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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 07:13

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Alex de la Iglesia revient sur mon topic, avec son nouveau film Balada Triste. Enfin, nouveau… On espère qu’il ne restera pas nouveau très longtemps, car le bonhomme est tellement doué, qu’à chaque nouveau film, on en redemande. Et la tendance n’est pas prête de s’inverser avec ce nouveau film, bourré de gags qui font pleurer. Profondément mélancolique et tragique, c’est un film animé par l’énergie du désespoir, probablement le plus personnel et le plus violent de toute la filmographie d’Alex. Et c’est un gros morceau du programme cinématographique de l’année.

L’histoire : Le fils d’un clown joyeux grandit avec l’émergence du Franquisme. Il devient alors un clown triste, et se fait engager dans un cirque, où il tombe amoureux de la femme du clown joyeux, un alcoolique tyrannique.

 

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Ce qui choque très vite dans le film d’Alex de la Iglesia, c’est qu’il y a énormément de situations humoristiques. Mais elles sont toutes si dramatiques, si sombres, qu’à chaque nouveau gag, le spectateur prend à nouveau conscience de la gravité de la chose. Cette introduction pose déjà les bases des figures clown joyeux / clown triste. Le clown triste est celui qui rit des blagues du clown joyeux. Il est dramatique, il subit l’humour plus qu’il ne le fait vivre, car dans une farce, il y a le farceur et le dindon. Il porte un regard incroyablement lucide sur le monde, et est seul capable de résister un revolver pointé sur la tempe. Le clown joyeux est celui qui fait les blagues, et qui récolte les rires des enfants, il est affable, et cède en face de son public. Mais dans une situation de crise, il est le premier à arrêter de rire pour devenir lui-même une bête sauvage. Ces figures, nous les retrouverons constamment dans le film, au moins dans les situations initiales. En effet, une fois que le clown joyeux s’est transformé en bête sur le champ de bataille, il est emprisonné par l’armée franquiste. Son fils viendra le voir, et à travers la grille, son avenir est bouleversé. Il deviendra clown triste au lieu de continuer dans la branche de son père. Après un court intermède où le père et le fils chercheront à se venger du régime qui les a opprimés, le fils, maintenant grandi, trouve un travail dans un cirque, et remarque la gymnaste au ruban. C’est la femme du clown joyeux, qui gère le cirque. Et ce clown fait des tonnes de blagues, mais elles n’ont rien de drôle. La blague du bébé mort né illustre parfaitement cette thématique, puisqu’il y a une situation amusante, mais qu’il n’y a pas de quoi rire. Ce qui donne lieu à la scène d’explication de la blague, d’habitude très drôle, et ici totalement dramatique, car pour une fois, nous sommes du côté de celui qui n’a pas compris. Nous nous focalisons après sur le trio 2 clowns/danseuse, vraiment très étrange, la danseuse flirtant ouvertement avec le clown triste, en l’appréciant pour son courage et pour sa gravité, mais restant toujours avec son clown joyeux, qui la bat sans retenue avant de la ramoner comme il faut, en voyant sa relation comme un amour voué à la détruire. On continue d’espérer voir la situation s’améliorer, ce qui est le cas pendant la sortie à la fête foraine, et alors que l’amour commence à se concrétiser, et que le clown triste rit, il prend dans la main d’un grosse une barbe à papa avant d’en mordre goulument une bouchée sans s’en soucier. Constamment, le dramatique de la situation est relancé, et constamment, cela empire, prenant de telles proportions que le parcours hallucinant du clown triste, se muant peu à peu en la bête qu’est le clown joyeux, prend un sens vraiment très sombre sur la vie qu’il a connu, et qu’a connu l’Espagne toute entière. Voulant conserver un minimum de suspense, je ne développerai rien de plus au niveau péripéties, bien qu’il ait quantité de chose à voir encore. Je veux juste évoquer les dernières secondes, où notre clown retrouve le rire, un rire si violent, si atroce, qui se teinte d’un cynisme si noir, qu’il achève complètement le spectacle, portant le tragique à des hauteurs qu’il avait rarement atteintes. Il s’est probablement passé quelque chose en moi quand j’ai découvert le film, je ne peux donc qu’engager à le voir, en rappelant que c’est la comédie la plus triste que j’ai pu voir.

 

5.5/6

 

de Álex de la Iglesia
avec Carlos Areces, Antonio de la Torre

 

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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 06:58

http://www.regarder-film.com/Regarder-Film-Dramatique/images/Film-Madame-Bovary.jpg

 

Madame Bovary, de Gustave Flaubert, est un des rares romans (avec ceux de Stendhal, qui donneront le sympathique film éponyme d’Argento) à avoir donné naissance à un terme médical pour un syndrome psychologique : le bovarysme. C’est un état d’esprit où la personne ne trouve jamais la satisfaction dans sa situation actuelle, sans savoir vraiment comment la changer, et qui s’enferme dans une rêverie perpétuelle pour oublier ce quotidien frustrant. Madame Bovary, c’est aussi une adaptation de Claude Chabrol, et elle est assez costaude.

