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8 octobre 2011 6 08 /10 /octobre /2011 11:21

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Avec Caché, Michael Haneke s’attèle à une nouvelle étude du comportement humain : la famille se sentant harcelée qui retourne sa peur envers ceux qu’elle côtoie. Avec de nombreux détails, Haneke fait un portrait psychologique de chacun de ses protagonistes, et se livre à des conclusions plutôt intéressantes, dans un style toujours amoral, qui surprendra d’autant plus que le film contient quelques éléments de thriller plutôt convaincants. Retour sur un film qui avait fait du remous à Cannes lors de sa sortie.

L’histoire : depuis quelques temps, Anne et George Laurent reçoivent des cassettes les filmant lors de leurs sorties de domiciles, sans explications autres que des dessins représentant un garçon crachant du sang.

 

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Un point de départ bien énigmatique que nous expose le film de Michael Haneke, qui s’aventure une fois de plus dans les méandres du comportement humain, en s’intéressant cette fois ci à la notion de culpabilité. Ou plutôt d’absence de culpabilité. Pour procéder dans la logique, partons de la situation qu’explore d’abord le film : la suspicion. On ignore tout de l’auteur des cassettes, et celles-ci ne contiennent rien de compromettant. Ce n’est donc pas une tentative de chantage. Mais les cassettes filmant leur demeure, et eux n’ayant aucun souvenir d’avoir vu une caméra quelque part, ils commencent à se faire une parano, et à devenir agressif avec leur entourage. Les époux commencent à se chercher noise, la femme insistant pour que son mari la mette au courant de ses doutes, et lui refusant sous prétexte de la ménager, alors qu’il essaye de dissimuler sa culpabilité. Car ce qui est caché dans ce film, ce n’est pas l’auteur des cassettes (on le retrouvera au milieu du film), mais bel et bien le passé, puis la culpabilité de George Laurent. On ne saisira l’incroyable complexité du personnage (ou plutôt sa simplicité, dépeinte par une multitude de détails) qu’après une première séance d’explication avec l’objet de ses doutes. Car le personnage de George Laurent, c’est la culpabilité qu’on cherche à cacher à tout prix. Pour un banal caprice d’enfant (aux conséquences certes graves, mais pas dramatiques) qui le hante depuis des années, George a toujours chercher à minimiser son erreur et à vouloir la cacher (les informations qu’il finira par donner à sa femme ne sortiront pas sans insistance de sa part, cette dernière finissant par remettre en cause leur vie de couple tant ses inhibitions concernant son passé sont grandes). Il faut voir ses expressions quand il raconte les faits, et comment il traite son ancien camarade une fois qu’il le retrouve. En face de la personne à qui il a nuit pendant son enfance, il se montre menaçant, agressif, et a l’attitude exactement opposée à celle qu’il conviendrait d’avoir (tous ceux qui visionneront la vidéo le lui souligneront). Pendant tout le film, il cherchera à étouffer la situation, et il parviendra finalement en méprisant davantage la personne blessée à se persuader de son innocence dans cette regrettable histoire. Et pour enfoncer le clou, Haneke lance l’épisode de l’enlèvement, où leur fils Pierrot disparaît et où George et Anne envoient les policiers dans le domicile de l’auteur présumé des cassettes, qui se fera embarquer avec son fils. Le lendemain, le fils Pierrot est retrouvé. Pas d’excuses, George se recentre sur sa vie et ne pense plus à l’auteur, qui le rappellera avant de commettre l’irréparable (La scène choc du film, qui fait bondir au plafond par son intensité). Et là encore, même en face du fils de ce dernier, George trouvera encore le moyen de dire qu’il n’a aucune responsabilité et de vomir sur tout ce qui le renvoie à ses craintes. Daniel Auteuil joue parfaitement son rôle, et finira par se cacher dans un chambre, restant dans les ténèbres pour tenter de soulager sa conscience. Cacher ses fautes, voilà ce qui est au centre du film. Quelques questions restent cependant en suspens. Qui est l’auteur véritable des cassettes ? Malgré ses démentis formels, je pense qu’il s’agit de l’ancien camarade de George. L’hypothèse d’avancer que c’est George lui-même qui en est à l’origine est tentante, mais ne tient pas la route pour la séquence dans l’appartement. Peu de chance que ça soit Anne ou Pierrot, les deux personnages ignorant tout du passé de George. Haneke ne donnera pas d’indices, il se contente de filmer les faits, et de montrer comment la famille part de tous les côtés dans un climat de peur et de méfiance mutuelle. Sans atteindre l’aboutissement d’un Le ruban blanc, ou même d’un Funny Game US, Caché est un film qui interpelle (pour peu d’y réfléchir quelques minutes pendant le générique de fin) et qui fait preuve d’une direction d’acteur assez fantastique, chacun jouant au ton parfaitement juste. Un joli travail que maître Haneke a encore accompli.

