Séance Burton ce soir avec deux titres récents (ce sont ses derniers) qui se lancent chacun dans un trip différent. D'un côté, un remake de série fantastique ringarde comme Burton les a apprécié dans sa jeunesse, et de l'autre, un auto-remake assez hypocrite car financé par ceux qui avaient censuré l'original 40 ans plus tôt. Sans casser des briques, les deux œuvres tentent chacune de faire dans le divertissement décalé, dosant le côté hommage et la touche visuelle burtonnienne, au point d'avoir divisé l'opinion public (les moyennes de notes sont toujours partagées sur ces deux films, puisque deux tendances y sont pointées).
Avec Dark Shadows, Burton se comporte comme un artiste soucieux de livrer une commande qui porte sa marque. Bénéficiant de moyens très (trop) conséquents au vu de la bancalité du projet (entre conte gothique et choc des cultures) qu'on imagine réunis grâce aux bonnes recettes du précédent Alice, Dark Shadows plante un cadre assez intriguant dans les premières minutes, tissant une histoire de sorcière entichée de Johnny Depp, qu'elle ensorcelle pour faire durer aussi longtemps qu'elle. Un début au relents faussement dramatiques (la mort des parents est un détail, celui de la fiancée un détail à peine plus grand), une richesse visuelle assez stimulante (quel décor, grands dieux !), et voilà l'histoire qui se lance. L'histoire comprenant de très nombreux personnages, Burton multiplie les intrigues et donne dans un choc des cultures superficiel (la gamine fan de rock, un beau stéréotype qui ne correspond à rien de très profond)et divertissant, aux coups d'éclats parfois mémorables ("Méphistophélès !"), mais souvant incongru (le saccage du bureau de la sorcière pendant des étreintes assez déplacées). Si quelques gags fonctionnent, le film s'étouffe avec un excès d'effets spéciaux et des caractères défiant souvent la logique (de la vengeance implacable du vampire pour son ensorceleuse, nous en serons réduit à de petits échanges vocaux et mesquineries poliment méprisantes, qu'il est loin, Sweenie Todd... Le vampire, la principale attraction du film, est donc un rigolo ancêtre de famille qui reprend sa place dans sa demeure et qui désire remettre de l'ordre dans ses affaires. Le principal trait vampirique du personnage passe ici par ses mains, qui se contortionnent continuellement et semblent être le principal atout lors des séances d'hypnose. C'est donc le nouveau trait de "folie" adopté par le cabotain Johnny Depp, qui contortionne ses doigts continuellement en restant droit comme un I. C'est aussi le personnage plus plus intéressant du film car en complet décalage, perdu au milieu d'une foule de clichés qui le dépassent (la confrontation avec les hippies est un must dans le genre). Malheureusement, si le personnage est attachant et parfois franchement amusant, on ne peut en dire autant du reste du casting. Boursouflée et sanglée dans un manteau de cuir, la sorcière jalouse est une domina SM dont le kitch peut ravir, qui ne parvient jamais à convaincre de son amour pour notre vampire. Autant les alusions sexuelles au premier degré surprennent et contribuent à l'aspect de décalage (on se rapellera du strip tease dans Edward scissorhands), autant son obstination semble être une rivalité de pacotille dont l'issue de la confrontation ne nous passionne absolument pas. C'est une querelle infantile qui n'est jamais prise au sérieux, et un personnage qui se révèle finalement accessoire et dont la débauche d'effets graphiques fait tâche dans le dernier acte (qui ressemble beaucoup à la comédie La mort vous va si bien). La psychiâtre est une faire valoir assez énorme, dont l'utilité finale se révèle complètement nulle (son personnage est nanar et le reste jusqu'à la fin, ce qui nous procure un certain plaisir en effet, mais ne dissimule pas le côté alimentaire de ce rôle offert sur un plateau à la femme de Burton). Mais la pire doit être la baby sitter, une gamine à l'enfance malheureuse (versez des larmes, svp) qui veut rendre le monde heureux et qui suit un parcours sentimental tellement cliché, tellement étouffant (elle tombe amoureuse du vampire comme par magie (parce qu'il l'aime, alors il le faut), mais quand elle apprend qu'il est vampire, elle ne l'aime plus, puis elle l'aime encore à la fin, ouf ! Anti héroïne par excellence, jamais drôle et toujours dans un équilibre moral contrastant complètement avec la folie générale, elle est l'élément crispant du film, qui gâche les très belles séquences fantômatiques animant les nuits du domaine. Si Dark Shadows ne passionne pas un seul instant, sa débauche graphique assez maîtrisée et un humour parfois bien senti parvienne à tirer le film de l'ennui naveteux où il risquait de s'enfoncer, pas aider par un registre sentimental convenu et une trame assez molle. Même Alice Cooper ne parvient pas à rendre le bal inoubliable, c'est dire...