L’histoire : Charles Bovary est un jeune médecin, qui tombe amoureux d’une jeune femme de la campagne : Emma. Mais après leur mariage, Emma s’ennuie très vite chez elle, et commence à rechercher des amants…

 

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Dans le cadre de la reconstitution, on remarque que tout est fait dans les règles de l’art, les français sachant très bien s’y prendre quand il s’agit de reconstituer une époque. Classicisme de la mise en scène, costumes soignés, acteurs interprétant finement leur rôle (avec une Isabelle Huppert diablement séduisante en femme tragique du film). Par rapport au livre, c’est très fidèlement adapté, il n’y a aucun reproche à faire sur ce point, le livre analysant déjà parfaitement les comportements de ses protagonistes. Madame Bovary est l’exemple type du syndrome auquel elle a donné son nom. D’abord enthousiaste, elle commence déjà à afficher des signes de lassitude le jour même de ses noces, et très rapidement, elle se fait chier comme un rat mort dans sa villa de campagne où son mari la laisse seule pendant toutes ses journées. Elle tente d’abord de prendre sur elle et d’avoir une vie tranquille, mais son ennui reviendra trop souvent à la charge. Les enfants ne seront pas non plus la solution à son problème, celle ci s’en désintéressant complètement une fois leur naissance passée (il faut la voir pousser sa gamine qui va se cogner contre la table pour comprendre à quel point elle s’en moque, de ses marmots). Elle se tourne dès lors vers le shopping, où elle achète frivolement d’extravagantes tenues pour des sommes mirobolantes auxquelles elle ne prête aucune attention (étant convaincue que les compétences médicales de son mari la mettront toujours à l’abri du besoin). Le déménagement en ville n’apporte pas le réconfort très longtemps, et c’est dans les bras de divers amants qu’Emma tentera de combler son morne quotidien. Qui ne satisfait toujours pas ses désirs, ce qui l’oblige à fantasmer, à se créer une vie parfaite (et utopique d’ennui). Dès lors, elle ne supportera pas son retour à la réalité (les abandons de ses amants, les monstrueuses dettes), et elle tentera de se suicider pour ne plus avoir à supporter cette vie ennuyeuse. Le ton de l’histoire est réaliste, tout au long du film. Avalant de l’arsenic, Emma Bovary mettra trois jour à agoniser, et mourra de la manière la plus minable qui soit, étant obligée de faire face à tous ses proches avant de rendre l’âme. Pathétique.

Cette histoire n’est pas un secret (ceux qui ne l’ont pas lu se verront corrigés d’une volée de bois vert !), mais c’est la transposition au cinéma qui compte. Et celle-ci reste assez assez classique, en prenant soin d’épouser régulièrement le point de vue de son héroïne (beaucoup de plans stables lors de ses rêveries, des cadrages plus dynamiques pour suggérer le vertige des retours à la réalité, et sur le plan des dialogues, un humour caustique qui tape régulièrement sur le quotidien pour souligner d’autant plus le détachement progressif d’Emma avec la réalité. Charles Bovary, campé par un Jean François Balmer juste impeccable, est lui aussi très amusant, puisqu’il est l’archétype du mari toujours ravi (il faut le voir après sa nuit de noces), qui va toujours être d’une platitude affligeante et d’une totale incompréhension de la médecine (c’est un bachoteur qui ne fait qu’appliquer ce qu’il a lu, aussi, sa carrière sera remise en question par une intervention chirurgicale innovante qui se conclura de la pire des façons).

Une adaptation soignée, classieuse et réaliste, qui magnifiera Emma Bovary avant de la briser de la plus humiliante des façons, concluant parfaitement sur l’œuvre, sur cette vie gâchée, bercée d’illusions et pas comblée de la manière attendue. Un très beau film, bien interprété, qui nous montre que les Français savent encore bien adapter leurs œuvres au cinéma.

 

5/6

 

de Claude Chabrol
avec Isabelle Huppert, Jean-François Balmer 

 

isabelle-huppert-dans-le-film-madame-bovary-5429602vroih.jpg

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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 06:46

http://www.filmovore.com/base/imgpromo/affiche-Princesse-Princess-2006.jpg

 

Comment peut-on caractériser un film bancal ? C’est un film, selon moi, qui croit en son propos, en ses idées, mais qui choisit de les exposer sous un angle strictement personnel (souvent le point de vue des personnages principaux), ce qui pose des problèmes d’ambigüité, de parti pris et au final de pertinence. Un film qui a des tripes, mais qui va te parler en argot. Et ça, ça passe ou ça casse. Moi, ce genre de film, ça me parle, car c’est plus attachant de voir un film sincère qui veut se rapprocher de toi qu’un chef d’œuvre qui va te prendre de haut et que tu vas te sentir obligé d’aimer. Et Princesse, ça sort tout droit de ces étables, c’est allemand, et ça écaille sévèrement la peinture.

L’histoire : Princesse, une actrice de porno hard, vient de mourir de sa vie d’excès. Sa fille, Mia, est recueillie par Auguste, le frère de Princesse, qui est prêtre. Il constate les ravages du milieu et les répercussions que celui-ci a eu sur le comportement de Mia, et décide de venger sa sœur contre cette industrie qui l’a corrompue…

 

http://i146.photobucket.com/albums/r256/ni2r0kitt/princess.jpg


Et bam, prend toi ça dans la face, spectateur ! D’emblée, on nous assène des chocs psychologiques intenses (la découverte du métier de Princesse par son frère : une partouze alors qu’elle est enceinte) et une hargne de ton d’histoire qui agresse autant que la laideur de l’image. Car ce film est laid. Si le dessin est au bas mot dégueulasse, l’animation est au moins aussi immonde, la faute à un budget de misère, personne n’ayant cru en ce film (à part un ou deux producteurs, bravo les gars !). Par delà cette facture technique pauvrette, on plonge dans un univers quotidien normal (moins malsain que ce qu’on imaginait), mais c’est clairement la petite Mia qui nous mettra mal-à-l’aise, la petite ayant grandi aux côtés de sa mère pendant ses jeunes années. On est d’abord comme Auguste, ne sachant pas quel angle emprunter pour prendre contact avec la petite. Mais on sait déjà que ça ne va pas être facile (la scène du coucher, où on aperçoit les multiples ecchymoses qui parsèment son corps). C’est par la suite qu’on s’apercevra des dégâts que la fillette a subie, tant physiquement (le carnet de santé monstrueusement illustré) que mentalement (elle adopte régulièrement un comportement sexuellement explicite avec les personnes qu’elle croise). On suivra parallèlement la genèse de Princesse, et des évènements qui la pousseront à entamer sa carrière d’actrice pornographique (encore un parti pris bancal : ces origines sont tournées avec un caméscope amateur). Tout ça, c’est bien cru, et on a même l’intrusion du mauvais goût le plus abject (la tombe de Princesse) en plein milieu du film. Je n’avais pas vu ça depuis Caligula ! Très vite, les nerfs d’Auguste cèdent peu à peu, et il vient le temps de rendre la monnaie de sa pièce à Charlie, le directeur de la société Paradise lost éditant les films de Princesse.

