Schizophrenia était le premier film de psychopathe à utiliser la voix off pour laisser parler son personnage principal, et ainsi nous donner un aperçu de sa pensée (le résultat était assez perturbant, osant même faire de l’humour noir en pleine scène de meurtre). Seul contre tous a recyclé le phénomène en conférant à cette voix off un punch, un mordant, aussi acide qu’engagé, voué à déverser la haine d’une existence sur la société qui entoure notre personnage de boucher, touchant parfois avec justesse certaines vérités, mais allant si loin dans ses débordements moraux qu’il finissait par s’aliéner tout le monde. Aujourd’hui, on parle de Baxter, qui utilise à nouveau une voix off agressive pour faire parler un chien dont nous allons suivre la vie.
L’histoire : Baxter est un petit chien méchant, acheté par une vieille dame pour égayer ses journées. Baxter est de plus en plus excédé par le comportement de sa maîtresse, qui pue littéralement la peur.
Baxter est une petite truculence de notre cinéma hexagonal, puisqu’en plus d'être la gueulante annonçant 10 ans à l'avance Seul contre Tous, il se permet un radical détournement des codes du film animalier, où notre chien, personnage principal du film, est ici une bestiole dominée par l’instinct qui va peu à peu haïr chacun de ses différents maîtres. On commence d’abord avec une vieille dame qui confine Baxter à l’intérieur de la maison, ne lui autorisant que très peu de sorties. Elle a des manies qui contredisent sans arrêt les instincts de Baxter. En bref, elle lui tape sur les nerfs avec ses manies de vieille, d’autant plus que la peur ne quitte jamais son quotidien, la vieillesse apportant son lot d’amertume et de lamentations. Une sorte de développement de la partie en hospice qu’on voyait dans Seul contre tous. La situation s’éternise (même le spectateur pourra trouver qu’elle traîne un peu) jusqu’à ce que Baxter, excédé, précipite sa maîtresse dans les escaliers et s’échappe de la maison. Il trouve alors refuge chez un couple du voisinage, en train de s’installer dans une nouvelle maison. Cette vie le satisfait pendant un temps, mais bientôt, le couple a un bébé, à qui on accorde beaucoup plus d’attention qu’à Baxter. L’instinct de ce dernier ne tarde pas à reprendre le dessus et il planifie bientôt de pousser le môme dans un bassin récemment construit. Sans développer plus loin cette partie, Baxter part finalement chercher un nouveau maître, et tombe alors sur un gosse du voisinage, qui s’est construit un bunker sur un chantier et qui est fan d’Adolf Hitler. Avec un chien, il se sent maintenant comme son idole, et on suit son quotidien pendant quelques temps. Alors que le garçon se rapproche d’une gamine de son âge, Baxter fornique avec la chienne de cette dernière (par pur instinct, comme le précisera la voix off), ce qui donne naissance à une portée de plusieurs chiots, qui finiront adoptés par le gosse tyrannique, qui se mettra à torturer les animaux ainsi que Baxter. Le film tient du jamais vu dans sa manière de traiter l’animal au centre du récit, puisqu’il se propose carrément d’étudier la psychologie d’un chien plutôt guidé par ses instincts que par son affectif (ce qui le rapproche considérablement des humains). Toutefois, si Seul contre tous avait un rythme pêchu qui faisait sans arrêt avancer l’histoire (mais les long plan où rien de très consistant n’apparaît), Baxter est moins rythmé, plus contenu, et par conséquent, le récit faiblit parfois, sans pour autant perdre de vue la pensée de son clebs. Reste que ce détournement du film animalier représente un mini OFNI, un film de personnage qui illustre des comportements humains sans cesse confrontés avec une pensée animale, pensée qui passera finalement par la voix off du dernier personnage à l’écran, faisant le lien avec le discours de Baxter, mais à l’échelle humaine. Indispensable et pourtant méconnu, mais surprenant pour ce qu’il propose !
5/6
1988
de Jérôme Boivin
avec Lise Delamare, Jean Mercure