 

4.5/6

 

2003
de Michael Haneke
avec Daniel Auteuil, Juliette Binoche

 


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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 18:19

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Les films hippies sont relativement rares, quand ils ne vont pas à l’encontre dans cette philosophie (le marrant The tripper, le nerveux Manson Family). Loin de toutes ces exagérations, Easy Driver, sorti en 1969, est un cri du cœur, une bannière du mouvement hippie qui clame haut et fort son désir de liberté. Tourné par un Dennis Hopper qu’on n’attendait vraiment pas sur un tel terrain (mirez son rôle dans Massacre à la Tronçonneuse 2), le film laisse un peu dubitatif, avant d’emporter notre adhésion en ouvrant un côté plutôt spirituel, parlant au spectateur de la vie comme la ressentent les protagonistes. Pas d’analyse à faire, tout est là.

L’histoire : Après avoir passé de la drogue à la frontière mexicaine, deux hippies s’achètent des motos et partent sur les routes d’Amérique.

 

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Une histoire totalement linéaire, sans twist, qui coule comme de l’eau. C’est à ça que ressemble Easy rider, un voyage sur les terres d’Amérique en compagnie de deux hippies, vecteurs d’une philosophie simple de retour à la terre et de partage général. Ceux qui ne connaissent pas trop les aspirations de cette philosophie pourront combler leurs lacunes, pendant que ceux qui sont au courant pourront savourer toute l’honnêteté de la démarche de Dennis Hopper, qui essaye de nous faire voir un film initiatique. Filmant de longs segments de route en plein milieu de paysages naturels grandioses, il nous invite à faire un voyage et à nous interroger sur notre mode d’existence. Nous plongeant d’abord dans une communauté hippie, la caméra s’attarde sur différents aspects de la communauté, parvenant assez sobrement à illustrer un mode de vie simple sans faire passer ses protagonistes pour des bouseux amoraux. Le long métrage remportera notre adhésion en bonne partie grâce à la bande originale, reprenant de grands classiques de l’époque, maintenant devenu mythiques. Par l’intermédiaire de rencontres, nos hippies pourront dialoguer avec d’autres protagonistes, qui apporteront tous un peu à l’échange qui aura lieu chaque soir au coin du feu. C’est le personnage de Jack Nicholson qui se révèlera le plus sympathique, car étant celui auquel on s’identifie le plus facilement. Le type sympa au quotidien, qui tente l’expérience et qui accompagne quelques jours nos personnages principaux dans leur périple à travers l’Amérique. Il est assez étonnant de constater combien le film arrive à s’attirer notre sympathie, pour peu que l’ouverture d’esprit soit naturelle chez le spectateur. Ce film est une pure expérience, un échange comme un soir de discussion avec un ami de longue date. Ce qui n’empêche pas le film de nous secouer viscéralement avec un dernier quart d’heure dramatique, qui révolte avec une force rare. Un vrai cri en fin de bobine, qui clot le film un peu trop abruptement pour les messages positifs qu’il délivrait dans sa première partie, mais qui permet de prendre un vrai bain d’émotion pendant une heure et demie. Un régal.

 

5.5/6

 

1969
de Dennis Hopper
avec Dennis Hopper, Jack Nicholson

 

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 18:05

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Sean Penn est un réalisateur plutôt estimé par les critiques et le public en général, notamment depuis le (surestimé) Into the wild, au regard sur la vie classique mais bien mis en scène. Avec The Pledge, le réalisateur livre un polar classique dans les règles de l’art, et mise donc sur un casting plutôt haut de gamme (Jack Nicholson, Aaron Eckart, Benicio del Toro…). Mais si l’enquête débute comme un polar classique, elle vire bien vite sur le suivi de notre héros, de sa retraite, et se fixe uniquement sur ce personnage, en perdant de vue les ambitions qu’il s’était donné au départ. En résulte un film classique dans la forme, mais bien trop inutile dans le fond (on ne peut pas dire que c’est un divertissement) pour convaincre. Retour sur une petite déception.

L’histoire : Le jour de sa retraite, Jerry Black se porte volontaire pour une enquête sur le meurtre d’une mineure. Il fait la promesse solennelle de retrouver l’assassin en face des parents de la fillette.

 