Première partie frustrante, deuxième partie totalement jubilatoire, où on va faire payer chèrement l’industrie pornographique corrompant nos mœurs, en hectolitres de sang. C’est surtout cette partie qui devient bancale. Déjà qu’on se demandait vraiment pourquoi Auguste avait choisi la prêtrise comme choix de vie (c’est un putain d’engagement moral, ça, et on avait presque l’impression qu’il avait choisi ça par dépit), on ne cherche même pas à comprendre comment il se procure des explosifs. Le film laisse parler ses tripes, et nous, on assiste à une vengeance vénère, que le film soutient à 100% (aucune distance n’est prise, le film est clairement d’accord quand Mia explose les couilles d’un producteur au pied de biche). C’est moralement révoltant, mais purement libérateur quand on voit toute une rue de sex shop exploser sur « No regrets ». La société en elle-même, en la personne des policiers, se place du côté d’Auguste en condamnant moralement les activités des « victimes » de ces actes de terrorisme. Dès lors, le film peut s’achever de toutes les façons, et choisit l’angle de la tragédie. Dans un final aussi bancal que déchirant, le film se conclut sur un dernier plan filmé, qui montre enfin le visage de Charlie pour quelques secondes, et qui touchent par leur humanité inattendue (on l’avait tellement diabolisé depuis le début du film que la montagne de préjugés accumulés ne nous avait pas préparé à ça). De ce film, on retiendra aussi une sincère envie de poésie, ponctuant régulièrement son récit de digressions oniriques, de métaphores libératrices et d’envies de voir quand même de la beauté dans cet univers corrompu (la pornographie étalée chez les marchands de journeaux).

En bref, Princesse est un film qui ne prend aucune distance avec son sujet, qui l’empoigne à bras le corps et qui le fait danser à sa manière, et si ça ne vous plait pas, il vous marchera sur les pieds sans la moindre gêne. Normal que ça soit un échec commercial, mais malgré son propos puritain totalement contradictoire avec la violence qu’il développe, je l’aime, car ce héros est indéniablement l’Homme dans ce qu’il a de plus bancal et de plus attachant. Un bel étron cinématographique auquel je donne fièrement :

 

5/6

 

de Anders Morgenthaler, Anders Morgenthaler
avec Thure Lindhardt, Stine Fischer Christensen

 

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 08:46

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Interdit aux moins de 16 ans

 

Asia Argento est une actrice fabuleuse, qui a d’abord été lancée par papa (une petite apparition dans Demons 2 et dans Sanctuaire, un premier rôle dans Trauma…) avant de gérer sa carrière, assez variée (un Romero, un Ferrarra, il y a pire comme filmographie). Mais la demoiselle s’essaye aussi à la réalisation, en nous offrant d’abord Scarlett Diva, puis le Livre de Jérémie, un film nihiliste et malsain qui m’a particulièrement tapé dans l’œil quand je l’ai découvert.

L’histoire : Jérémie est arraché à ses sept ans de sa famille adoptive par une mère impulsive et perdue, qui survit en se prostituant sur les aires d’autoroutes. Du lourd, on vous avait prévenu.

 

http://www.premiere.fr/var/premiere/storage/images/cinema/photos/diaporama/images/le-livre-de-jeremie-the-heart-is-deceitful-above-all-things-2001__16/5993977-1-fre-FR/le_livre_de_jeremie_the_heart_is_deceitful_above_all_things_2001_reference.jpg


Qu’est-ce qu’on peut trouver d’agréable à regarder ce film ? Pas grand-chose, car il n’y a jamais vraiment d’espoir de voir la situation s’améliorer. Dès le moment où Jérémie est arraché à sa famille adoptive (scène atrocement déchirante), il n’y a plus vraiment d’espoir. Il est désormais tenu de rester avec sa mère, une Asia Argento atrocement maquillée qui effraye vraiment par son caractère irresponsable et torturé. Tout s’enchaîne dans un rythme que rien ne semble arrêter, où rien ne semble freiner la chute de l’enfant, qui tombe de Charybde en Scylla pendant une heure et demie. Ce qui fait vraiment le film, c’est l’interprétation de Jimmy Bennett (un vrai petit prodige à seulement 14 ans, il a déjà un blockbuster (star trek) et plusieurs bons films à son actif (otages, Esther…)), qui est incroyable en gamin de sept ans constamment déraciné de son milieu pour être replanté dans quelque chose de radicalement différent. C’est un des points intéressants de ce film, qui semble ne devoir aller nulle part par ses variations fréquentes d’intrigues : en baladant sans arrêt notre gosse, on peut taper sur différents milieux sociaux. On tape d’abord sur le monde des personnalités solitaires, avec les différents compagnons que Sarah fréquente en traînant son fils dans ses pattes. Ce qui m’intéresse devant un tel spectacle, c’est l’impact de ce que vit l’enfant sur son caractère et ses réactions futures. Car ces pères de substitution possèdent tous des caractères très différents, et ce qui nous donne un vaste aperçu de personnalités plus ou moins violentes, qui auront toutes une influence sur Jérémie. En le faisant souffrir ou en lui redonnant espoir, mais chacun jouera un petit rôle (Marilyn Manson viendra y jouer un caméo anecdotique). Mais derrière le père, c’est souvent la mère vénéneuse qui agit, maltraitant son fils tantôt avec plaisir, tantôt avec dégoût, sans qu’on parvienne à saisir complètement ses motivations (et surtout ses raisons pour récupérer son fils).

