieuse aux tirs dans la tête, les règles sont établies. Le réalisateur ne prend pas encore le temps de jouer avec, mais l’originalité est là. On notera d’ailleurs que l’action tient une bonne partie de l’intrigue, qui réussit à avoir au final peu de temps morts. S’aventurant déjà sur les terrains de la psychologie en temps de crise (les poches de survivants qui se livrent des querelles intestines), La nuit des morts vivants effraye, désespère, fait preuve d’ambitions qui l’honorent. D’autant plus qu’économiquement, le film est très facile à produire, et qu’il réussira à amortir son budget. Pour un film d’horreur quasi-fauché, l’ambiance est étonnamment prenante, misant sur la paranoïa des survivants et sur la menace zombie, au final plus un moyen de pression que la cause réelle de la mort des survivants. La psychologie tient donc une part importante dans l’œuvre de Romero, qui mise donc plus sur l’intelligence que sur les sentiments de ses protagonistes pour créer une situation de stress, de tension. Plutôt concis pour une œuvre visionnaire, (seulement 90 minutes), la nuit des morts vivants initie le culte du zombie et parvient déjà à fédérer tout un groupe de fans qui verront dans cette œuvre un début prometteur pour un des monstres les plus populaires du genre (car facile à créer chez soi).
5/6
1968
de George A. Romero
avec Duane Jones, Judith O'Dea
Zombie : sortie en 1978, ce film est l’évènement qui rendra mondialement populaire le zombie en temps que sous-genre horrifique. Son succès est énorme, et les moyens étant plus importants, le scripte peut se permettre d’être plus ambitieux, notamment dans sa critique de la société de consommation. Les survivants auxquels nous nous intéresserons en sont de purs produits, du gardien plutôt pauvre à la journaliste et son ami pilote d’hélicoptère et c’est avec ses icônes que nous découvrirons une société en pleine crise. Les zombies prenant largement le dessus. Le zombie n’y est plus seulement une menace aveugle, mais une métaphore de la populace qui effectue des mouvements réflexes de pure survie, comme retourner au supermarché. Romero utilisera d’ailleurs le supermarché pour aborder plusieurs thématiques : la société de consommation bien sûr avec les zombies, mais aussi la bêtise humaine avec les luttes entre survivants, sous la forme de pillards démolissant toutes les barricades érigées par nos héros sous prétexte de dévaliser l’établissement. Les situations toujours très simples, étonnamment réalistes, qui relanceront sans cesse l’action et qui assureront au film un rythme qui l’aidera à séduire largement son public. Car zombie est avant tout un film populaire qui mise davantage sur l’action et sur ses personnages attachants que sur ses opinions sociologiques. Ces dernières sont un plus, mais elles ne prennent jamais le pas sue le récit de pure survie qu’on est en train de suivre, une sorte de thriller jamais en temps morts où la menace peut venir à la fois de monstres tapis dans les ténèbres ou de collaborateurs décidant de trahir le groupe, tant par action (vol de véhicules, d’armes…) que par omission (refus d’aider au court d’une lutte, morsures cachées au reste du groupe…). A sa manière, zombie est un film d’action légèrement gore, incroyablement rythmé qui a le mérite de nous faire découvrir des personnages dont la psychologie est nettement plus construite que les icones habituelles du genre horrorifique de cette époque. On repensera beaucoup à cette scène mémorable où la reporter enceinte hésite clairement à mettre au monde son enfant où tout espoir a disparu. Avec un final plutôt pessimiste qui reste dans la lignée du discours que le film a tenu pendant près de 2h, le spectateur pourra repartir satisfait du spectacle qu’il a vu, totalement adulte dans sa gestion de l’horreur psychologique du phénomène étudié et tout à fait réfléchis dans les messages qu’il fait passer sur la société de consommation et sur certains aspects des crises économiques (les guettos surpeuplés d’où partent beaucoup d’invasions zombies). Inoubliable.
5.5/6
1978
de George A. Romero
avec Ken Foree, Scott H. Reiniger
Le jour des morts-vivants : si le succès de ce film n’égalera pas celui de zombie, ce dernier opus de la trilogie des morts-vivants connaîtra un certain succès, notamment parce que Romero se lâche un peu aux niveaux des effets spéciaux et nous offre de nombreux maquillages. On attribuera la contribution de , qui nous gratifie de beaucoup d’effets gores assez inventifs qui apporteront un côté un peu plus réjouissant que les précédents films qu’a fait Romero. On pensera surtout à Re-animator dans sa gestion un peu folle de bouts de zombies se mouvant par eux-mêmes. Et c’est d’ailleurs là que le film de Romero se révèle très intéressant puisqu’il ré envisage à nouveau toute la philosophie du zombie, qu’il rapproche maintenant du mythe de Frankenstein. Un de nos personnages principaux sera un docteur totalement obnubilé par ses recherches sur l’étude des zombies et leur dressage potentiel, qui étendra même ses expériences aux corps de plusieurs militaires de sa garnison. C’est avec lui que Romero innovera le plus, voltigeant sans filet en faisant évoluer le mythe du zombie, qui commence à se ré-humaniser peu à peu. Leurs réflexes sont beaucoup plus variés (le mémoire résiduelle y tient pour beaucoup) et on commence à voir apparaître chez eux un registre sentimental primaire, mais qui fonctionnera de la même manière que la créature de Marie Schelley. La scène où un zombie découvrira un concept de mort est tout simplement stupéfiante pour les sentiments qu’elle arrive à faire naître. D’un point de vue sociologique, Romero explore un thème maintenant cliché : l’armée devant assurer la protection des civiles, prenant peu à peu le pouvoir de part son rapport de force en sa faveur. On assiste peu à peu à la fondation d’une dictature militaire à l’intérieur du glocosse à l’intérieur duquel nos héros sont enfermés, et à la destruction progressive du dernier îlot de survie humaine qu’on a suivit pendant tout le film. Romero y décrit donc comment l’homme en arrive à s’auto détruire en connaissance de cause alors que les créatures hostiles qui l’entourent sont, elles, sur la voie de la reconstruction. Avec un happy-end totalement anachronique avec le ton de son histoire, le jour des morts-vivants conclue plus légèrement son histoire sur un possible survie du genre humain, donnant sa chance aux civils et réduisant à néant les valeurs militaires qui étaient instaurées en début de film. Moins d’action et plus de psychologie, c’est ainsi que pourrait se résumer cette conclusion de la trilogie, probablement moins immersive, mais aussi talentueuse que ses prédécesseurs dans son maniement du mythe zombie. Aussi indispensable que ses prédécesseurs.
5/6
1986
de George A. Romero
avec Lori Cardille, Terry Alexander