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Dès le début du film, le ton est donné : on va nous propulser dans un polar classique, une affaire un peu scabreuse, qui va nous faire rencontrer des personnages et peut être nous faire voir des sentiments forts. On comprend alors le choix du casting, Jack Nicholson étant un acteur particulièrement crédible et charismatique (il emporte notre adhésion assez rapidement), ici épaulé par des seconds rôles fort convaincants. Son enquête personnelle le mène vite sur les traces d’un serial killer, alors que sa hiérarchie encore en place considère l’affaire close, le seul suspect potentiel s’étant suicidé après avoir fait des aveux. On part donc sur une enquête pépère, le vieux flic continuant son enquête au jour le jour, faisant au cours de ses sorties « pêche » de petits interrogatoires dans les patelins du coin, avant de s’installer dans une station service et de sympathiser avec une barman du coin. Le bon gars, quoi. Le problème du film, c’est qu’on ira jamais plus loin que cette façade de bon gars, qui deviendra bientôt protecteur d’une petite famille, et qui verra ses craintes du tueur pédophile ressurgir dans le personnage d’un prêtre parlant plusieurs fois à la fille de son couple. Si on voit ces tentatives comme une manière d’instaurer un certain suspense, on sera tous déçu par la fin. En effet, celle-ci, moralisatrice d’un côté, se révèle gentiment cruelle pour notre protagoniste, sans qu’elle soit vraiment justifiée. Or, dans ma vision du polar classique, la fin est d’une grande importance, et elle ne conclut ici sur rien. L’histoire s’ouvrait bien, et se conclut abruptement, en frustrant toutes nos attentes, sans compenser d’une autre manière (pas de message à retenir). Il ne reste que les interprétations des acteurs, certes convaincantes, mais qui ne développeront jamais leurs sentiments au-delà de ce que leur rôle impliquait. The pledge est donc un drame plat, sans grande saveur, malgré une réalisation plutôt compétente et quelques moments bien filmés (la course jusqu’à l’église). Relativement décevant pour ce que le projet avait comme potentiel.

 

2.5/6

 

2000
de Sean Penn
avec Jack Nicholson, Robin Wright

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 13:27

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Beaucoup de films ont été tournées sur l’Allemagne nazie, souvent avec un certain talent (l’excellent La chute), mais avec parfois plus d’approximation (Hitler, la naissance du mal). En tout cas, de petites productions ont pu s’exprimer aussi sur le sujet, comme ce méconnu Par delà le bien et le mal (traduction du titre original Good), sorti en 2008, s’appuyant beaucoup sur le talent de Viggo Mortensen. Ayant pour contexte l’émergence du parti nazi, et s’étendant jusqu’en 1942, on se focalise sur un homme, John Halder, dont une œuvre littéraire sur l’euthanasie sera remarquée par la chancellerie  et utilisée par le gouvernement. Peu à peu, le film montre comment un citoyen lambda, qui n’a jamais eu l’intention de faire le mal, se retrouve mêlé au gouvernement nazi avec un poste important et une réussite sociale fondée sur l’amoralité. Un très grand film dont le caractère intimiste a un peu limité le propos, mais qui s’attaque à décrire combien la collaboration est insidieuse.

L’histoire : en 1930, le professeur de littérature John Halder est convoqué par la chancellerie pour développer les arguments qu’il évoque dans son dernier roman, une fiction où un homme abrège les souffrances de sa femme malade. Il lui est proposé un poste à condition d’adhérer au parti nazi.

 

 


Œuvre troublante que ce Par delà le bien et le mal, qui a pour ambition de décrire combien il est facile de se retrouver dans le mauvais camp sans jamais avoir eu de mauvaises intentions. Le seul repère que nous pourrons avoir (du moins dans la première partie du film), c’est l’ami juif de John, un psychiatre qui va voir peu à peu son quotidien changer, et qui ne cessera de rabaisser moralement John pour son nouveau parcours social. Car c’est bien là que l’œuvre est insidieuse. Elle dépeint comment on pouvait acquérir un statut social enviable dans le troisième Reich. En faisant preuve de zèle, et avec quelques concessions, il devenait facile d’acquérir des avantages auxquels les populations civiles n’avaient pas droit. Le livre de Halder a plu au Führer. Il n’a qu’à écrire une thèse en développant l’idée de l’euthanasie, et il deviendra un consultant pour les décisions politiques et médicales qui seront prises sur le sujet. Il suffit juste d’adhérer au parti nazi pour cela. Qu’est-ce que c’est, au final ? Porter un pin’s sur une cravate, un ou deux petits saluts de ci de là, une bague à porter… Rien en comparaison d’un foyer agréable, d’une nouvelle femme fraîche et avenante, d’une situation financière stable. De minuscules concessions, et si je ne suis pas d’accord avec certaines décisions du parti, il suffit de me taire pour que tout continue. Et voilà John Halder qui se retrouve consultant pour diverses installations médicales, qui aide le gouvernement à prendre quelques décisions mineures, et qui vit une vie tout simplement idyllique dans un contexte de guerre mondiale. Le film va même plus loin en montrant combien il est facile de se rassurer et d’éluder toutes questions de morales pour un SS, en se murmurant de petites vérités pour en masquer des plus grosses. Suite à un attentat perpétré par des juifs, la fureur populaire force l’armée à appeler tous ses réservistes dans les rues pour maintenir l’ordre. Et là, Halder se retrouve sanglé dans un uniforme SS, totalement métamorphosé. Toutes ses appréhensions refont surface, et sa nouvelle compagne les calme en lui susurrant qu’il va maintenir la paix ce soir, qu’il va protéger la population, qu’il est admirable. Avant de partir sur le fétichisme induit par l’uniforme et de le satisfaire avant son départ. Par delà le bien et le mal décrit la facilité que l’individu (ayant un minimum d’importance) a à améliorer sa situation par une complicité passive. Et ce n’est qu’au cours d’un final traumatisant que John se rendra compte de son erreur, en inspectant un camp et en retrouvant son ami, complètement déshumanisé après seulement quelques jours dans son camp. Arrivant en un long plan séquence à capter le vide chez les prisonniers, et à contempler pendant quelques minutes un orchestre improvisé de détenus, le film parvient à mettre un allemand totalement honnête dans ses intentions en face de ce que sa contribution passive a contribué à mettre en place. Le film n’est cependant pas sans quelques défauts. La vie de famille de John ne sera pas assez développée pour que l’on ressente vraiment son abandon lorsqu’il s’installera avec son aryenne. De même, John s’occupera très souvent de sa mère, vieille femme atteinte de tuberculose et souffrant de la maladie d’Elsheimer. Certes, on comprend sa présence (elle permet de comprendre pourquoi John a médité sur l’euthanasie, et sert aussi d’antithèse, John luttant pendant tout le film pour la faire survivre le plus longtemps possible). Mais elle apparaît trop souvent, sa personnalité est un peu trop développé, ce qui a pour conséquence de rallonger le récit au lieu d’aller à l’essentiel. Enfin, la facture technique, un poil trop télévisuelle. Mais ces défauts mineurs ne doivent pas éclipser un contenu vraiment intéressant (abordé avec un tact qui atténue parfois les émotions, mais qui laisse clairement passer le message), en nous offrant son lot de scènes glaçantes (John, sans compétences médicales, se retrouvant dans le quartier des handicapés mentaux, en face d’un médecin lui demandant son avis sur leur euthanasie). Un film modeste, d’une excellente qualité et qui mérite le soutien de la communauté cinéphile.

