Brian DePalma a eu un peu de mal à convaincre lors de ses derniers essais au cinéma, et il est même arriver qu’on prononce le mot « has-been ». Toutefois, il tente d’opérer un retour aux sources avec Passion, vendu comme un authentique thriller, descendant de la fameuse vague des années 70-80 qui avait fait son succès. Et le résultat est loin d’être désagréable, au contraire.
L’histoire : Christine et Isabelle sont créatrices de pubs et collaborent sur un projet pour une marque de jean. Christine étant sa supérieure hiérarchique, elle s’attribue le mérite de la dernière idée d’Isabelle. Commence alors un méchant jeu de représailles professionnelles…
DePalma revient aux affaires du thriller, et autant dire que la première moitié du film est un vrai retour aux sources, tout en s’inscrivant dans notre époque. S’inscrivant dans un contexte finalement banal aujourd’hui (la création de pubs), le récit se concentre sur les deux principaux personnages féminins, qui gravitent autour du même homme. Si Isabelle apparaît comme la fille digne, travailleuse et classique (dans les goûts, dans l’amour, dans le rapport au soucis professionnel…) à laquelle on s’identifiera plus clairement, Christine a le mérite de piquer au vif notre curiosité. Amatrice de frivolités et accro au bondage plus ou moins hard (les petites séances masquées ou bâillonnées avec Dirk, l’homme du film complètement manipulé par Christine), impeccablement maquillée et cruelle sous son beau vernis, elle est la méchante électrisante qu’on espérait secrètement. Toutefois, ses petites exentricités ne sortiront jamais des vignettes illustratives, et finalement, on peut entrevoir un certain manque d'appétit de sa part (Julia de Hellraiser la surclasse sans peine). Néanmoins, elle est d’autant plus intéressante qu’elle se livre à des jeux de manipulation (professionnels ou non) sur plusieurs membres de son entourage, qu’elle espère ainsi plier à ses envies. Les films où les personnages ne sont jamais tout blanc ou tout noir méritent une certaine attention, et celui-ci se révèle plutôt stimulant sur un tel terrain, nous entrainant avec un rythme soutenu vers le pétage de câble que nous attendions tous. Evidemment, ce dernier est vu par le prisme du fameux montage de l’écran coupé en deux, où l’action se suit à deux endroits différents dans chaque moitié. Cette petite marque de virtuosité est devenue la marque déposée de Brian, mais ici, elle débouche sur un gore numérique aussi fugace que laid, une quasi grossièreté de la part de DePalma. Et c’est alors la déconfiture sur la seconde moitié. Sans se livrer à des spoilers, autant dire tout de suite qu’on devine immédiatement la solution (la seule logique) alors que l’enquête commence à peine, et qu’on doit poireauter plus d’une demi-heure pour s’entendre dire qu’on avait raison. Entre temps, Brian nous refait le coup de la sœur jumelle à la sisters, gadget assez peu utile, et finalement accessoire insignifiant (mais prétexte à une jolie scène dans un ascenseur). A sauver tout de même, la révélation de ce que nous savions être vrai, qui débouche sur un nouveau jeu de chantage sexuel pour le coup bienvenu et relançant gentiment l’action… Sans être aussi marquant qu’un Obsession ou un Body Double, Passion possède quelques bons arguments qui justifient le visionnage, ou l’achat du disque quand ce dernier sera retombé à 10 euros. Brian n’a pas retrouvé la fougue de sa jeunesse, mais il a suffisamment innové pour attirer l’attention.
3,5/6
2012
de Brian De Palma
avec Rachel McAdams, Noomi Rapace