Jim Henson est surtout connu pour sa fameuse création comique : le muppet show ! Il a essentiellement travaillé sur des films pour enfants, ou au moins accessibles à la famille, en cultivant un certain goût pour le kitch. En 1982, il lance un défi technique ardu : créer de toutes pièces un univers riche avec des marionnettes sans qu’aucun acteur humain n’apparaisse à l’écran. Le projet s’appelle The Dark Crystal, et c’est tout simplement l’un des films d’héroïc fantasy les plus riches qu’il m’ait été donné de voir. Un film dont l’univers fascine plus que ses personnages.
L’histoire : Jen, un Gelfings, se voit chargé d’une importante mission par un Mystique, une race dont l’existence est liée au pouvoir d’un cristal. Jen doit retrouver un éclat dudit cristal et le remettre en place. Mais les Skekses, qui possèdent le cristal, ne l’entendent pas de cette oreille.
Le gros point négatif du film, c’est le rythme. En effet, à moins de se concentrer sur l’histoire et ce que l’on voit, on risque vite d’être lassé par un ton de récit monocorde, de très rares séquences d’action, et au final aucun souffle épique. Alors, peut-on faire de l’héroïc fantasy sans un héros musclé ? Et Frodon, c’est un body builder ? The Dark Crystal nous prouve que c’est l’univers d’une œuvre qui fait toute sa richesse, et pas vraiment ses personnages. L’histoire, en elle-même, est assez téléphonée (aller voir l’oracle, puis accomplir la mission… Waow !) et ne contient pas en soi de grosses surprises (à part pour Kira). Mais Jim Henson parvient à créer des ambiances, à matérialiser un univers vraiment original, foisonnant dans son bestiaire (des pans entiers de forêt ressemblant à des barrières de corail), pas avare en détails qui n’apportent rien à l’histoire, mais qui fascinent pour leur fraîcheur. On nage dans l’originalité en y faisant simplement des longueurs. On découvre les mœurs décadentes des Skekses, les ambiances calmes et méditatives des Mystiques, les animaux sauvages… Vraiment, on dépasse Star Wars dans le cadre de la richesse graphique. Si l’histoire cumule quelques gros clichés de la fantasy (l’asservissement des peuples indigènes, la quête de l’objet magique), le tout passe assez bien (si là encore on arrive à pénétrer le rythme assez lent du film (j’ai déjà tenté de le voir à partir de 2 heures du matin, c’était difficile de garder les yeux ouverts)). Le château des Skekses est lui aussi un élément totalement jouissif du film, car possédant tellement d’issues que l’on vire sur un terrain labyrinthique d’une plaisante complexité, sans pour autant être perdu géographiquement. Les gardes en forme de gros crabes, dont s’inspirera probablement L’histoire sans fin 2, possèdent un design assez sympathique et seront d’ailleurs la source de la seule séquence tétanisante du film, où Jen se retrouvera quelques instants dans le noir total, des dizaines d’yeux l’entourant.
Sur le simple plan de l’animation des marionnettes, les avis sont partagés. Disons que le film alterne le bon et le moins bon, car si sur le plan des mouvements, le film est correctement exécuté, le registre des émotions de ces marionnettes est assez limité. Elles sont globalement assez inexpressives, et on s’appuie dès lors beaucoup sur la musique pour se faire une opinion sur ce que ressentent les personnages. Certes, c’est un défaut qui tient plus de la technique, mais il devient de plus en plus visible au fil du temps (quand on voit la merveille d’animation qu’est Team America). Temps qui ne joue d’ailleurs pas vraiment pour le film, certains effets spéciaux faisant de plus en plus datés (la demeure de Greta incendiée, la fusion finale des Anciens et leur château d’argent…). En conclusion, ce film est d’une richesse kitch impressionnante, qui devrait combler les amateurs du genre. Pour les autres en revanche, un rythme un peu lent malgré des thèmes fondamentaux bien traités pourrait modérer leur avis. C’est en tout cas une référence absolue en la matière, et je souscris volontiers à la cause de ce film.
5/6
de Jim Henson, Frank Oz, Gary Kurtz
avec Jim Henson, Kathryn Mullen