On se rappelle avec nostalgie la surprise (pour ceux qui l'ont vu dans leur enfance) que pouvait constituer Qui veut la peau de Roger Rabbit ? L'intrusion du monde des toons dans notre quotidien avait de quoi interpeller, ne serait-ce que d'un point de vue technique (les effets spéciaux du film sont assez intéressants à observer, car ils doivent être invisibles pour rajouter les toons en post prod). Mais des personnages de toons en réel, personne n'avait jamais osé (ou alors dans un obscur nanar, Terror toons, que je chroniquerai plus tard). Jusqu’à ce que je tombe par hasard sur Howard the duck, comédie des années 80, qui allait me propulser dans un monde nostalgique et passionnant.
Dès le départ, la surprise est totale. En effet, l’introduction nous fait pénétrer dans un appartement typiquement américain. A cela près que sur toutes les photos, les affiches de cinéma, il y a des canards. Et alors notre héros entre dans l’ombre, pose ses clefs de bagnole et son attaché case, s’ouvre une bière et s’affaisse dans le sofa. C’est un canard d’un mètre vingt, bien réel, qui parle et qui a des expressions faciales développées. Et bam, cette introduction, une merveille de mise en abîme de la culture américaine populaire, nous fait accepter qu’il existe une planète où les canards sont au même stade d’évolution que nous. C’est un rire sincère qui nous anime, et la suite continue, en s’annonçant plus pop corn que jamais. Le fauteuil d’Howard le canard se met à trembler, puis est aspiré par une sorte de trou noir en dehors de sa planète. Adieu canardland, bonjour la terre des années 80.
Direct, notre canard tombe sur la racaille, à savoir les violeurs junkies hippies pinceurs de fesses des madames, les femmes fatales motardes prénommées Satan’ sluts, les passants indifférents. Son malheur est touchant de naïveté, d’autant plus que le charme nostalgique des années 80 opère d’une façon miraculeuse. Notre canard se prend alors d’affection pour une jeune (et mignonne) chanteuse de rock qui galère avec son groupe, escroqué par un manager véreux. La scène où il se fait remettre à sa place par un canard de 1,2 mètre est vraiment drôle. Sincèrement, durant toutes les péripéties de ce film, la bonne humeur fait mouche.
Le potentiel sympathie du film se renforcera par la suite, notamment avec l’intrusion progressive d’effets spéciaux de plus en plus perfectionnés (un démon spatial parvient à être capté par le trou noir généré par une machine terrienne, et en profite pour tenter d’inviter ses potes à une fiesta sur notre planète bleue). Howard the duck a la possibilité de devenir un héros mondial d’une planète qui n’est pas la sienne. Ce mal du pays reviendra souvent, et donne un peu d’épaisseur au personnage. Le final dantesque et l'épilogue rock'n roll conclueront brillamment. Enfin, cerise sur le gâteau, ce film se révèle être l’un des plus beaux éloges de la zoophilie, la chanteuse succombant vite au charisme bestial de ce chaud canard. Pour une comédie, c’est un point moralement ambigu non négligeable.
Pas exempt de défauts (le scénario traine parfois dans des situations qu’on souhaiterait voir avancer, certains gags tombent à l’eau…), Howard the duck partagera surement son public, mais ralliera tous les nostalgiques des eigthies, qui allaient au cinéma en sachant qu’ils allaient être diverti. Inespéré.
5/6
De Willard Huyck
Avec Lea Thompson, Jeffrey Jones