 

4.5/6

 

2006
de Vicente Amorin
avec Viggo Mortensen, Jason Isaacs

 

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 12:55

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Sur le thème de l’addiction aux drogues, Requiem for a dream fait figure de référence incontournable, dépeignant avec une amoralité crue le parcours de quatre personnes, chacune accros à un type de drogue. Cependant, d’autres sont allés plus loin dans la peinture glauque de l’addiction. Le film allemand Moi, Christiane, 13 ans, droguée, prostituée est d’une autre trempe, moins dramatisé (la musique faisait beaucoup dans Requiem) mais beaucoup plus réaliste, captant du même coup une certaine authenticité dans son portrait d’une jeunesse junkie condamnée à se prostituer pour pouvoir avec son fixe de l’heure. Cruel, mais sonnant terriblement juste.

L’histoire : Christiane, 13 ans, sort en boîte pour la première fois avec sa meilleure amie. Elle y teste son premier shoot et rencontre un jeune garçon, qu’elle tente de revoir le lendemain.

 

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Avec une lumière blanche crue et une prédominance de noir dans bien des scènes, le film est sombre jusque dans sa photographie. C’est simple : on sent tout de suite la patte du film allemand trash tourné en pellicule. Et celui-ci part sur des bases terriblement réalistes. Avec une vie de famille plutôt tendue, Christiane est isolée dès le début du film, et ne vivra qu’avec les fréquentations qu’elle découvrira par elle-même : des jeunes d’une boîte de nuit branchée, tous accrocs aux drogues dures. S’ensuivront des concessions de plus en plus importantes de la part de Christiane, qui se plonge peu à peu dans le monde de la défonce pour « être sur la même longueur d’onde » que celui qu’elle aime. Une descente aux enfers qui n’en finit pas de descendre, abattant ses bonnes cartes (vol, prostitution) aux bons moments. L’intrigue évolue sans cesse et prend à la gorge, surtout quand on a déjà pu avoir vent de situations équivalentes (l’excellent Amsterdam Zombie de Cizia Ziké, bouquin encore plus trash que ce film). Climat dur, protagoniste s’imposant une prostitution afin d’aider financièrement son petit copain (qui restera toujours concentré sur ses rentrées d’argent pour acheter sa came), décors puant presque au travers de l’écran, la crasse qui imprègne le film s’accumule sans arrêt, à force de situations jamais exagérées, mais toujours aussi révoltantes. Sans spoiler la fin, on retiendra du film qu’il est un hommage, et une reconstitution du milieu brillamment réussie, tant son immersion est profonde et sans espoir (le pire/meilleur passage étant la tentative d’arrêt, une scène particulièrement gerbante). Un drame qui réussit avec peu de moyens à nous emmener aussi loin, c’est trop rare pour être ignoré.

