Dans le domaine du thriller politique (genre plutôt délicat que celui-ci, car devant peaufiner son scénario et le gonfler d’un maximum de détails), un classique se distingue parmi d’autres : Les hommes du président. Sortant dans les salles en 1976 (soit deux ans seulement après la démission de Nixon), ce thriller nous permet de replonger au cœur du scandale de Watergate, et de suivre l’enquête de deux journalistes du Washington Post, qui rassemblent les détails et mettent à jour un des plus grands scandales politiques de notre époque. Réaliste, riche en détail et d’une logique parfaite, Les hommes du président est un plaisir qui n’a toujours pas vieilli, restant un thriller passionnant pour ceux que les magouilles politiques intéressent encore.
L’histoire : Bob Woodward est chargé par son patron de faire un article sur l’affaire du cambriolage du bureau démocrate de Watergate. Lors du procès, il relève plusieurs détails qui l’amènent à penser qu’on tente d’étouffer l’affaire. Commence alors l’enquête la plus importante de sa vie.
Inclinons nous d’abord devant les excellentes performances de Robert Redford et Dustin Hoffman, qui incarnent les journalistes avec un réel talent. C’est bien simple : ils ne sont plus acteurs, mais d’authentiques journalistes politiques. On partagera d’ailleurs leur quotidien et nombre de leurs trucs (les tuyaux, les indics, l’art de poser les questions sous un angle semblant innocent, mais qui veut bien dire ce qu’ils essayent d’apprendre). Ce portrait de caractère portera grandement ses fruits, car on s’attache assez vite à nos personnages (précis, concis, ils vont droit au but et arrivent à maintenir notre attention pendant deux heures). Deux tournant autour d’un scandale politique ! Les ambitions sont de taille. Comment ne pas perdre le spectateur dans un dédale de personnalités louches, de coups de fil, de fausses pistes… Comment densifier l’affaire sans perdre notre concentration ? Tout simplement en suivant à plusieurs reprises de grosses pistes qui focalisent notre attention (l’insistance sur l’argent nous permettra de bien saisir les degrés d’implication de plusieurs protagonistes) et qui nous permettent de classer les noms qui reviennent en fonction de leur action dans la machination de Watergate. Le film ira d’ailleurs plus loin, en montrant Watergate comme un faux-pas pour une organisation qui agit depuis quelques temps pour espionner les démocrates. Le scandale politique prend sans cesse de l’ampleur, car impliquant peu à peu de nombreux membres du gouvernement. Habilement décrit, très lisible au vu de la densité des faits, Les hommes du président pourrait presque être un documentaire, mêlant habilement l’enquête de nos journalistes et le suivi du procès de l’affaire. Le film serait tout simplement parfait si la sécurité des héros avait été menacée un peu plus tôt dans le récit (ici, les menaces n’apparaissent qu’à la toute fin, alors que l’enquête est pratiquement finie). On peut regretter une fin un peu expédiée. On comprend la volonté du réalisateur, filmant le télex du journal imprimant avec rapidité les réactions des politiques et leur condamnation, comme autant de dominos qui tombent jusqu’au dernier. Idée louable, mais qui imposent un rythme rapide, alors que le film n’allait pas à une telle allure pendant son enquête. D’où une petite déception, où l’on attendait de voir le sujet clos par quelques images. Sans rancune en tout cas, l’intelligence du bestiau fascinant véritablement pendant toute sa durée. Un boulot méritant.
5/6
1976
de Alan J. Pakula
avec Dustin Hoffman, Robert Redford