Le livre de Jérémie, c’est un film qui fonctionne surtout sur le moment, au niveau émotionnel, qui arrive à nous balancer quelques messages (la séquence éprouvante de l’assistante sociale tentant d’évacuer le sentiment de responsabilité de Jérémie après son premier rapport) et à nous attacher particulièrement à cet anti héros, une sorte d’agneau sacrificiel dont l’innocence sera constamment malmenée. Le film n’est d’ailleurs pas avare en séquences fortes, nous donnant à voir de fracassantes images malsaines, comme la soumission de Jérémie lors d’une séquence punition (qui déviera vers quelque chose de bien plus grave), ou le travestissement de l’enfant par sa propre mère, qui se plaira pendant quelques temps à agir comme une fille… Choquant, sans espoir, le film avance, avance, et nous voyons Jérémie grandir, s’adapter à de nouveaux milieux… Car le film, malgré ses thèmes osés, ne s’attarde jamais sur le désespoir de ses situations. Il avance toujours, comme Jérémie, et c’est un mouvement qui ne trouvera pas de fin. C’est d’ailleurs le reproche que je ferai toujours au film : nous laisser sans conclusion. Le personnage de Sarah est lui aussi intéressant, car même sans comprendre la logique qui l’anime, on constate qu’elle est issue d’un milieu d’extrémistes religieux et qu’elle choisit d’adopter une attitude aux antipodes de ce modèle. Sa détresse nous frappe, mais nous resterons partagés sur son cas au vu de son comportement avec Jérémie.

Le livre de Jérémie, c’est un carnet dans lequel il écrit son histoire, ses impressions. C’est un parcours violent, cathartique (où l’innocence est constamment martyrisée) et contenant de brefs moments de forte portée psychologique (l’isolement de Jérémie dans un imaginaire télévisuel, son empoisonnement sous les yeux de sa mère…) qui risqueront de nous marquer pendant quelques temps. La survie de deux êtres liés bizarrement que nous suivrons pendant une heure et demie dans leur combat avec le quotidien. Malsain ? Dans un certaine mesure, oui, mais pas vraiment de complaisance ni de gratuité. Pour moi, c’est une des (la ?) meilleure performance d’acteur enfant, et un film sincère et amoral qui ne peut laisser sans réaction. Dans toute cette crasse, on finit même par y entrevoir de la beauté…

 

5/6

 

de Asia Argento
avec Asia Argento, Jimmy Bennett
 

 

http://a69.g.akamai.net/n/69/10688/v1/img5.allocine.fr/acmedia/medias/nmedia/18/35/31/81/18813225.jpg

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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 16:50

http://www.horreur.net/img/backwoods_oldman_aff.jpg

 

Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah a profondément marqué les esprits sur le thème de l’ultra violence sociale, montrant combien les citoyens lambda peuvent devenir violents en étant poussés à bout. Le film est fréquemment cité dans les 100 films à voir dans sa vie et autres catalogues de bon goût. Ce film a probablement dû influencer quelques autres petites productions qui ont su rester dans l’ombre, mais pas celle dont je vais vous parler aujourd’hui : The Backwoods. L’histoire, c’est à peu près la même, mais en différent.

L’histoire : Deux amis viennent accompagnés de leurs femmes dans une vieille maison espagnole fraîchement héritée. La population locale est quelque peu troublée par l’arrivée de ces nouveaux, particulièrement une bande de chasseurs qui appartiennent tous à la même famille. Malgré le froid de la première entrevue, tout le monde reste calme et chacun retourne chez soi. Le lendemain, les hommes partent à la chasse tandis que les femmes vont se baigner à la rivière…

 

photo-The-Backwoods-Bosque-de-sombras-2005-11.jpg

 

Ce qui surprend d’abord dans ce film, c’est le casting plutôt de qualité (Gary Oldman et Virginie Ledoyen), complété par de parfaits inconnus qui sont tout aussi excellents dans leur rôle. Comme le laisse entendre la chanson à la radio pendant un générique très seventies (le film se passe d’ailleurs à cette époque), le film va s’intéresser aux conflits humains. Entre les gens de villes et de campagne, entre homme et femme, entre jeune et vieux… La multiplicité des conflits abordés surprend par son ambition, alors que l’histoire reste très crédible et dans les limites qu’elle s’est fixée. On peut y voir un simple drame, où d’un certain côté une extension du thème de Peckinpah aux différences sociales les plus diverses.

