Une bande dessinée comme Largo Winch devait tôt ou tard bénéficier d’une adaptation cinématographique, l’aventure du jeune multimilliardaire aventureux ayant séduit de nombreux lecteurs. Première surprise : l’adaptation n’est pas américaine, mais européenne (pas mal de pays s’y sont investi), ce qui ne présage pas forcément du meilleur (Taken et la vague d’actionner à la Besson étant de qualité assez discutable). Et Jérôme Salle crée la surprise en nous donnant à voir un spectacle de qualité, qui enterre les dernières aventures de James Bond et qui en plus se permet un réalisme très appréciable. Fort de ce nouveau succès, l’équipe remet le couvert deux ans plus tard, et ô surprise, la formule continue d’être aussi efficace, même si les ficelles deviennent un peu plus grosses. Retour sur une saga en bonne voie de devenir une référence du film d’action.
Largo Winch : Dès le début du projet, on sent qu’on pénètre dans un thriller qui ne va pas chercher à en mettre plein les yeux. La mort de Nerio Winch en est un bel exemple, la scène préférant clairement l’intimisme (un corps à corps sous marin au plus près des protagonistes) au spectacle défouloir. Et la sensation ne cesse de se confirmer avec la construction d’une intrigue multi-nationale, qui nous fait vraiment voyager autour du monde. De Hong Kong à la Croatie, Largo parcourt le globe pour différents motifs (principalement se cacher de son père) et revient sur ses origines en milieu de film. Une démarche qui tranche avec le spectacle d’action régressif ou thriller complexifié, le film pouvant paraître difficile à suivre de part la multiplicité des lieux (l’intrigue n’arrête vraiment pas de bouger), mais qui une fois arrivée en fin d’histoire se révèle admirablement simple. Un script intelligent, réaliste de bout en bout et qui appelle à un minimum de réflexion en face des évènements pour comprendre ce qui est en train de se passer. Avec pour le coup une intrigue mieux pensée que la moyenne, qui ne laisse pas vraiment deviner les rebondissements à l’avance. A ce script intelligent s’ajoute un vrai travail sur l’acteur principal : Tom Sisley. En effet, tout repose sur lui, et il se révèle excellent dans son interprétation du personnage. Si il tranche un peu avec le design de la bande dessinée, il a tout du beau mâle bronzé et débrouillard, qui ne surjoue pas ses émotions tout en restant à la hauteur au cours de ses scènes d’action occasionnelles mais prenantes. Que dire de ce final sur les toits d’un immeuble de Hong Kong ? Dénouement plutôt réussi dans l’implication sentimentale du protagoniste principal, même si les applaudissements de tout le comité de direction sont un peu de trop. Globalement bien réalisé, avec des scènes d’action ultra lisibles (une technique qui a peu à peu tendance à se généraliser, et qui paye indéniablement en immersion du public), Largo Winch est une agréable surprise dans le domaine du film d’action, prenant probablement quelques libertés avec la bande dessinée, mais pour un spectacle plutôt sobre qui fait correctement son travail, le souci de la crédibilité en plus. En revanche, Largo tient plus du suspense d’action que de l’action pure et simple. Le projet manque donc cruellement de jubilatoire, il n’a pas la petite dose de folie qui apporterait la juste dose de jouissif qui ferait pleinement décollé le projet. Mais rien que pour avoir respecté l’unité de langages, le film témoigne de réelles bonnes intentions qu’il serait inconvenant de mépriser.
4.5/6
de Jérôme Salle
avec Tomer Sisley, Kristin Scott Thomas
Largo Winch 2 : La même équipe, et on recommence. Un projet qui a le mérite de pouvoir être vu directement à la suite de son prédécesseur sans souffrir de la comparaison. On reprend l’histoire exactement là où on l’avait laissée, et on repart sur du nouveau matériau. Jérôme Salle se tient ici un peu moins sur le réalisme, ce qui nous vaut des scènes d’action plus impressionnantes que son prédécesseur. On a droit à une gunfight en chute libre (mais rassurez-vous, ce n’est pas Shoot’em up non plus), l’attaque d’un camp de prisonniers Birman (Rrrammbo quattrree !) et un combat dans une chambre d’hôtel avec des tueurs plutôt efficaces. Un spectacle qui se permet de devenir un peu plus jouissif, en essayant notamment de développer une façade humoristique avec le majordome de Largo qui effectue une enquête de son côté. Cependant, si le film déséquilibre sa recette, il le fait en bien et en mal. L’intrigue multinationale est toujours aussi vaste (de Bankok à la Suisse en passant par Hong Kong), et ne varie plus seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. En effet, si le premier Largo Winch se contentait de quelques flashs back pour cadrer à peu près le passé de son héros et de sa relation avec le paternel, ce nouvel opus dévoile peu à peu quelques mois de la vie de Largo dans un village Karen peu avant son massacre par l’armée Birmane. Intéressant, mais l’intrigue donne dès lors l’impression d’être hachée pour ménager le suspense, et surtout recale régulièrement les sous-titres « trois ans plus tôt » « trois ans plus tard » pour garder une cohérence. Un peu artificiel comme découpage de l’histoire. Au niveau d’implication sentimentale, on tourne clairement autour de la paternité, argo étant amené au fil de l’intrigue à jouer les pères de famille. C’est du bon sentiment, ça manque d’originalité, mais ça reste dans l’optique sympathique du personnage (Largo Winch est infiniment plus charismatique que Daniel Craig dans Quantum of Solace). Avec une dernière séquence vraiment tendue d’un point de vue suspense (un meurtre en cours alors que Largo est presque hors de combat), Largo Winch 2 fait bonne figure, se montrant comme un digne successeur, ayant légèrement perfectionné la formule « action » en ayant conservé un script intelligent (intrigue plus complexe ici, mais largement compréhensible). Une veine du film d’action qu’on aimerait voir exploitée plus souvent !
4.5/6
de Jérôme Salle
avec Tomer Sisley, Sharon Stone