 

5/6

 

1981
de Uli Edel
avec Natja Brunckhorst, Thomas Haustein

 

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 10:41

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Digne héritier du célèbre mais controversé Middnight express, Au nom du père fait partie de ces drames qu’un cri de révolte anime de long en large. Une longue plainte, qui implique totalement son spectateur et le plonge dans la tourmente qui malmène les individus que l’on suit. Quand ces thématiques s’entrechoquent avec un sujet aussi délicat que l’IRA et le terrorisme, le cocktail ne peut qu’être détonnant avec un réalisateur de talent. Coup de bol, c’est ici le cas.

L’histoire : Gerard Conlon, un jeune irlandais voleur à ses heures perdues, est accusé d’avoir participé aux attentats de Guilford. Lui, trois de ses compagnons et deux de ses parents sont condamnés et emprisonnés alors qu’ils clament leur innocence.

 

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Commençant son film par un portrait assez amer du climat des rues en Irlande (patrouilles militaires, jeunesse désœuvrée se mettant dans l’illégalité, cache cache entre anglais et IRA…), le réalisateur commence fort son film, avec une scène d’émeute où le peuple irlandais clame fort son désir d’indépendance. Le portrait qui nous est fait de Gérard Conlon a alors tout pour s’attirer notre sympathie (pas pourri, mais rock’n roll et en marge de la société comme de la légalité). En se mettant à dos un hippie assez roublard, il déclenche un mécanisme bien rodé, ce hippie le dénonçant comme suspect potentiel dans l’affaire des attentats. Après un procès vite expédié devant les médias, les sentences tombent, à la fois sur Gérard, ses amis et deux de ses parents. L’enfer de l’injustice peut donc commencer pour eux, ces derniers étant chargés de lourdes peines (Gérard et sont ami seront déclarés prisonniers à vie). Avec le quotidien d’une prison anglaise, le climat est plutôt tendu avec ces arrivants irlandais. Cependant, les situations iront toujours moins loin que les excès de violence auxquelles nous avons été habitué lors de représentations du milieu carcéral (le seul petit défaut du film). Ce qui va nous intéresser, l’enjeu du film, c’est la lutte. Si Gérard passe d’abord par une étape « blasé », il a bientôt le choix entre deux types de lutte. La lutte juridique, que son père défendra pendant toute sa période de captivité, ou la lutte par les hommes, à l’échelle de la prison. On suivra l’évolution du personnage, qui choisira d’abord la deuxième option, se retrouvant dans une large bande d’irlandais, parmi lesquels il rencontrera le véritable poseur de bombe. Mais les limites d’une telle lutte étant représentées lors de la scène de projection du film, on se tournera bientôt la première, la plus frustrante et la plus ardue, tant l’erreur judiciaire est énorme et tant les autorités ignorent royalement les requêtes de nos héros. Une guerre des nerfs dont la frustration frappera le spectateur à chaque plan, et qui réveilleront en lui de ces rages qui donnent envie de faire bouger les choses. Sans dévoiler l’issue du combat (pour tout spoiler, s’adresser à l’Histoire), le film prend aux tripes et nous engage dans la mêlée sans que nous y soyons particulièrement conviés. Un film qui parle, même après plus de trente ans, et qui continue d’être efficace. En deux mots, un drame poignant.

 

5/6

 

1993
de Jim Sheridan
avec Daniel Day-Lewis, Pete Postlethwaite

 


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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 10:22

http://lookingforsomehope.files.wordpress.com/2009/12/affiche_johnny_mad_dog_haute_def.jpg

 

Le thème des enfants soldats a rarement été abordé par le cinéma, et toujours sous l’angle du drame. Johnny Mad dog, c’est en quelque sorte une nouvelle approche du sujet, en l’attaquant sous un angle plus axé sur leur parcours, sur leur combat au quotidien. Plutôt que de parler du thème en général, on l’attaque en suivant un des jeunes guerriers : Johnny Mad Dog, combattant d’élite n’ayant pas la vingtaine, ayant su gagner le respect de son chef. Un drame qui se la joue guérilla, c’est un spectacle trop rare pour en perdre une miette.

L’histoire : le parcours de Johnny Mad dog et de ses compagnons d’armes, rebelles au service d’une cause floue et dirigés par un général qui se voit déjà dictateur.

 