Le classicisme imprègne constamment l’histoire. L’image est magnifique, les personnages apparaissent vite comme des clichés, mais leur démarche et leurs actions sont logiques. Qui a dit qu’un cliché sonnait creux ? Le couple Norman/Lucy, la génération trentenaire, affiche dès le départ des petits soucis de mésentente, que les actions de chacun viendront grossir peu à peu. La psychologie est à la fois simple, mais suffisamment illustrée par des détails anodins qui assurent immédiatement la crédibilité de l’histoire. Jusqu’à ce qu’on ait l’élément déclencheur : la découverte d’une petite fille séquestrée dans une cabane perdue au fond des bois. Nos deux couples décident de la recueillir chez eux et d’aller voir la police au plus tôt (le téléphone n’est pas installé sur place), mais les chasseurs viennent les visiter avant leur départ. S’entame dès lors un jeu du chat et de la souris, où les hommes prennent clairement les devants pour ce qui est de la protection de la petite fille. Malgré les doutes de Norman, Paul, le plus vieux et le plus expérimenté pour la chasse, ne veut pas céder à la menace des chasseurs, et décide de les entraîner avec lui sans les bois loin de la maison en prétextant de les aider à chercher la fillette. Sans la présence rassurante de Paul, Norman et les deux femmes ont rapidement les nerfs à fleur de peau, et rien ne s’arrangera quand Norman s’absentera quelques instants et que deux chasseurs s’introduiront dans la maison pendant de longues minutes.

Ce qui surprend aussi, c’est le début des hostilités. Après la première tentative de viol (non consommée), premier mort du côté des chasseurs. Ce sont nos héros qui ouvrent le feu en premier. Et rapidement, un autre cadavre suivra du côté des chasseurs ! A se demander qui est vraiment méchant dans l’histoire. On se rend bien vide compte qu’il n’y a personne de méchant, seulement des personnes apeurées, tendues, qui prennent des décisions de manière impulsive, sans tenir compte des avis du groupe auquel ils appartiennent (les amis ou les chasseurs). La transformation radicale de Norman, au début plutôt peureux, devenant un prédateur glaçant qui tire sans la moindre hésitation, fait froid dans le dos. Le tout s’achève dans un final assez tendu où chaque protagoniste est remis en face de ses responsabilités, et où la Police viendra enfin distribuer à chaque personnage sa juste peine.

Ce film, parfaitement maîtrisé tant techniquement qu’en matière de script, est une nouvelle chronique sociale sur la violence entre citoyens, avec une ambiance espagnole parfaitement adaptée au cadre de l’action, des acteurs vraiment impliqués dans leur rôle (Gary Oldman, combattant dans la boue un chien puis un homme, est impressionnant), et qui traite son film au premier degré sans se soucier d’être comparé à son glorieux aîné. Moi, j’appelle ça une excellente surprise (je m’attendais vraiment à m’ennuyer), et à condition de voir ce film comme un drame plutôt qu’un thriller (l’accroche dvd insiste plus sur une chasse à l’homme que sur les tensions psychologiques qui font le cœur du film), on passera un excellent moment.

 

5/6

 

de Koldo Serra
avec Gary Oldman, Virginie Ledoyen

 

photo-The-Backwoods-Bosque-de-sombras-2005-16.jpg

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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 10:54

http://canalplay-publishing.canal-plus.com/movies/8747/pictures/htv.gif

 

 

Douglas Buck a fait une carrière d’ingénieur dans l’électricité. Il a supervisé une grosse installation dans un aéroport de New York, et a commencé là sa carrière de réalisateur. Il tourne en 1997 un moyen métrage, Cutting moments,  et tournera l’année suivante Home. Il tournera un troisième moyen métrage, Prologue, en 2003. Ces trois films d’un peu plus d’une demi heure, réunis, ont donné l’œuvre Family portraits, a trilogy of america. Un véritable brûlot qui incendie la vie américaine en banlieue pavillonnaire, classique modèle de réussite tranquille où chacun a son confort personnel. Si Prologue s’en écarte, ses deux premiers films vont salement décrire les problèmes psychologiques de différents personnages vivant dans ces zones urbaines.

L’histoire : Cutting moments s’intéresse à une famille sans histoire. L’autorité paternelle est forte, et ce dernier ne supporte pas la sexualité, et toise froidement sa femme chaque fois qu’elle tente de briser l’écrasante monotonie du quotidien. Peu de dialogues, mais une frustration latente qui s’accumule jusqu’à un final gorissime et métaphorique.

Home s’intéresse à un homme à l’enfance frustrée, écrasée par un père à l’autorité envahissante. On suit par étape sa vie, son mariage et sa vie de famille, toujours sous le signe de la frustration implicite.

Prologue s’intéresse à un violeur plusieurs années après ses méfaits, ainsi qu’à sa victime, qui revient reprendre sa vie dans le village de son enfance. Peu à peu, ces deux êtres vont à nouveau se rapprocher.

 

http://www.cinemetroart.com/upfiles/0688p1.jpg

 

Jusqu’auboutistes, sérieuses, sèches… Ces trois œuvres forment une trilogie de moyens métrages en tout point admirable, réussissant sur les plans de la symbolique et de la psychologie de chaque personnage. Si leur état d’esprit est mis en scène de façon outrancière, il reste parfaitement compréhensible, sans trop paraître disproportionné. Résultat : on a vraiment des personnages épais en face de nous, pas des pantins qui accomplissent des actions immorales gratuitement. On distingue alors les thèmes que Douglas veut développer : l’autorité paternelle, toujours de mise dans ce genre de famille américaine, et ici complètement étouffante (la vision du couple américain est passablement sordide, vu qu’aucun sentiment positif ne semble émaner de l’entité paternelle). La frustration est aussi particulièrement bien exposée, représentée chez l’enfant (et de la même façon chez le violeur en proie aux remords) par la flagellation ou la scarification, et chez les femmes par l’appétit sexuel insatisfait, sans que ce manque soit remplacé par quoi que ce soit. La famille n’est qu’un mot, elle ne représente en rien l’affection qu’elle sous entendait. Enfin, la destruction familiale (et sa lente reconstruction dans Prologue) est brillamment développée, de la façon la plus sournoise possible puisqu'elle se fonde sur les deux premiers thèmes cités (en tout cas pour Cutting moments et Home) pour finir, par accumulation, dans de véritables pétages de câbles.

