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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 10:08

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Retour de Tsukamoto sur ce blog avec l’un de ses meilleurs crus : Gemini. Drame se situant à la lisière du fantastique, Gemini est un authentique chef d’œuvre, que ce soit dans sa mise en scène ou dans ses ingrédients. Belle peinture de personnages et illustration d’une angoisse classique (se faire déposséder de sa vie), Tsukamoto condense sur une heure vingt des pans entiers de réflexions sur toutes les thématiques qu’il aborde. Avec une justesse qui n’a d’égal que la sobriété.

L’histoire : Yukio est un médecin japonais vivant dans une époque trouble (la guerre vient de se terminer, mais quelle guerre ?), entouré par ses parents et sa jeune femme Rin, amnésique. Mais bientôt, ses parents meurent dans des circonstances étranges, et une présence semble être liée à ces morts…

 

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Eblouissante réflexion sur la gémellité, Gemini est un bonheur de tous les instants, magistral dans l’exposition de ses thématiques et éblouissant dans le traitement des personnages. C’est d’autant plus fascinant que Tsukamoto délaisse complètement l’expérimentation ici (pourtant le fer de lance de ses meilleurs films (Tetsuo et le méconnu Bullet Ballet)) pour donner dans un registre plus posé, ultra stylisé (les éclairages complètement surréalistes passant de l’orange au bleu, ou donnant dans le vert), aux frontières du fantastique (la découverte du frère est un étrange ballet devant la mère qui provoque une sorte de malaise). Impossible de ne pas spoiler le film pour décrire les nombreuses thématiques qu’il aborde, mais essayons d’en dire le moins possible. Le thème principal du film, l’histoire en elle-même, et celle d’un frère jumeau qui vole la vie de son frère médecin pour lui reprendre sa femme, qu’il a connu auparavant. C’est donc initialement une substitution liée à l’amour, et aussi une vengeance sur cette famille qui l’a rejeté dès la naissance pour une marque difforme qu’il a sur une cuisse. Les deux thématiques sont toutes traitées avec intensité, surtout la première. Là où notre médecin se révélait être un gentil timide incapable d’effleurer sa femme, notre remplaçant dégage un romantisme torride. Pendant que Yukio croupit au fond du puit de la maison, son frère redonne un coup de fouet à leur amour, et suite à ce changement, Rin se rend compte de la substitution et peut ainsi développer son parcours et ses choix amoureux. C’est là que le contexte social du film ressort d’un coup et qu’il s’impose comme axe de réflexion majeur. En effet, Yukio, pensant comme son père à ce sujet, voit d’un mauvais œil les quartiers pauvres, repère de délinquance et source de nombreux maux. Le dilemme est clair quand, au même moment, un bébé malade lui est amené par une mendiante ainsi que le corps du maire de la ville blessé à l’abdomen. Hésitant sur la priorité à donner, il finit par soigner le maire sans donner d’explication, le geste étant clair vu son opinions sur les pauvres. Les origines de Rin étant troubles, on peut déjà commencer à se douter de quelque chose. Puis voilà enfin le frère sorti de nulle part, qui n’a toujours connu que la pauvreté et l’avilissement, vivant de rapines et de meurtre sans se soucier de morale. Les personnages et leurs opinions en prennent tous un coup (Yukio découvre que le meurtre n’est pas lié à la condition sociale, tout comme son frère découvre le changement de Rin avec les années et l’absence d’amour qu’elle a pour lui… Il convient de relever aussi la séquestration de Yukio, torturé moralement par son frère et se voyant dépossédé de sa vie par un double machiavélique lui volant non seulement sa femme, mais projetant de détruire le travail de sa vie. Une parfaite angoisse abordée dans Possession, et ici traitée sur la longueur, sans le basculement total dans le fantastique. Eblouissant graphiquement, porté par d’excellents acteurs (les personnages sont beaucoup moins caricaturaux qu’ils n’y paraissent, et le jeu des acteurs est bien plus subtil que prévu), Gemini est peut être un des meilleurs films de Tsukamoto depuis Bullet Ballet. Une vraie baffe cinématographique.

 

5,5/6


1999
de Shinya Tsukamoto
avec Masahiro Motoki, Yasutaka Tsutsui

 

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commentaires

T
This is the film that made me believe that there are classic films, which have a great storyline and content in the Japanese film sector. The actors were so brilliant and they did had the quality to compete against the world class actors which we are familiar with.
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V
Toujours pas vu mais de Tsukamoto je demande à voir.
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V
<br /> <br /> Je te le recommande très fortement, un des meilleurs Tsukamoto à mon goût. Il vaut surtout pour son éloignement avec le style punk du réalisateur...<br /> <br /> <br /> <br />
A
de toute façon, je le commanderai un jour ou l'autre sur priceminister
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V
<br /> <br /> Il est vendu en duo avec Hiruko The goblin. Il faudra que je m'attaque à ce film, c'est une commande de Tsukamoto assez marrante, qui commence comme un film de fantômes japonais, puis qui vire<br /> sur le film de monstre complètement fou avant d'aboutir à un vrais truc de dingue (je ne sais pas si j'ai été clair, là ^^). Pas exceptionnel, mais divertissant et surtout original...<br /> <br /> <br /> <br />
A
je connais le film de réputation mais jamais vu ! Cette chronique donne vraiment envie de découvrir cette ovni cinématographique
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V
<br /> <br /> Pour moi, le meilleur Tsukamoto derrière Tetsuo et Bullet Ballet (les deux sont en noir et blanc, une technique qui réussit particulièrement à ce réal...). Au moins aussi fascinant que Dead<br /> ringers, avec un contexte social bien développé et une mise en scène éblouissante... Par contre, rare. Commandable sur internet pour un prix raisonnable. Content de t'avoir donné envie en tout<br /> cas !<br /> <br /> <br /> <br />

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