http://media.paperblog.fr/i/76/766527/johnny-mad-dog-film-transe-L-2.jpeg


Plutôt que de filmer le tétanisant cri des civiles pris entre deux feux, le film aborde clairement la question des enfants soldats sous un angle tribale, en fonctionnant sur un rythme de guérilla, avec des gunfights plus conséquentes que celles habituellement montrées dans des productions de ce calibre. Pour autant, si le film s’offre le luxe d’un peu d’action qui dynamise une histoire plutôt light (relativement peu de personnages importants, des parcours très simples…), il n’oublie jamais son thème de base, à savoir le rapt d’enfants dans des villages, qui sont immédiatement embrigadés dans un contexte guerrier auquel ils n’étaient pas promis, et par lequel ils vivront le reste de leur vie. L’introduction, la mise à sac d’un village, l’exécution arbitraire de quelques habitants et le recrutement traumatisant des gosses (obligés de faire feu sur leurs parents pour entrer dans les rangs des rebelles), tout est fait pour que le choc soit massif dès le début du film, et que le spectateur comprenne immédiatement les intentions du réalisateurs. Si l’action va être développée, elle n’est en aucun cas distractive. Cette sensation sera renforcée par une musique qui se focalise sur des ambiances assez lourdes, avec des plans contemplatifs dispersés ça et là. On comprend bien vite que la cause que défendent les rebelles est on ne peut plus bancale, ces derniers vivant tout simplement de pillages et de meurtres, l’unique chose qu’on leur ait toujours demandé de faire (à aucun moment, ils n’envisagent de changer leurs usages, du moins pas collectivement). L’exemple le plus frappant sera l’attaque d’un complexe télévisuel civile, acte purement gratuit qui ne fera avancer en rien la position des rebelles (le bâtiment n’est pas pris, il est totalement rasé). Au milieu de ce quotidien violent, quelques scènes sont à retenir, comme la préparation des enfants, drogués pour entrer en transe, avant de leur faire croire à l’immortalité en leur tirant dessus avec des balles à blanc. Seulement, si le début et les scènes d’actions sont plutôt marquantes (sans s’imaginer qu’elles vont défier celles d’un Black Hawke down), l’histoire ne dit pas grand-chose de plus que ce qu’elle montre. Une fois que la guérilla dans la capitale commence, elle perdure pendant une bonne partie du film, jusqu’à ce que Johnny Mad dog découvre enfin qu’il n’est qu’un pion dans le jeu du général, et qu’il n’aura jamais rien des vagues illusions qu’on lui avait promis pendant le conflit armé (ses dernières missions seront de protéger du riz promis aux civils qu’il a constamment dépouillé au cours de sa campagne militaire). Si les messages sont clairs, ils sont un peu trop diffus dans ce récit inégal, parfois lent, mais toujours immersif. Avec un trait d’humour dans le lot (un chuck norris fact, pourrait-on dire), on ne va pas dire que ce film respire la joie, mais le portrait violent de l’Afrique qu’il fait reste assez convaincant pour tenir tout le film. Intéressant, mais on ne tient pas encore un chef d’œuvre.

 

4/6

 

2007
de Jean-Stéphane Sauvaire
avec Christopher Minie, Daisy Victoria Vandy

 

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 15:00

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Asia Argento, fille de Dario, actrice italienne reconnue qui a décidé de passer à la réalisation avec des œuvres assez personnelles (on se rappelle du traumatisant Le livre de Jérémy), a entamé sa carrière avec Scarlet Diva, l’histoire d’une actrice italienne qui décide de devenir réalisatrice. On sent un parfum d’autobiographie derrière cette œuvre, mais on se réserve le droit d’en douter au vu du contenu du film.

L’histoire : Anna Battista, actrice connue pour ses rôles et la légèreté de ses mœurs, souhaite passer à la réalisation dans sa carrière et tombe amoureuse de Kirk Vaines, un chanteur en tournée à Paris.

 

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Film pensé pour être coup de poing, Scarlet Diva fait hélas l’erreur de bien vite s’égarer, distribuant sa violence à tort et à travers sans qu’elle ait forcément de « justification autre que sa propre présence ». En gros, il y a de la violence et c’est tout, sans qu’il y ait de messages, seulement les déboires de l’héroïne que nous suivons. Anna Battista est une actrice de 23 ans, glamour, type Lolita, qui dit à qui veut l’entendre que les actrices italiennes sont traitées comme des putes, et qui s’assume elle-même comme telle. Dès que ces bases sont assimilées par le public, ce dernier a à peu près compris la moitié du film, et subira beaucoup de situations peu utiles où Anna, qui garde constamment des réflexes d’allumeuse, tente d’abandonner son étiquette, alors que ses interlocuteurs la considèreront toujours comme la poupée humaine qu’elle a toujours été. Intéressant de parler du cinéma sous cet angle, mais la répétition de certaines situations (récurrence d’un réalisateur lubrique qui veut à tout prix la sauter, réalisateur camé jusqu’à l’os, visiteuse inconnue qui vient seulement se faire jouir…) lasse vite, trahissant une certaine vacuité du propos, Anna servant surtout de kleenex humain à bon nombre de personnes. Ainsi, si certaines séquences façonnent un caractère (la jeunesse d’Anna, entre une mère actrice ratée et un frère incestueux), la violence qu’elles emploient semble aussi gratuite, ou en tout cas utilisées avec trop peu de délicatesse pour affiner le portrait ou servir le message. Anna comprendra donc bien vite qu’elle ne peut monter son projet professionnel qu’en solo, ce qu’elle fera, le film s’achevant sur la rédaction complète de son script et l’acceptation de la fin de son amour et de la vie de son enfant. Une mise en abîme assez profonde, Asia ayant suivi un parcours professionnel similaire et jouant le rôle d’Anna, mais qui n’ira pas plus loin qu’une impression d’autobiographie. Ce n’est pas la vie d’Asia, mais on en ressent un arrière goût. Le deuxième « thème » du film, c’est l’amour brisé avec Kirk, un chanteur plutôt cool qui lui demande de passer une nuit de son concert avec lui. Alors que la première partie du film détruisait l’amour en montrant Anna comme une voltigeuse passant d’un plan Q à un autre et son amie Véronica victime d’un amour maladif pour un cagoulos qui la bat, celui-ci renaît d’un coup au milieu d’un concert, et modifiera radicalement les décision d’Anna par la suite (avec notamment le choix de ne pas avorter). Détail notable, l’éclairage du concert, bleu turquoise et rouge, sera réutilisé pour la séquence de bad trip au cours d’une séance photo où Anna camée jusqu’aux yeux se noiera presque dans une piscine. Bref, c’est l’amour qui fait changer les individus. Sauf qu’il n’y a qu’Anna qui est amoureuse, et que son étalon passe son temps autour du monde et qu’il est marié. C’est donc le drame et la désillusion tel qu’on les connait, mais ave ici une mise en scène un peu énervée qui essaye d’innover par des scènes brut de décoffrage (sans être démesurément violent, on est dans le trash assez régulièrement). Au final, Scarlet Diva est un drame assez commun, sans but autre que de nous faire part du parcours de son héroïne, qui changera un peu de ci de là, sans pour autant nous faire progresser nous. Un drame inutile qui rassure sur le plan des déboires individuels (car elle s’en prend quand même des sévères), mais qui n’ira jamais plus loin. Dispensable, mais un premier film qui laisse déjà apparaître les tendances de la réalisatrices. A réserver aux fans d’Asia.

