Antoine Fuqua a dû se vanter un soir à une table de restaurant, un peu éméché, qu’il tenait un script d’enfer pour son prochain film sur une attaque terroriste de la maison blanche. Manque de pot, Roland Emmerich, assis deux tables plus loin, l’a entendu, et l’un des duels de 2013 sera donc qui aura pris la maison blanche en premier. Et les projets comportant de nombreuses différences, il est clair que l’un aura l’ascendant sur l’autre.
L’histoire : Mike Banning, agent des services de protection du président, est incapable de sauver la femme de ce dernier au cours d’un accident de voiture. Des années plus tard, muté dans la bureaucratie, il assiste impuissant à l’attaque de la maison blanche par un groupe terroriste nord coréen…
"Toi donner moi codes !"
"Va te faire foutre sale niak ! Je suis le Président !"
Cette chute de la maison blanche se distingue de son concurrent en employant déjà un ton rigoureusement sérieux. On ne desserre pas les dents pendant une heure cinquante, le spectacle se veut sérieux, sans concession et mouvementé jusqu’au bout. On notera aussi que si la version Emmerich anesthésie la violence pour passer la barre du grand public, la version Fuqua soigne son réalisme à ce niveau, en faisant régulièrement pisser le sang et en dramatisant au maximum les exécutions d’otages pour conférer une carrure aux terroristes. Voir des secrétaires se faire exploser le crâne en gros plan, c’est clair, ça réveille. Et dans tout ça, Gérard Butler est notre homme infaillible. Pas rouillé malgré les années de paperasse, le boulot revient vite, et si il est traité comme un héros au final, pendant sa mission, il est surtout un pion hyper entraîné qui tue sur commande, et rarement avec humanité. La séquence d’interrogatoire où il poignarde sauvagement un des terroristes, c’est une claque inattendue et un peu dérangeante, question héroïsme… Et question scénario, cette attaque bénéficie d’un certain soin, davantage d’ailleurs que son concurrent. Là où ce dernier nous pond une histoire invraisemblable de théorie de complot (sur fond de politique assez comique tant il y a décalage entre le film et la réalité), cette version reste sobre sur ses terroristes, et plutôt inventive sur le déroulement de leur plan, mieux foutu que la moyenne. Malheureusement, le sérieux du ton ne masque pas les gros défauts du film, qui au final font pencher la balance pour la version Emmerich. En effet, question effets spéciaux, cette chute de la maison blanche n’a pas fait exploser une seule bâtisse en vrai, et ça se sent… Le numérique pullule à toutes les séquences mouvementées, et s’incruste parfois pour donner des résultats abracadabrantesques (les mitrailleuses latérales de l’avion… Gné ?). Le méchant se vante d’avoir pris la maison blanche en 13 minutes ? Il peut remercier les CGI, sans quoi il serait encore en train de lancer des cailloux devant le portail… Enfin, malgré la violence sèche, rarement un script aura semblé si linéaire, dépourvu de la moindre tension. Tout arrive au moment attendu, le rythme avance à débit régulier sans ménager d’effets de surprise, tout est pressenti, et au final, on sait l’histoire à l’avance sans la moindre surprise (alors qu’Emmerich ménageait quelques rebondissements). L’absence d’humour finit par jouer à l’encontre de cette version, qui filme alors le patriotisme de ses personnages avec un sérieux de fer, qui finit par irriter le spectateur. Autant montrer le sacrifice des personnes de haut rang pour protéger des codes secrets n’était pas une mauvaise idée, autant voir le président craquer et leur dire de donner leur code, ça ne le fait pas. Surtout que des heures s’écoulent entre chaque extorsion de code, à croire que les terroristes ont eux aussi le timing du script à suivre et doivent tenir le temps que le héros fasse quelques cabrioles en tuant des figurants…Cette chute de la maison blanche paye très cher son manque de surprise, car c’est finalement ce qui annihile le spectacle qu’elle proposait. En sachant à quoi s’attendre, le spectateur finit par se lasser, et la conclusion étant prévisible d’avance, il peut sans crainte zapper. Ou pleurer sur l’achat du dvd à 20 euros… Ouiiiinnnnn !
2/6
2013
de Antoine Fuqua
avec Gerard Butler, Aaron Eckhart
"Où sont les bougnoules ?"
"Non, les niaques !"
"Les non américains !"