Un peu de politique avec un documentaire en train d’achever sa tournée partout en France : Mains brunes sur la ville, escorté par Jean Baptiste Malet, journaliste d’investigation se revendiquant anti-FN. Le jeune homme (24 ans au compteur) a enquêté sur plusieurs faits qui ont attiré son attention du côté du Vaucluse, et a tenu à faire un vrai travail d’enquête pour traiter son sujet. Vu la radicalité du parti pris, il vise à faire réagir son auditoire. Mais si son travail d’enquête relève de vrais problèmes, son désir omniprésent de pourrir le parti politique visé (et ses électeurs) plombe l’entreprise.
Le sujet : Constat de la gestion des fonds publics des mairies de Bollène et d’Orange, et charge massive contre le parti d’extrême droite.

On peut reconnaître que Jean Baptiste Malet a le courage d’afficher ses convictions et d’avoir monté un projet cinématographique militant, dans le sens où tous les professionnels qui s’y sont engagés ont travaillé bénévolement à sa conception. Ce projet tient donc du réquisitoire contre un parti montré comme dangereux. Toutefois, le film ne fera pas l’apologie de la gauche ou de la droite, restant focalisé sur son objectif de dénonciation. Et en effet, le journaliste Malet a soulevé des sujets intéressants. Ainsi, on constatera que la mairie d’Orange, sous la direction de Bompart aujourd’hui député, a pris des décisions navrantes concernant les centres d’activités implantés dans sa banlieue, et qu’elle n’entretient plus les quartiers de résidences des populations pauvres, préférant une politique de vente d’immobilier avec des promoteurs à une politique de logements sociaux. Des quartiers entiers se retrouvent alors dans des états déplorables alors que le centre-ville est constamment embelli pour assurer une sorte de façade respectable (et que les caisses de la ville sont pleines). Les faits sont là. On parlera aussi de quelques projets fantômes, comme celui d’une Mosquée sans cesse ajourné qui provoque la lassitude de la population musulmane (un point en effet agaçant chez le FN : l’islamophobie). Le reste des dénonciations tient du tristement déjà vu, passant de l’intimidation de certains membres de la mairie (comme Mr Bompart), de la hausse du budget de la Police alors que la criminalité est en baisse et des fameux apéritifs saucissons qui ont suscité du remous. En clair, malgré la rapidité de l’enquête menée par Jean Baptiste Malet, il y aurait en effet des mesures à rectifier urgemment (comme le budget destiné à l’éducation, pris en charge directement par l’état, la mairie ayant suspendu ses aides financière dans ce domaine). Mais si la dénonciation aurait pu se faire de façon claire et sobre, le film insiste très lourdement sur des détails certes parfois grinçants, mais aussi terriblement clichés (« extrême droite vue par la gauche »). Ainsi, le film vomit sur une fête médiévale mettant en scène des Croisés (qui tuaient les sarrasins par dizaine, bande de nazis !), et filme par exemple 3 affiches de la mairie montrant deux enfants blancs et un bébé en y allant du « montrant des enfants blancs, blonds aux yeux bleus. De la propagande ! ». Trop désireux de rentrer dans le lard, le film se grille dès son introduction en montrant tous les représentants FN qu’ils vont interroger comme des trous du cul méprisants, hautain et incapable de tenir des propos sensés. Certes, on admet que faire un film anti FN et interroger des membres du FN pour le construire, ça risque d’entraîner l’animosité de ces derniers. Mais quitte à montrer leur vrai visage, pourquoi avoir simplement montré leur coup de gueule (violent) à l’encontre du « journalisme qui modifie les propos ? ». Une façon assez peu honnête de planter le décor en tentant de ridiculiser immédiatement ceux qui vont être interviewés. Après, Bompard sort une connerie à propos des accords d’Evian, là il y a matière à critiquer, mais la tentative de salissure d’image dès les 5 premières minutes est de trop. Et que dire des électeurs FN interrogés par la caméra ? Tous plus navrants les uns que les autres (le summum sera atteint quand un papi accoudé à un bar nous confiera que le racisme en France, ça n’existe pas), ils tentent à faire penser que le FN est un parti de vieux dégénérés pétris dans leur vision rétrograde du monde et incapables de prendre une décision raisonnable. Tapant sur les politiques FN montrés comme incompétents, niant la tentative de rénovation du FN (assimilée d'office à une version plus policée du FN de Jean Marie) et ne voulant pas laisser la moindre chance à son adversaire, le film s’avance trop par moments, sa rage de dénonciation s’auto-justifiant, et ayant au final l’air de s’adresser à des gens déjà convaincus (ceux qui ne voulait voir aucun changement chez le FN seront ravis). Ce manque évident de recul, toujours revendiqué mais pas toujours approprié, est en grande partie ce qui alourdit le film, qui ne tient en aucun cas du débat. Toutefois, la fin du film parvient à relever un fait intéressant. Si l’extrême droite semble sur le point de nous faire basculer dans le « fascisme des vieux », l’UMP représentée par Thierry Marianni semble s’accommoder de la gestion des mairies Bompard (dont il connaît les méthodes, mais qu’il choisit d’ignorer) et les partis de gauche semblent incapables de s’opposer à la montée progressive du FN (une tendance qui se confirme au niveau national). Se concluant sur une note plutôt sombre (du point de vue subjectif), le film s’intéresse à une nouvelle question politique très intéressante : le besoin d’apporter rapidement des solutions pour la Gauche et la Droite afin de contrer la part grandissante de l’électorat FN. Bien qu’incomplet (de l’aveu de Jean Baptiste Malet, une enquête de quelques semaines supplémentaires aurait fourni un matériau beaucoup plus détaillé, mais bon, le film est sorti pendant les élections mais a loupé le buzz), le film souligne déjà plusieurs faits qu’il fallait faire connaître au grand public, mais son côté radical le dessert finalement. Jean Baptiste Malet prend en tout cas son métier d’investigation un peu à la légère en partant d'une idée et en voulant l'illustrer par des faits (d'où les détails caricaturaux), et avec un peu d’expérience dans le métier (et beaucoup de recul), son prochain docu anti-FN gagnera en finesse ce qu’il possède déjà comme indignation.
1.8/6
2012
de Bernard Richard et Jean Baptiste Malet
avec Arnaud Straebler, Jacques Bompard
La propagande, ça fait peur...