3/6
2012
de Tim Burton
avec Johnny Depp, Michelle Pfeiffer
Avec FrankenWeenie, Burton ne fait plus dans la commande. C'est de l'auto-reçuçage assumé à la gloire de son univers, financé par la censure morale familiale. Les clins d'yeux aux fans sont légions, à tel point que le film en devient complètement artificiel, vide de toute substance nouvelle. Ce qui devait être un retour aux sources se transforme en une auto-citation par paragraphes entiers, rien n'ayant bougé depuis le scénario original. On s'attendait à un développement des personnage et de l'intrigue. En guise de tout ça, Burton rajoute des monstres. Point. Plutôt que d'approfondir son univers et de partir sur du politiquement pas très correct pour enfant (on y a cru un instant quand les gamins se mettent tous à ressusciter des animaux morts, mais la suite annihile complètement tout ça), Burton nous ressort toute la galerie de clichés qui a fait son univers depuis Edward aux mains d'argent, et l'étale avec le même ton, attaché à un univers qui lui est familier et qu'il présente comme un album souvenir chargé. Batman, La fiancée de Frankenstein, Gamera et d'autres monstres nanars, tout y passe pour un déchaînement visuel somme toute réjouissant, mais stérile. Frankenweenie, dans cet état, aurait dû s'assumer comme un défouloir jubilatoire au premier degré, mais ce n'est pas le cas. Burton veut toujours donner dans le sentimental et c'est là qu'il trébuche. Sur tout le film, deux personnages seulement arrivent à marquer l'esprit du spectateur. Le premier est bien sûr le chien en question, dont l'empathie naturelle et le petit côté freak retiennent la sympathie. L'autre est bien sûr le professeur de science, phénomène professoral dont la voix tonnante dispense le savoir avec la douceur d'un burin et une imagination réjouissante. Son discours au parents d'élèves, qu'on sent volontairement rendu rugueux (Burton veut qu'il soit détesté par une foule toujours plus obtue, pas qu'il soit admis), reste un moment proche du jubilatoire, sa posthure outrancière le marginalisant merveilleusement (son discours sur la science est quant à lui gentil). Pour le reste, c'est choux blanc. Les parents tolérants sont simplement effacés, le moche parasitant Victor est un opportuniste notoire, les autres élèves sont des imbéciles... C'est pauvre, autiste, mais ça se veut poétique. Victor est l'archétype du héros burtonnien, dont les sentiments sont toujours mis en relief, parfois avec justesse (les passages avec la dépouille du chien), et à deux reprises ratés (les séquences des cris, sensées être déchirantes, sont juste ratées et nous font sortir du drame). La stop motion est en cause, mais pour le reste, le visage de Victor est correctement animé. Dommage que son registre se cantonne aux brutonneries habituelles (sentiment d'injustice, rebellitude gentillette, affection douce amer). Côté technique, la stop motion se révèle fonctionnelle, trouvant dans le noir et blanc une esthétique agréable et gérant plutôt bien les mouvements et expressions de ses personnages. Tous les ingrédients de l'original s'y retrouvent donc, avec un soupçon de Burtonnerie supplémentaire pour que l'attraction soit totale. C'est une récréation déjà vue, mais que le climat un tantinet nostalgique et estampillé "borderline"® rend gentiment attachant. Complètement artificiel et l'une des démonstrations les plus efficaces de la sétrilité actuelle du réalisateur, mais bon, ça se regarde encore.
2.5/6
2012
de Tim Burton
avec Charlie Tahan, Winona Ryder
Le rayon marchandizing est déjà opérationnel !