Interdit aux moins de 18 ans, banni d'Angleterre !
Ces dernières années, une sorte de compétition internationale s’est lancée dans le monde du cinéma, pour savoir quel pays produirait le film d’horreur le plus outrancier jamais tourné. Si Philosophy of a Knife a contribué à l’émergence du phénomène, la palme semblait bien revenir au glauquissime A serbian film, qui confondait immoralité et politique mais nous gratifiait des scènes les plus choquantes jamais tournées. The Human centipede a provoqué lui aussi un buzz lors de sa sortie, même si maintenant tout le monde s’accorde pour dire que son idée est originale, mais qu’elle est loin d’être transcendée par un script au final classique. Alors que Bunny game commence à agiter les fans de trash, tout le monde est en train de fantasmer maintenant sur The Human centipede 2 : full sequence, qui s’annonce comme la nouvelle claque du genre. L’angleterre l’ayant tout simplement interdit, le buzz est là encore phénoménal. Cependant, après avoir vu l’objet en question, on peut penser que si il fera parler de lui dans les quelques mois qui suivront sa sortie, il risque d’être démodé aussi rapidement que ses prédécesseurs…
L’histoire : Martin, gardien de parking et fan tordu de The Human centipede, décide de recréer l’expérience du docteur Heiter avec une douzaine de personnes.
Pour le script, il est vrai que Tom Six y va plutôt fort. Comment ne pas être scandalisé devant le fait qu’un fan de film d’horreur décide de refaire les mêmes horreurs que sur les péloches qu’il voit ? C’est carrément suicidaire de présenter ça à des critiques de cinéma, qui en deux minutes règleront le procès du film, qui utilise la violence qu’il a l’air de condamner à des fins racoleurs et qui finalement a l’air de critiquer les films violents pour leur impact sur des comportements humains. Alors qu’en fait, le débat ne se situe tout simplement pas là. Tom Six, comme il l’affirme dans ses interviews, a fait un film si outrancier qu’il ne devient pas possible de le prendre au sérieux sur toute la longueur, sous peine de péter carrément un câble devant cette débauche de violence gratuite, ce qui en fait un argument pour la relativisation du cinéma extrême, souvent trop pris au sérieux par la critique. Dans the human centipede 2, ce n’est pas the human centipede 1 qui est en cause, mais bel et bien Martin, un individu de 40 ans obèse, à l’hygiène physique et mentale dans un triste état, qui est la cause de ce carnage. Et par conséquent, ceux qui crient au scandale se rapprochent plus de Martin que de ses victimes dans le fait qu’il est le seul à prendre au sérieux Human Centipede. Ici, l’histoire est vue entièrement de son point de vue, et jamais par celui des victimes (à l’inverse du premier film). C’est ce point qui a amené la censure à être aussi sévère. Le film s’intéresse essentiellement à Martin, à son quotidien de merde hanté par une mère surprotectrice et un lourd passé de viol incestueux avec son père, et à ses fantasmes sexuels pervers (où en effet notre bonhomme se masturbe dans du papier de verre). Sa frustration quotidienne est copieusement étalée dans le récit, et chaque agression devient une sorte d’exutoire à la souffrance de Martin (ce qui est carrément insoutenable au niveau psychologique, l’individu justifiant ses meurtres crades par des frustrations strictement personnelles). Niveau malsain, le terme qui conviendrait le plus au film serait « libidineux », au vu du constant retour de la violence montrée à la libido de notre fan tordu, dont la jouissance s’étale tout simplement sur l’intégralité du film (à l’exception des quelques scènes de frustrations, où ses victimes sont continuellement rabaissées par le mépris qu’elles éprouvent pour Martin). Le film est bien plus crasseux que son prédécesseur, qui privilégiait une atmosphère clinique et froide. Ici, c’est du charcutage maison avec un type qui croit que mettre une blouse blanche fait de lui un chirurgien expérimenté. Couteau de cuisine, agrafeuse, extraction de dents au marteau, on a droit à pas mal de sévices gratinés (et plutôt bien gérés, le film tentant de doser ses effets et de ne pas faire du gore à outrance), qui trouvent dans le noir et blanc un ton crasseux qui sied parfaitement à l’esthétique malsaine du film. Indubitablement, ce noir et blanc souligne chaque grain de crasse qui apparaît à l’écran, avec un léchage lubrifié du détail qui rend poisseux chaque séquence du long métrage. Après, bien sûr, The human centipede reste un shocker salement malsain qui tente surtout de repousser ses limites au plus loin (preuve d’ambition de la part de Tom Six, qui nous promet déjà un troisième épisode). Pas de politique, pas de message particulier (si ce n’est sa prise de distance avec les films glauques), c’est avant tout un étalage de sévices bien crade avec des idées tordues (qu’on ne spoilera pas même si l’envie y est). Dans cet océan de crasse, le film se permet quelques traits d’humour, mais d’un humour si noir, si ancré dans le malsain qu’il risque de ne pas fonctionner avec beaucoup de personnes. Ceux qui ont vu l’épisode de South Park nommé The human centi-pad et qui ont rit à la blague du pet qui voyage de personne en personne riront d’autant plus qu’ici, le gag est repris avec 12 personnes agrafées les unes aux autres qui n’arrêtent pas de se péter dans la bouche en déféquant dans la gorge du malheureux qui suit une diarrhée bien liquide… Moment de dégueulasserie monumental, mais qui contient bel et bien des traces d’humour trash. The Human centipede 2 tient donc les promesses annoncées, même si encore une fois on est loin de tenir un chef d’œuvre indispensable au genre. C’est un buzz qui fonctionnera bien pendant quelques mois, puis qui sera probablement vendu en supermarché comme son prédécesseur, sa violence purement graphique étant loin de lui assurer un passage à la postérité. Le shocker nauséeux qu’on attendait, mais pas grand-chose à dire de plus dessus.
1.5/6
2011
de Tom Six
avec Ashlynn Yennie, Dominic Borrelli