Les frères Watchowski, avant d’être reconnus par le public, ont fait Bound, un thriller plutôt apprécié par le grand public. Mais c’est avec Matrix que leur carrière prend enfin de l’envol, puisqu’il trouve LA formule qui marche : du subversif, du style original et plastiquement recherché, et un univers complet avec des règles défiant toutes nos notions de réalité. Un véritable carton, 460 millions de recette mondiale. Une véritable aubaine pour la Warner, qui rempile direct en débloquant les fonds afin d’assurer un spectacle encore plus ambitieux dans un second opus qu’on espère prometteur. C’est le cas, et si l’univers disparaît un peu derrière une religion démagogique piochant à droite et à gauche, l’audace graphique n’est que plus ambitieuse, et nous comblera largement. Plus distrayant que réflexif, ce second opus explose les prévisions de vente, n’encaissant pas moins de 738 millions de dollars dans le monde. Chez la Warner, on est proche de l’euphorie, et on est tellement enthousiaste qu’on nous balance, la même année (2003), la conclusion de cette aventure mythique. Et là, c’est la gueule de bois (on perd presque la moitié du box office du 2). Pas d’audace, de l’ambition qui vire clairement sur la prétention, un surnaturel ridicule sortant complètement de l’univers underground des précédents opus… Il n’y a plus rien de beau, de logique ou de séduisant dans cette conclusion, qu’on réduirait volontiers à l’état de joujou en CGI pas très loin de la filmo d’un Michael Bay. Connexion.

The Matrix : Quoi de plus enthousiasmant qu’un projet qui cumule subversion et grand spectacle ? Je ne parle pas de subversion type V pour Vendetta (qui n’en est pas une : c’est simplement une guérilla entre un terroriste et une nation dictatoriale), pas de quelque chose qui remet tout en question, qui a une réponse à tout (les miracles sont des bugs, comme les impressions de déjà vu) et qui fait éclater d’un coup toute la fausseté du monde ! Un brûlot divertissant ! C’est pourtant bel et bien ce qu’est the matrix, dans la version alternative de la réalité qu’elle donne. Le monde ne serait qu’une illusion destinée à nous berner pendant qu’on exploite notre énergie. Chaque jour au boulot, à chaque moment de notre existence… Bref, impossible de ne pas adhérer à cette version inattendue de notre monde, qui vire sur de la science fiction post apocalyptique sans prévenir. Mais comme le budget n’est pas énorme, on se contente de la subversion, et on ne sortira jamais du vaisseau. Malgré cette limitation de moyen, le film introduit bien son idée (la comparaison avec Alice au pays des merveilles est assez pertinente), et est une excellente synthèse des pensées philosophiques qu’un tel phénomène peut engendrer (recherche de l’Elu, la seule arme capable de vaincre les Agents, accomplissement d’une prophétie dans une matrice virtuelle créée et régulée par des machines… ). Si les citations bibliques sont parfois un poil lourdes, elles s’émancipent vite d’une quelconque appartenance religieuse actuelle, tendant plutôt à former une nouvelle religion, plus démago, où on utilise des mots mystiques pour décrire ses pensées. De bonnes idées pointent cependant dans le lot, notamment un certain retour aux religions antiques par l’intermédiaire de l’Oracle.
