Suicide Room est un film totalement obscur, sorti de il y a peu et qui tente de faire un portrait d’adolescence meurtrie, qui chemine peu à peu vers la mort. Le pitch nous laissait entrevoir un drame poignant avec des sentiments à la clef. Une sorte d’alternative à l’excellent (et mésestimé) Chatroom. Mais ce n’est pas vraiment ce qui a l’air de motiver le réalisateur. D’ailleurs, bien malin sera celui qui pourra dire où il va, tant le film explore de pistes différentes sans tenter de les développer jusqu’au bout.
L’histoire : un étudiant de 18 ans, proche de passer son bac, fils d’un papa ministre et d’une maman styliste, commence à vivre une crise d’identité sexuelle.
Mitigé. C’est ce qu’on peut dire en voyant ce film. Certes, les intentions sont louables. Le film veut illustrer un drame individuel, et il ne prend donc aucune distance avec son personnage principal (les parents ne tenteront enfin de s’opposer à la dérive de leur fils qu’à la fin du film), embrassant ses états d’âmes avec la passion de cet âge, et s’aventurant avec lui sur la toile dans un chat privé nommé Suicide Room, une communauté d’internautes qui ont pensé au suicide, et qui tentent de s’entraider. Comme ça, les ingrédients font envie. Mais le film semble incapable de les gérer adroitement. Le point de départ, un étudiant qui se demande un peu si il est homo, qui hésite à se lancer après un roulage de pelle en soirée avec un gars, puis qui se fait railler après s’être joui dessus après un combat de judo, est un parti pris, qu’on prendra comme tel. C’est après que le film se gâte. Sa crise d’identité sexuelle n’attire pas plus que cela notre compassion (il n’est défini que par cette crise sentimentale, les relations avec ses amis étant expédiées en quelques minutes), et comme elle est le point de départ d’un engrenage, ce dernier aura beaucoup de mal à nous accrocher par la suite. D’autant plus qu’il est criblé lui aussi de détails gênants. Déjà (bien involontairement), le film fait un portrait d’une jeunesse inconstante, qui change d’idée comme de chemise (ce qui est gênant pour un thème aussi grave que le suicide, qui plus est d’un enfant riche et en bonne santé). Il dit une chose un soir, et deux jours plus tard il fait l’exact opposé. Et parlons de la Suicide Room maintenant. La moitié du film est une animation 3D un peu approximative qui s’aventure dans un univers 3D pensé pour être cool, où des avatars forment un groupe de discussion. Visuellement, ce concept s’écarte totalement du sujet du film, ressemblant même à un procédé de petit malin par moments (un duel pour entrer totalement inutile, une espèce d’intrigue avec un membre du groupe qui espionne ses camarades…). Et au final, ce groupe de discussion a des objectifs assez flous. Un jour ils parlent de suicide, un autre de leur vie sentimentale… Et le tout est ponctué de tentatives avortées, comme cette journée où notre ado retourne au lycée avec un flingue en poche en mode terroriste, dévisageant chaque individu et s’extasiant le soir venu de ses sensations… pour oublier définitivement l’expérience dès le lendemain. Si le film essaye de rester toujours sérieux et d’épouser le point de vue de l’étudiant, il oublie d’être assez clair pour montrer où il veut en venir. Car au final, notre garçon se suicide à peine quelques jours après avoir chanté les louanges de la vie. Et après qu’on lui ait coupé internet. Portrait d’étudiant qui n’a pas attisé en moi plus de sentiments qu’un intérêt poli, ce film se regarde toujours dans l’attente de ce qu’il va se passer, sans que les évènements qui arrivent soient particulièrement surprenants. Manquant de recul avec son sujet, Suicide Room est un film fourre-tout qui n’a pas l’impact escompté, mais qui a au moins le mérite d’avoir des acteurs plutôt concerné.
2/6
2011
de Jan Komasa
avec Filip Bobek, Danuta Borsuk