Le film initiateur de ma catégorie mauvais goût se devait d'honorer dignement la réputation de ce mode de pensée, pour ne pas dire de philosophie existentielle. Comment discerner le mauvais goût du nanar ? Car les deux se ressemblent beaucoup au final. La réponse est simple : c'est l'état d'esprit du film. Un nanar se remarque par le jeu constipé ou cabotin des acteurs, par des effets spéciaux ratés et un sérieux imperturbable malgré le comique involontaire qui se dégage du film. Le mauvais goût, c'est la revendication totale de tous ces défauts, et même leur exagération à des points que seul l'infime budget du film peut fixer. Dès qu'on voit cette affiche tapageuse (Sexe, gore & liberté), on se met à baver devant des arguments purement commerciaux, équivalent du racolage au porte voix dans un long couloir. Et pervert, c'est ça pendant une heure vingt.
On commence sur les chapeaux de roue avec une parodie de la censure (le film est classé Horny 14 !) et un générique composé de femmes à poil, de paires de lolos, de paires de fesses, puis encore de femmes à poil avec de la nourriture. Rien que cela annonce le ton du film, véritable insulte au goût lui même. Dans ce film, c'est comme dans les hentaï : le moindre prétexte, le moindre dialogue peut partir inopinément sur une scène de sexe (sans entrer dans la catégorie porno) purement gratuite (la fessée dans les 3 premières minutes donne une idée de la bassesse du scénario). Et le réalisateur d'enchaîner sur des délires du même cru, faisant passer les american pie pour d'aimables comédies estudiantines.
L’histoire est simple : un puceau, la trentaine, rentre chez son père pour l’aider à construire une extension de sa ferme. Ce dernier est installé avec une strip teaseuse, qu’il paye grassement pour lui tenir compagnie. Dès son arrivée, le garçon flashe sur ses nibards monstrueux, qui deviennent l’enjeu principal de sa quête spirituelle. Nous assistons ainsi à de nombreuses scènes de dragues lourdes, innommables ou tout simplement racoleuses, qui procureront d’intenses fous rires à qui sait se montrer réceptif en face de la débilité humaine. Le point d’orgue de cette partie étant le passage où, ayant trouvé une ruche, la strip teaseuse s’enduit la poitrine de miel en appelant le fiston pour le pique nique.
Mais il y a bien sûr une sombre histoire d’assassin dans tout cela (il faut bien justifier le « gore » sur l’affiche). Ainsi, le père affiche une personnalité quelque peu déviante (il crée des sculptures à partir de viande animale), et le casting féminin est fréquemment équarri au cours du long métrage. Le meilleur moment, c’est le père, dans un élan d’amour, qui extrait son cœur de sa poitrine pour le montrer à son fils. Attendrissant.
Dans une bonne humeur constante, dotée d’un scénario bancal, qui connaît malgré tout une sérieuse baisse de rythme dans son milieu, Pervert ! a tout du pur film voyeur, immature et scato que le mauvais goût nous commande d’admirer. Si le mot « pervert » prend ici un sens plutôt gentillet (on est plus focalisé sur l’aspect sexuel), la contribution au septième art de ce film relève d’une contre-performance telle qu’elle se rend immédiatement sympathique aux yeux des passionnés du monde de la daube cinématographique attachante. Un vrai cri du cœur.
4/6 (avec un point de vue « mauvais goût », bien sûr)
de Jonathan Yudis
avec Mary Carey, Sean Andrews