 

http://cinemafantastique.be/IMG/jpg/portrait2.jpg

 

Il est toutefois nécessaire d’isoler le dernier film, car il est de loin le plus soigné au niveau des caractères, et le plus intéressant dans son approche des deux personnages. On peut même faire une comparaison osée avec Terror firmer, et sur la réaction de la victime en face du violeur. Une telle humanité dans des moments aussi intenses, ça me cueille en plein vol. Vraiment, si le ton des films reste lourd, sérieux et focalisé dans son illustration de l’envers de la médaille, il est d’une sincérité qui m’a vraiment bluffé, en plus de la baffe colossale qu’il procure au spectateur non averti. Mention spéciale dès lors à tous les acteurs, qui sont tous d’une justesse sobre alors qu’on a affaire à de parfaits inconnus. Vraiment, Family portraits est un drame méchant, nihiliste pendant sa majeure partie, mais qui se conclut d’une manière admirable. Vraiment un des meilleurs drames de ma collection personnelle.

 

6/6

 

Réalisé par Douglas Buck
Avec
Gary Betsworth, Sally Conway, William Mahoney

http://s1.lemde.fr/image/2006/09/29/600x300/818448_3_d6ca_une-scene-du-film-americain-de-douglas-buck.jpg

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 22:25

 

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Tu aimes le trash ? Je vais t’en donner, mon mignon, tu ne vas pas être déçu. Tu veux du branché ? Ca tombe bien, c’est mon rayon, et je le suis. Tu veux du drame, tu aimes pleurer ? Je vais te montrer quelque chose qui te fera vite oublier tous tes tracas quotidiens. Tu veux de l’esthétique ? La mienne est au sommet de son art. Tu veux avoir bonne conscience ? Mais t’as rien compris, c’est la porte d’à côté, ça. Je suis Octave Parango, je mange équilibré, j’ai une vie saine et j’apparais dans un film, que vous achèterez 9,99 euros en magasin.

L’histoire : 99 Francs, c’est Octave Parango. Sa vie, son œuvre, son histoire, toutes les choses importantes qu’il a vécues et son évolution dans l’époque moderne. Dans sa vie à 300%, il n’a plus le temps de penser. Il ne pense toujours pas quand il commence à sortir avec Sophie. Puis elle lui annonce qu’elle est enceinte. Cette incartade va-t-elle bloquer la machine en marche depuis ses débuts dans le métier ?

 

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99 Francs est, je pense, le film majeur de Jan Kounen. Depuis un Dobermann aussi indéfendable qu’attachant, Kounen s’est amélioré, et il expérimente tellement de procédés pour servir son histoire que celle-ci ressemble presque à un catalogue où le spectateur choisirait ce qui lui plaît. Et il y a beaucoup de bonnes choses dans 99 francs. Tout d’abord Jean Dujardin, inratable (il fait le film) et totalement dévoué au film, qui illustre avec une aise scandaleuse la personnalité d’Octave, un déchet humain dans toute sa splendeur, qui affirme haut et fort que la vie est pourrie, que son comportement nuit clairement à la société, et qui continue à faire son métier en arborant toujours cette face cynique. Il vous gueule « Je suis moins bien que vous ! » avec des airs supérieurs. Cette couche d’hypocrisie et de cynisme poisseux le colle pendant tout le récit parasite le moindre de ses actes. Car Octave méprise tout au quotidien. La seule manière de le supporter, c’est la drogue, qui lui donne « la nonchalance nécessaire pour supporter ces interminables réunions ». Son caractère est un des mieux dépeint au cinéma durant la décennie 2000. Un portrait qui sonne juste, dynamisé par une bande son branché qui accentue la notion de vitesse. Et après l’épisode Sophie, les rouages de cette existence parfaitement fonctionnelle malgré son aberration commencent à montrer des signes de faiblesses ? Y a-t-il des changements en train de s’opérer ? Des tentatives sont lancées, et souvent, elles ont l’air de tomber dans l’oubli.

La vie d’Octave (ce film) emprunte de nombreux éléments au monde de la pub, et tendraient à magnifier cette vie sans temps mort, presque sans instants de réflexions. Car dès qu’Octave se retrouve seul, il ne se supporte tellement plus qu’il doit replonger jusqu’au cou dans ses excès pour surmonter sa crise existentielle. J’en profite pour dire combien il est difficile de faire une critique neutre de l’objet, tant il semble évident que le spectateur doive détester Octave, de la façon la plus universelle qui soit (et le plus fort, c’est qu’elle me semble cohérente en cumulant tous ces vices). Atout supplémentaire, en plus des symboles publicitaires, on nous sort carrément des références bibliques. Octave devient, au fur et à mesure que son envie d’évasion apparaît, une sorte de Christ, qui va devoir choisir de sacrifier sa vie facile (très facile, cette vie : vous réfléchissez à un concept pendant deux semaines avec quelques dessins, votre concept est refusé, alors vous pondez un scénar en 3 minutes chrono) à la gloire du scandale ou s’assoir et ne rien faire comme il l’a toujours fait. La fin relève dès lors du tour de force culoté, puisqu’elle nous donne à voir tous les éléments que nous attendions, et suggère doucement que le but du film pourrait être commercial. En effet, quoi de plus racoleur d’un drame trash de cette ampleur ? Ces petites marques d’ironies envers lui-même pourront lui accorder notre sympathie, mais ce film, d’un extrémisme rarement vu dans le domaine de la comédie française et de la satire sociétaire, suscite déjà vivement notre intérêt, ne serait-ce que pour sa capacité à diviser. On aime voir Octave chuter ou réussir son coup d’état, on déteste son caractère nihiliste gratuit, mais ses monologues frapperont toujours fort dans nos consciences, si nous sommes assez calmes (ou distants) pour écouter ses propos. L’anti Brice de Nice est à l’image, et ça fait plaisir.