 

1.5/6

 

2000
de Asia Argento
avec Asia Argento, Jean Shepard

 


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26 septembre 2011 1 26 /09 /septembre /2011 07:50

 

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Bong Joon-Ho nous a prouvé avec son petit bijou The Host qu’il pouvait faire un film à la fois divertissant (revival de Godzilla) et intelligent (l’ingérence des USA qui font pression sur des gouvernements pour nettoyer leurs déchets à leur façon). Avec Mother, il se livre à un tout autre exercice de style, celui du drame profond, viscéral, en dressant le portrait d’une mère et de son fils handicapé. D’une profondeur qui touche, le film, long de deux heures, foudroie par son intelligence, et s’inscrit directement comme l’un des meilleurs drames de la décennie 2000. Dire qu’un tel film n’a pas eu la récompense adéquate…

L’histoire : Une mère pauvre veille avec beaucoup de soin sur son fils Doo-jun, handicapé mental léger. Ce dernier est bientôt accusé du meurtre d’une étudiante, avec pour seule preuve une balle de golf qui porte son nom. Sa mère se retrouve rapidement être la seule capable de le défendre et de mener l’enquête, son fils ayant signé des aveux sans y avoir réfléchi.

 

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Drame viscéral, car l’amour maternel pour sa progéniture n’a jamais été dépeint aussi finement dans un film. L’interprète principale est tout simplement sublime dans son rôle, portant le film sur ses vieilles épaules, avec son personnage de mère élevée à la dure qui parvient à peine à subvenir aux besoins de sa famille, en pratiquant des activités illégales de surcroît. L’authenticité naît de la sobriété de la mise en scène, de la simplicité des situations et des personnages. Point de twists à l’horizon, l’intrigue évolue d’une façon on ne peut plus classique, avec une enquête qui ne contient que peu d’indices, et une femme déterminée qui cherche partout des indices. Elle en viendra même à se payer les services d’un ami d’Doo-jun pour mener un interrogatoire illégal assez brutal. Ce renoncement progressif à ses principes, Bong Joon Ho en fait un exposé des plus détaillé, la mère acceptant de s’endetter puis de recourir à des méthodes plus violentes pour obtenir la vérité. Si le rythme de l’enquête n’est pas toujours très rapide, les personnages sont dépeints avec un classicisme et un sens du détail qui paye indubitablement (on se souvient de chacun d’eux). Rien à redire sur l’enquête, ce sont les conclusions qui font vraiment décoller le film et qui l’élèvent au rang de chef d’œuvre (mais faut arrêter de lire à ce niveau si vous n’avez pas vu le film). En effet, le réalisateur va jusqu’au bout de son discours sur l’amour filial en refusant tout simplement la vérité des faits, et en faisant basculer d’un seul coup la situation d’une manière totalement inattendue et qui parle carrément avec ses tripes. Après cette scène tétanisante, le reste du récit bascule dans une ambiance délicieusement dramatique, la force des sentiments se sentant dans chaque plan, parfois avec une cruauté qui va droit au cœur (la remise finale de la boîte d’acuponcture). Cette scène, où la mère se retrouve face au condamné (innocentant du même coup son fils), en apprenant qu’il n’a pas de mère (et donc personne pour le défendre) et fond en larme, est tout simplement déchirante. Avec une conclusion aussi profonde, Mother peut s’avancer comme un des drames les plus réussis de notre époque, universel et admirablement réalisé. Tout simplement un de mes gros coups de cœurs dans le domaine du drame.

