Rob Zombie, métalleux de premier ordre, s’est fait connaître dans le monde du cinéma avec The house of 1000 corpses, film d’horreur ultra trash et ultra clippesque qui a pu en déboussoler plus d’un (à commencer par les studios qui l’ont produit). Mais devant les réactions plutôt positives de la communauté de fans de genres, il est autorisé à tourner sa (fausse) suite : The Devil’s rejects. Et là, c’est la révélation. Celui qui avait pu se révélé ultra visuel et un poil bordélique dans son premier film fait preuve d’une incroyable maitrise de ses acteurs et de son histoire, parvenant carrément à renverser nos opinions en plein milieu. Une subversion assez osée, et un style qui s’affermit, c’est tout simplement un des chefs d’œuvres du genre.
L’histoire : La ferme de la famille Firefly est prise d’assaut par les policiers du shérif Wydell. Après une fusillade nourrie, ces derniers parviennent à arrêter la mère, pendant que leurs deux gosses psychopathes parviennent à s’échapper et partent rejoindre leur père dans un motel. S’engage une course poursuite sanglante.
Incontestablement, Rob a soigné le script de son nouveau bébé, ce dernier étant d’une simplicité redoutable d’efficacité, nous faisant parfaitement comprendre ou veut en venir le réalisateur. Si les enjeux sont posés dès les premières minutes du film dans le super trash (une maison remplie d’un nombre de corps indéterminé) avec une violence poisseuse et des victimes torturées salement, Rob Zombie initie un processus qui, lentement mais surement, va chambouler nos convictions premières. Tout simplement en montrant déjà cette famille de psychopathe comme vraiment unie, faisant face en groupe à une situation qui les met carrément dans les emmerdes jusqu’au cou. Bien normal au vu de leurs activités précédentes, à l’exception que c’est le shérif Wydell qui les poursuit afin de se venger de la mort d’un de ses cousins, venu arrêter la famille seul avec son flingue, probablement pour se prouver quelque chose. Là où le shérif Wydell se révèle de plus en plus agaçant (et c’est délibéré de la part de zombie), c’est qu’il s’enferme de plus en plus dans un discours religieux, faisant d’une mission divine la capture des psychopathes et de la vengeance leur purification d’âmes. Ce qui, après un premier meurtre bien poisseux (la reine des abeilles), nous renvoie directement à la fin du film où le shérif pourra enfin donner libre cours à ses envies. Ce n’est pas que les sévices qu’il leur inflige soit pires que ceux que la famille infligeait à d’innocentes victimes, mais qu’il les revendique sous l’appellation de justicier de Dieu sans jamais prouver la validité de sa cause (si Dieu regarde, il ne s’en mêle pas) ni s’avouer qu’il s’agit d’une vengeance à titre personnel. Une approche complètement différente avec la famille, présentée comme trash et s’assumant comme telle, agissant impulsivement et de façon toujours inattendue. Un poil satanistes sur les bords (la phrase « Je suis le Diable et je suis là pour accomplir son œuvre » dans la bouche d'Otis, empruntée à Charles Watson, homme de main de Charles Manson), la famille évolue dans un univers glauque et totalement déjanté, séquestrant un groupe de musiciens avant de partir dans un village coloré où viendront les chercher le shérif. Même avec leurs tendances chaotiques, le réalisateur parvient, en nous faisant partager leur quotidien, à nous attacher presque imperceptiblement à leur cause, la famille étant tout simplement heureuse. Etranges sentiments contradictoires au vu de l’épisode du motel, où les psychopathes que nous connaissons vont humilier puis décimer un groupe de countrie, en faisant au passage quelques démonstrations théologiques qui elles fonctionnent (et sont indéniablement cruelles au moment où elles apparaissent). Ainsi, grâce à de subtils traits de caractères, Rob Zombie dépouille ses psychopathes de leur moralité, mais aussi de mensonges, sans leur ôter leur humanité (ils nous feront rire en de maintes occasions). Cette absence de contradiction dans leur discours, et la totale liberté dont jouit la famille, procurent une impression bizarre, une sensation de liberté dans un récit qui n’avait pas l’air à la base parti pour le créer. C’est ce sentiment qui culmine dans la scène finale où la famille partant pour de nouveaux horizons tombe sur le barrage de police… Et qui s’ouvrira sur un des meilleurs génériques de films de la décennie, parvenant à faire revivre et à prolonger ce sentiment de liberté totale avec une caméra libre, qui suit une route seule en plein désert et qui la quitte dès qu’elle le veut. Rob Zombie emmène son film là où on ne l’attendait pas, et soigne particulièrement sa bande son en y utilisant des musiques triées sur le volet, un talent qui le rapprocherait de Tarantino dans la conception musicale de ses œuvres (la bande originale de The Devil’s Rejects est une merveille). Par des enjeux simples et des acteurs parfaitement maîtrisés (qui n’hésitent pas à se faire raser la tête pour porter les perruques réalistes du film), Les rebuts du Diable est un road movie sanglant et malsain qui au fil de son histoire parvient à renverser ses enjeux primaires et à transcender le ton de son récit pour en faire du jamais vu, et du rarement ressenti. Un vrai petit chef d’œuvre, pour ma part.
5/6
de Rob Zombie
avec Sid Haig, Bill Moseley