99 francs est donc bien l’électrochoc qu’on nous a promis, ne négligeant aucune piste pour illustrer son récit (et partant même dans des trips expérimentaux incroyables, comme Octave en face de son enfant au stade fœtal), et particulièrement cynique dans son propos, c’est un film qui prouve que certains réalisateurs peuvent encore oser.

 

5/6

 

Réalisé par Jan Kounen
Avec Jean Dujardin, Jocelyn Quivrin, Patrick Mille

 

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 07:52

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Stuart Gordon, toujours ! Comme je l’avais dit précédemment, c’est un grand fan de Lovecraft (avec son pote Brian Yuzna, moins doué, mais qui fait du bis assez fun (Le dentiste, le retour des morts-vivants 3 et sa gothique au design sexy)). Mais il s’est 3 fois intéressé à la psychologie humaine dans des films aussi troublant que réussis : King of the ants (ou l’émergence d’un psychopathe qui était un individu tout à fait normal à la base), Edmond (un citoyen qui pète un câble et qui reprend sa vie à zéro un soir de travail) et Stuck, dont je vais parler tout de suite.

L’histoire : On suit d’abord deux personnages en parallèles. L’un est une aide soignante dans une maison de vieux qui, pour espérer avoir de l’avancement, accepte de faire des heures supp pendant le week end. L’autre est un sans-emploi n’ayant même plus ses papiers, qui se retrouve à la rue et qui est foutu dehors à l’agence de travail. Ces deux personnages font une rencontre fracassante, puisque l’aide soignante le percute avec son automobile, et qu’il s’incruste littéralement dans son pare brise. La femme le ramène alors dans son garage et le laisse pour mort toujours dans le pare brise.

Développant un pitch totalement bancal, Stuart Gordon nous fait carrément un film de fou, puisqu’il fonctionne parfaitement sur une logique de l’instant. L’aide soignante n’a aucune chance de trouver de l’avancement et d’améliorer sa vie si elle avoue avoir provoqué un accident par inadvertance. Le sans emploi n’a largement pas mérité ce qui lui arrive. C’est un drame dans ce qu’il a de plus sordide, de plus misérable, car on voit combien « les règles de société » pèsent sur les individus. A chaque fois qu’elle tente d’appeler de l’aide, l’aide soignante se retrouve face à la crainte d’être découverte ou de ne pas arriver au travail à l’heure. Des trucs parfaitement logiques quand ils sont mis à l’image par Stuart, mais qui devaient sonner bien faux sur le papier. Car on touche vraiment à l’impalpable, à l’influence que peut avoir la société sur nous en terme de réussite, de vie meilleure… Nous suivons alors totalement captivés l’histoire qui se développe, l’aide soignante se rendant bientôt compte que le clochard est toujours vivant et qu’il reprend des forces au fil des heures. Elle tentera alors d’utiliser son ami occasionnel pour finir le boulot. D’une cruauté féroce, allant particulièrement loin dans ses portraits égoïstes, Le film de Stuart frappe très juste, et reprend les rebondissements classiques du genre en leur donnant des motifs sociaux particulièrement bien choisis (les seuls témoins de cet acte monstrueux sont des voisins immigrés illégalement qui n’ont aucun intérêt à voir la police débarquer). Fascinant autant que dérangeant, le film de Stuart est une réussite sur tous les tableaux pour ceux qui apprécient les bonnes petites séries B. Celle-ci étant particulièrement bien organisée au niveau de la psychologie de ses personnages (pour le coup vraiment crédibles : Stephen Rea est mémorable), il serait vraiment… vraiment stupide de s’en détourner. Un drame maousse et sanglant qui devraient impressionner quelques uns d’entre nous.

 

5/6

 

de Stuart Gordon
avec Mena Suvari, Stephen Rea

 

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12 mai 2011 4 12 /05 /mai /2011 16:32

 

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Christopher Smith est un petit prodige anglais. Il s’est fait connaître avec un film d’horreur plutôt populaire : Creep (ayant étonnamment rempoté de bonnes critiques aux cahiers du cinéma). Sans être particulièrement original (on pense à Castle freak dans un métro), on avait droit à quelques belles petites séquences de flippe (la découverte de la créature reste un plan tétanisant). Il enchaîne avec la comédie horrorifique Severance (plutôt amusante) et un thriller fantastique ambitieux : Triangle (où notre héroïne est au centre d’un évènement redondant). Gagnant en qualité à chaque film, Christopher nous achève avec Black Death, honteusement refoulé au stade d’une timide sortie DVD, alors qu’on tenait là le meilleur film de l’année avec Black Swan.

Black death, c’est limpide. La peste fait rage en Angleterre. C’est pour la population un châtiment divin, aussi les sorcières et autres boucs émissaires sont intensément recherchés. Osmund, un jeune prêtre amoureux d’une ravissante villageoise, voyant que la maladie progresse, la fait fuir dans la forêt avec des provisions. Il cherche désormais un prétexte pour la rejoindre, et il le trouvera en la personne d’Ulric, un chevalier mandaté par l’évêque pour enquêter sur un village épargné par la peste. Osmund leur servira de guide pendant leur voyage. Mais il découvre vite que le but des chevaliers est de trouver le nécromancien ayant passé un pacte avec le démon pour être épargné par la peste, afin de l’exécuter en place publique.

