Christopher Smith est un petit prodige anglais. Il s’est fait connaître avec un film d’horreur plutôt populaire : Creep (ayant étonnamment rempoté de bonnes critiques aux cahiers du cinéma). Sans être particulièrement original (on pense à Castle freak dans un métro), on avait droit à quelques belles petites séquences de flippe (la découverte de la créature reste un plan tétanisant). Il enchaîne avec la comédie horrorifique Severance (plutôt amusante) et un thriller fantastique ambitieux : Triangle (où notre héroïne est au centre d’un évènement redondant). Gagnant en qualité à chaque film, Christopher nous achève avec Black Death, honteusement refoulé au stade d’une timide sortie DVD, alors qu’on tenait là le meilleur film de l’année avec Black Swan.
Black death, c’est limpide. La peste fait rage en Angleterre. C’est pour la population un châtiment divin, aussi les sorcières et autres boucs émissaires sont intensément recherchés. Osmund, un jeune prêtre amoureux d’une ravissante villageoise, voyant que la maladie progresse, la fait fuir dans la forêt avec des provisions. Il cherche désormais un prétexte pour la rejoindre, et il le trouvera en la personne d’Ulric, un chevalier mandaté par l’évêque pour enquêter sur un village épargné par la peste. Osmund leur servira de guide pendant leur voyage. Mais il découvre vite que le but des chevaliers est de trouver le nécromancien ayant passé un pacte avec le démon pour être épargné par la peste, afin de l’exécuter en place publique.
D’une noirceur qu’on n’avait pas vu au moyen-âge depuis le sulfureux La Chair et le sang (Le 4ème meilleur de Paul Verhoeven avec Starship troopers, Total Recall et Black book), Black death parle de la Foi et de la manipulation des individus, par la religion ou l’idolâtrie. C’est un film très sérieux, sans espoir, une sorte de voyage infernal que va vivre le groupe de chevalier accompagné d’Osmund. Que les amateurs d’épique passent leur chemin, malgré deux grandes scènes de combats pas très bien filmées (putain de caméra à l’épaule !), c’est un drame qui a tout de tragique. L’épilogue atrocement pessimiste nous fera d’ailleurs quitter l’histoire d’une façon abrupte, car nihiliste.
Mais ne quittons pas ce film aussi vite. Le travail d’ambiance est convaincant (on pense vraiment au Nom de la Rose pour les parties dans le monastère). Pareil pour le village perdu dans les marais, qui impose immédiatement une ambiance isolée, coupée du monde, et où l’apparente bienveillance des villageois laisse poindre une méchante suspicion. Dans les deux camps. Un script plutôt bien écrit pour qui sait s’intéresser à la société moyenâgeuse, et un discours vraiment très fort sur la Foi (le plus beau étant que ça forcera l’admiration des athées, car c’est plus une preuve de courage et de confiance en ses convictions qu’un acte prosélyte). Véritablement tendu et puissant dans sa seconde moitié, Black death se situe à mi chemin entre le film contemplatif et le drame historique, et se vit vraiment comme une expérience.
Les acteurs sont excellents, et par delà Sean Bean qui n’a plus rien à prouver depuis Boromir, Eddie Redmayne fait preuve d’un talent assez incroyable, puisqu’il parvient à nous convaincre dans chacune des situations où il est impliqué. Encore une fois, si le film pêche un peu par sa technique (certains plans ne sont pas très réussis), son histoire est véritablement fascinante (impossible d’en dire plus sans spoiler l’enjeu dramatique monstrueux qui marquera le spectateur) et son ambiance est si sombre, qu’il mérite une consécration immédiate en dédommagement du traitement ingrat auquel l’ont soumis les distributeurs français. A genoux messieurs, devant l’un des monarques cinématographiques de cette année !
6/6
Réalisé par Christopher Smith
Avec Sean Bean, Eddie Redmayne, Kimberley Nixon