Enfin, d’un point de vue purement visuel, le film lance clairement son style (combats mêlant de multiples arts martiaux parsemés de bullet-time, où on fige les mouvements, où on change d’angle…). Résultat : on a rarement eu des bastons aussi fluides, aussi photogéniques… Un style qui paye, la moindre scène de bagarre ne se souciant plus des lois réelles, se contentant de faire évoluer ses personnages iconiques avec style. Les personnages, d’ailleurs, sont loin d’avoir un design innocent. Ils ont tout pour avoir la classe : lunettes noires, cuir, tenues sombres… L’archétype du fringage branché tendance underground bourré de fétichisme qui vient sublimer nos scènes d’actions, tout en étant en cohérence avec les ambiances bleu-gris qui imprègnent la matrice. Le thème de l’émergence du héros n’est pas non plus pour nous déplaire, car à la base, c’est un citoyen lambda, endormi, qui va devenir un guerrier surpuissant. Et sans avoir de super-pouvoirs (le contexte technologique justifiant de manière logiques les bons de géants et les impacts décuplés : ce sont des cheats). Bref, exploitant un contexte ludique (le thème du jeu vidéo n’est vraiment pas loin), the Matrix nous donne à voir un film assez ambitieux et développé au niveau de ses thèmes bibliques et de son visuel plutôt osé (bien qu’on le dise inspiré d’œuvres asiatiques parues précédemment, ce que je n’ai pas encore pu vérifier). Un must seen que tout le monde a déjà vu, mais qui reste aussi divertissant au fil des visionnages…
5/6
de Larry Wachowski, Andy Wachowski
avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne

The Matrix : reloaded : Cashing ! On relance les dés ! Véritable Jackpot pour la Warner (33 millions de budget, 460 de recette), on relance la machine à toute allure, en donnant carte blanche aux Watchowski. Et ils en profitent bien, les bougres ! Bien plus ambitieux dans sa science fiction, nous pénétrons enfin dans Zion, mythique cité religieuse étant ici le berceau de l’humanité. Dans cet opus, à part un échange avec l’oracle aussi bref qu’intéressant (le thème du film, c’est le choix), la religion se désincarne complètement, devenant un véritable opium mystique où on ne fait plus de discours politiques, mais où on cède la parole à des prophètes religieux qui disent bien des choses assez vagues dans le fond. Et passé les discours, on danse comme dans une immense orgie populaire (l’énergie humaine se dégageant de la foule entrecoupée par les plans fesse de Néo et Trinity ne trompe pas). Vraiment chiadé au niveau des ambiances, Zion ne sonne pas vrai bien longtemps tant il semble impossible de gérer autant de monde dans un espace aussi gigantesque (rien que d’un point de vue sanitaire et alimentaire, c’est ingérable). Dommage d’avoir été ambitieux sur un tel lieu, certes c’est du bigger than life, mais la SF en prend un coup. En revanche, au niveau des connexions sur la matrice, on nous en donne pour notre argent. Rarement les effets matriciels n’ont été aussi ludiques : on se bat un peu en faisant des trucs stylés, puis on décolle et on vole comme superman. Puissant ! Et ça ne se limite pas qu’à Néo, puisqu’on se met à jouer avec les multiples possibilités qu’offre la matrice. Ainsi, les portes, utilisées avec des clés codées, donnent sur des lieux à des kilomètres de là. Pas assez fin pour être virtuose, mais suffisamment ludique pour nous faire passer un agréable moment d’action. Moment sublimé par l’une des meilleures courses poursuites du film d’action : la course sur l’autoroute. Dans un sens, à contresens, en changeant de véhicule, avec des adversaires qui apparaissent de tous côtés en même temps… On en oublierait presque de respirer. Même si certains moments virent un peu trop sur le ridicule : le combat Morpheus vs Agent sur le camion, le suspense monte jusqu’à un climax impressionnant qui conclura parfaitement la scène. Bref, ça dépote sec jusqu’à un final attendu et convenu (Oh, il fait revivre Trinity, si c’est pas meugnon !). Parlons maintenant des acteurs : notre bande s’amuse toujours à être aussi classe (bien que Trinity semble toujours avoir un putain de balai dans le clu une fois connectée), et à lancer de bonnes répliques. C’est surtout pour ses seconds couteaux que le film s’avère savoureux… Une Monica Bellucci qui bouffe carrément Trinity sur le plan de la présence féminine, un mérovingien campé par un qui cabotine comme un dingue (« putaindecondenfoirédebordeldemerdedenculédetamère… ») et qui illustre à nouveau l’image des français comme des tombeurs lubriques incapables d’avoir une vraie femme (de la même trempe que Cassel dans Ocean’s twelve). A part Niobé et l’agent Smith (un peu trop numérique par moments), personne d’autre ne vient particulièrement s’imposer sur la scène, le maitre des clés assurant le minimum et les frères jumeaux se faisant évincer crétinement. En fin de compte, derrière un script qui a l’air plus compliqué de loin que de près (c’est archi simple, comme scénario, en fait), le film se conclut dans un dilemme cornélien (qui n’est pas sans rappeler Hellboy 2), et nous laisse entrevoir le pire pour Zion. Quelques minutes avant le générique, Néo semble produire une EMP. What the fuck ? Mais en fait non, l’arrivée d’un vaisseau allié nous laissant envisager que ça soit lui qui ait lancé la décharge… Au final encore soucieux des convenances, Matrix 2 se clôt en nous relançant vraiment, et nous a donné à voir un spectacle totalement divertissant. Assez plaisant, plus vraiment subversif, mais agréable à voir (les smith numériques par dizaines). Un blog buster ludique assez fun.