 

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D’une noirceur qu’on n’avait pas vu au moyen-âge depuis le sulfureux La Chair et le sang (Le 4ème meilleur de Paul Verhoeven avec Starship troopers, Total Recall et Black book), Black death parle de la Foi et de la manipulation des individus, par la religion ou l’idolâtrie. C’est un film très sérieux, sans espoir, une sorte de voyage infernal que va vivre le groupe de chevalier accompagné d’Osmund. Que les amateurs d’épique passent leur chemin, malgré deux grandes scènes de combats pas très bien filmées (putain de caméra à l’épaule !), c’est un drame qui a tout de tragique. L’épilogue atrocement pessimiste nous fera d’ailleurs quitter l’histoire d’une façon abrupte, car nihiliste.

Mais ne quittons pas ce film aussi vite. Le travail d’ambiance est convaincant (on pense vraiment au Nom de la Rose pour les parties dans le monastère). Pareil pour le village perdu dans les marais, qui impose immédiatement une ambiance isolée, coupée du monde, et où l’apparente bienveillance des villageois laisse poindre une méchante suspicion. Dans les deux camps. Un script plutôt bien écrit pour qui sait s’intéresser à la société moyenâgeuse, et un discours vraiment très fort sur la Foi (le plus beau étant que ça forcera l’admiration des athées, car c’est plus une preuve de courage et de confiance en ses convictions qu’un acte prosélyte). Véritablement tendu et puissant dans sa seconde moitié, Black death se situe à mi chemin entre le film contemplatif et le drame historique, et se vit vraiment comme une expérience.

Les acteurs sont excellents, et par delà Sean Bean qui n’a plus rien à prouver depuis Boromir, Eddie Redmayne fait preuve d’un talent assez incroyable, puisqu’il parvient à nous convaincre dans chacune des situations où il est impliqué. Encore une fois, si le film pêche un peu par sa technique (certains plans ne sont pas très réussis), son histoire est véritablement fascinante (impossible d’en dire plus sans spoiler l’enjeu dramatique monstrueux qui marquera le spectateur) et son ambiance est si sombre, qu’il mérite une consécration immédiate en dédommagement du traitement ingrat auquel l’ont soumis les distributeurs français. A genoux messieurs, devant l’un des monarques cinématographiques de cette année !

 

6/6

 

Réalisé par Christopher Smith
Avec Sean Bean, Eddie Redmayne, Kimberley Nixon

 

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 19:12

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Volver, je suis désolé de l’annoncer, mais je l’ai trouvé soporifique. On me donne des pistes de réflexions, les thèmes forts (la relation mère-fille, l’inceste…), mais rien n’y fait, je ne parviens à rester qu’en surface de cet objet, et avec aussi peu de remous, j’ai tendance à sombrer. C’est donc dire combien je traînais les pieds pour regarder de vieux film d’Almodovar, et j’ai cru vraiment que j’allais abandonner dès les premières minutes. C’est alors qu’on trouve la révélation sans vraiment s’y attendre, du genre qui vous empêche de finir la bière entamée tant vous êtes absorbé.

Histoire très simple. Un amour naissant entre Marco, écrivain, et Lydia, toréador. Et au cours d’une corrida, l’accident bête. Lydia est plongée dans un coma dont elle ne se réveillera probablement jamais. Marco est anéanti, et fait alors la connaissance de l’aide soignant qui s’occupe des comas profonds : Benigno. Une amitié naît peu à peu entre les deux hommes, chacun s’occupant avec attention de sa protégée (Benigno s’occupe particulièrement d’une jeune voisine qui a eu son accident alors qu’il commençait à se rapprocher d’elle).

Un tel résumé, pour peu que mon lecteur n’ait pas vu le film, a de quoi faire sombrer dans un coma léger. Et bien non. C’était sans compter sur la délicatesse d’Almodovar, qui fait de merveilleux portraits de ses personnages, et chose rare, qui soigne particulièrement ses caractères masculins. Car si les femmes sont réduites ici à l’état d’inconscience et d’inaction, ce sont les hommes autour d’elles qui retiennent toute notre attention. Leur devoir envers les femmes est au centre de ce film, et c’est là que le personnage de Benigno est très intéressant. Il ressemble un peu à un autiste lors des premiers contacts, mais il parvient, par sa délicatesse et son apparente fragilité, à gagner notre sympathie, et à faire acquiescer femmes et hommes (pour peu qu’on y mette un peu de bonne volonté) sur cette délicate question de ce que l’homme doit donner à sa femme. Almodovar fait d’ailleurs le choix extra-ordinaire de nous montrer une séquence de muet en noir et blanc, particulièrement osée, mais d’une poésie métaphorique qu’il nous a très rarement été donné de voir sur grand écran. C’est un énorme argument réflexif qui vaut pour lui seul la vision du film.

On sent vite poindre le drame à l’horizon. Il se produit en effet, de la façon la plus logique et la plus perverse qui soit. Quand je dis perverse, je pense surtout à Benigno, qui a agi avec toute sa logique et tout son amour, et qui souffre beaucoup de ce qui arrive par la suite. En effet, quel est le statut légal des comas profonds ? Peut-on considérer comme un viol l’acte de Benigno ? L’histoire prend dès lors un tournant cruel, car nous ignorons si l’amour témoigné pendant tout ce temps est réciproque. Un peu comme le coup de poignard gentiment effacé à la fin de Wall-E, qui effaçait d’un coup ce qu’il avait fallu faire pendant un film entier. Faisons fi des accusations d’immoralité, Benigno est condamné. Il paye. Véritablement déchirant dans sa dernière partie, Parle avec elle est un drame fort, aux thèmes très travaillés et, d’un certain côté, une histoire d’amour tragique qui touche. Un flot d’émotions qui submerge.

 

5/6

 

De Pedro Almodóvar

Avec Javier Cámara, Dario Grandinetti

Film espagnol

 

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