 

6/6

 

de Bong Joon-ho
avec Kim Hye-Ja, Won Bin

 

http://blogmedia.dramafever.com/wp-content/uploads/2010/02/mother-movie-poster.jpg

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7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 14:00

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Les réalisateurs espagnols nous ont souvent offerts des petites merveilles en allant bosser à l’étranger (The constant gardener, 28 semaines plus tard…), sans toutefois qu’on crie au chef d’œuvre. Mais ça, c’était avant de voir Les fils de l’Homme. Œuvre d’anticipation particulièrement réaliste, au postulat ingénieux et particulièrement révélateur d’un visage de l’humanité, Alfonso Cuaron brosse un portrait gris et sombre d’une société qui se réfugie dans le totalitarisme pour conserver un minimum d’ordre. Des partis pris ambitieux, des enjeux humanistes et des instants de pure contemplation… Les fils de l’Homme est un grand film sous bien des aspects.

L’histoire : 2027, le monde s’est effondré suite à la stérilité de toutes les femmes du monde. Téo, citoyen britannique toléré par la dictature en place, est contacté par les poissons, un groupe terroriste, pour convoyer une femme de la plus haute importance.

 

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Formellement, le film fait déjà preuve d’une cohérence qui force l’admiration en termes d’ambiance. Jamais la grande Bretagne n’a autant ressemblé à une dictature. Une ambiance grise omniprésente, des cadrages qui dévient peu à peu des protagonistes pour s’attarder sur des détails révélateurs du désespoir ambiant (l’omniprésence de la police, le sort des réfugiés, les bûchers…). On nous brosse un futur hypothétique ultra crédible (les technologies sont à peine plus évoluées que maintenant), et les spéculations faites sur l’humanité en pleine période de crise font mouche régulièrement. C’est d’ailleurs ici que réside le parti-pris le plus casse-gueule du film : il persiste à rechercher l’humanité dans ce qu’elle a de plus vil : la xénophobie, le terrorisme, les conflits armés… En affichant cette crasse et ce désespoir, le film aurait pu facilement basculer dans le misérabilisme ou dans le pamphlet anti-humain outrancier. Mais l’interprétation au millimètre des protagonistes (Clive Owen, mais aussi ) permet de dépasser le stade de la misère humaine et de révéler au grand jour les sentiments que les humains peuvent éprouver même dans ces moments noirs de leur existence. Ce drame cerne avec une grâce totale la capacité des humains à changer du tout au tout dès que l’espoir peut renaître. Si l’illustration est globalement en défaveur de la nature humaine, c’est parce que celle-ci est dans une situation catastrophique, et que l’absence d’espoir l’a totalement déshumanisée. Ce qui explique la multiplicité des dérives que nous serons amené à constater : intégrisme religieux, terrorisme, repentants, répression policière… Conséquence : la fin arrive comme une conclusion merveilleuse, concluant merveilleusement sur une note d’espoir, celle qui manquait à l’humanité du film. L’évolution des protagonistes en général est elle aussi assez révélatrice d’une certaine part d’humanité. Téo a la quarantaine bien sonnée, il est cynique et tente de survivre sans histoire ses dernières années. Mais la découverte de Kim et de l’enfant qu’elle porte va peu à peu réveiller des instincts paternels qu’on ne soupçonnait plus chez lui. De même le nouveau chef des poissons tentera tout pour récupérer l’enfant, autant pour s’en servir de bannière politique que pour le rassurer sur son humanité intacte (son déchirant discours en pleine gunfight). Quant à Jasper, il conservera jusqu’au bout son comportement satyrique (avec sa vision de caricaturiste bourré d’ironie permettant de faire face à la situation quotidienne avec un certain recul). En bref, chaque personnage est travaillé, ce qui nous permet de les comprendre avec une réelle empathie, et donc d’apprécier à leur juste valeur leur sacrifice à la cause. Le drame parvient également à transcender son discours en dynamisant son récit au maximum avec des scènes de suspense réalistes et particulièrement immersives (la caméra à l’épaule parvient par moment à capter une intensité que peu de films ont su retranscrire, les long plans séquences n’y sont pas étranger). L’armée n’y va pas de main morte, aussi les 20 dernières minutes du film concurrencent sans peine le final d’Il faut sauver le soldat Ryan. Combinant suspense et portrait de l’humanité, Les fils de l’homme est tout simplement un indispensable, un drame particulièrement énervé et efficace, qui sait révolter autant qu’émouvoir (les terroristes et les forces de polices ne tardent pas à être sur un pied d’égalité), et rend parfaitement justice à l’humanité en ne la privant jamais de ses sentiments. Un chef d’œuvre.

 

6/6

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