4/6
de Andy Wachowski, Larry Wachowski
avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne

The Matrix : revolution : En effet, cet ultime opus est une révolution. Pourquoi ? Parce qu’on abandonne presque ce qui faisait le jouissif de la série : les connections dans la matrice, maintenant entièrement composée de smith qui laissent heureusement les zones occupées par l’Oracle désertes. On laisse tomber la religion, on part dans le nawak total avec Néo, qui dans une scène assez vénère niveau violence, fait preuve d’un don de double vue certes inattendue, mais en totale rupture de ton avec ce qui avait été présenté jusqu’à maintenant. Résultat : il se retrouve capable de bousiller les machines à distances. Et plutôt que de rappliquer dare dare à Zion pour soutenir les défenses (250000 pauvres machines… L’affaire d’une demi-heure, même pas…), il va aller bousiller des défenses infiniment plus balèze dans le but d’aller marchander avec les machines (on croit rêver, les humains étant de se faire littéralement torcher par les pieuvres). Et là, a lieu le sacrifice le plus bancal et le plus crétin que j’ai jamais vu. Si c’est pour crever, pourquoi se battre pendant une demi-heure avec Smith ? C’est juste pour dépenser du budget effet spécial. Et on a droit à la séquence numérique la plus hideuse de toute la série : le poing de Néo numérique dans la gueule numérique de Smith. J’étais littéralement mort de rire devant cette séquence naveteuse au possible, tentant de faire passer de la hargne dans une séquence déjà foireuse techniquement. Dans une mécanique foireuse au possible, Zion est sauvée, la matrice se réinitialise, et c’est reparti pour un tour.
Passons maintenant à la défense héroïque de Zion, qui consiste en gros à ouvrir le feu sur les machines. On a droit ici aux pires clichés du film de guerre : les guerriers qui combattent et qui arrivent au bout de leurs munitions, le ravitaillement qui peine à délivrer sa cargaison mortelle… Bref, un soucis de réalisme bienvenu. Mais ça serait mieux si c’était moins tape-à-l’œil. Ainsi, un général complètement épluché par un bon millier de machines trouve encore la force de déblatérer des paroles patriotiques sans être américaines, un jeunot d’abord chiant devient le nouveau héros libérateur de Zion sans avoir la moindre idée de comment fonctionnent les armures robotisées… Une pléiade d’incohérences ou de maladresses qui entâchent sérieusement ce spectacle qui vaut d’ailleurs surtout pour ses effets spéciaux numériques, à savoir de gigantesques vers formés de milliers de machines détruisant tout sur leur route. Transformers n’était pas sorti, mais ça se la pétait déjà d’une façon assez similaire d’un point de vue CGI 100% ludiques. Bref, à force d’être prétentieux sur les enjeux, on finit par exclure totalement le spectateur de l’affaire, qui risque de s’ennuyer si il ne se sent pas concerné par la survie des différents protagonistes. On ruine du même coup le choix qu’avait fait Néo dans le second opus de la pire des façons, ce qui renforce encore plus notre sentiment d’assister à une conclusion bâclée qui essaye de compenser sa vacuité scénaristique par du spectaculaire gargantuesque. Clairement l’épisode le plus faible de la série.
2/6
de Andy Wachowski, Larry Wachowski
avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne

"Merde, encore raté à cause de leurs ralentis !"