Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un grand fan du cinéma de Mr Ozon. J’ai pour ainsi dire détesté Potiche, et n’ayant pas vu d’autres travaux de sa part depuis (à l'exception de Ricky, quelconque malgré des acteurs qui s'appliquent...), j’étais assez mitigé. Jusqu’à ce Dans la maison, qui propose un thriller hors des sentiers battus, intéressant quoique vraiment, vraiment embourgeoisé.
L’histoire : un professeur de français dans un lycée public, atterré par la médiocrité du niveau de ses élèves, tombe sur une étrange copie, parfaitement rédigée, qui décrit l’envie d’un élève de pénétrer dans la maison d’un de ses camarades. Au fur et à mesure des rédactions, il décrit son infiltration dans la maison en question ainsi que ses appréciations sur la famille qui l’habite.
Dans la maison est un thriller inattendu, parce qu’il se déroule en milieu scolaire, et qu’il cerne avec une certaine justesse certains rapports entre professeur et élève. Il est primordial de noter que le personnage de Lucchini est parfaitement utilisé dans le rôle du professeur de français. Ceux qui lisent ce blog le savent, pour les autres, je maintiens que je déteste Lucchini, que j’ai trouvé insupportable dans TOUS les films où il joue. Ses mimiques exagérées, ses intonations démesurées, sa réputation assez hallucinante… Bref, c’est une allergie. Or ici, le professeur absorbe très bien toutes ces manies, elles vont bien avec le personnage, y compris pour ses défauts. Le spectacle en devient donc plus tolérable, l’acteur évitant également dans faire trop comme à son habitude. Ici, on s’attache donc à une relation écrite, l’élève écrivant son histoire par copies interposées et le professeur lui donnant ses avis sur le style, mais ayant bien conscience d’avoir une fenêtre voyeuriste (et orientée, l’élève en question notant des appréciations sur chaque personnage, traitant son camarade de médiocre exécrable ou encore sa mère de petite bourgeoise) sur une vie de famille qu’il ne connaît pas. Le film est assez intelligent pour jouer là-dessus, orientant le professeur quand il s’adresse aux membres de cette famille et le précipitant peu à peu dans la tourmente, ou encore lors d’un coup de stress avec l’absence du camarade en cours… Il y a donc quelques bonnes idées dans ce film, et un petit romantisme dans la seconde moitié, quand notre élève tente de séduire la mère de son camarade. Toutefois, le film se révèle aussi choquant qu’avait pu l’être, en son temps, Le Moine de Dominik Moll. C'est-à-dire que ce n’est pas particulièrement offensant, mais qu’il y a une petite volonté de choquer quand même, histoire que la ménagère se dise un peu heurtée, mais pas de trop (d’où le côté un peu embourgeoisé que je pense ressentir : on fait les choses à moitié). L’œuvre n’est pas totalement psychologique ni totalement romantique (le côté thriller donne heureusement un petit dynamisme à l’ensemble), insistant un peu trop sur ses dilemmes moraux (c’est verbeux) et ayant recours à de grosses ficelles parfois inutiles (la petite tentative de coming out du camarade, rebondissement dramatique attendu et totalement inutile) pour donner de l’étoffe à ses personnages secondaires, Dans la maison est aussi laborieux, il peine à réellement trouver un fond dense, alors, il comble avec des détails. La thématique du retour à l’uniforme imposé est un exemple parmi tant d’autres (la galerie d’art moderne en est une autre) de ce phénomène, où le film (se) cherche de petits combats ou dilemmes pour enrichir un peu un contexte finalement léger au vu du sulfureux amour qu’il projetait pourtant de mettre en scène. Relativement peu offensif malgré un final dégradant pour l’enseignant, Dans la maison est un cas étrange du cinéma de 2012, un thriller émoussé mais curieux, qui construit d’intéressants personnages sans avoir beaucoup à dire, et qui veut choquer en se retenant un peu quand même.
3,3/6
2012
de François Ozon
avec Fabrice Luchini, Ernst Umhauer