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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 19:53

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Si dans la filmographie trash de Joerg Buttgereit, nombre de ses films abordaient le thème de la mort (pratiquement tous), il existe une exception qui a de quoi intriguer, puisqu’elle doit être l’œuvre la plus trash de Joerg : Schramm. Schramm, c’est la plongée sans recul dans le quotidien frustrant d’un psychopathe : le tueur au rouge à lèvre. Un tueur en série comme un autre, tuant principalement des femmes avant de coucher avec leur cadavre. Bien que Maniac de Lustig lui reste supérieur, Schramm vaut le détour en se démarquant de son confrère américain, car si dans Maniac les meurtres avaient pour origine une mère castratrice, Schramm ne s’embarrassera jamais d’explication sur les motivations de son tueur, et collera au plus près de ses fantasmes. En fait, Schramm est à ma connaissance l’unique film tentant de faire du contemplatif avec un tueur en série. Encore un tour dans le manège dérangé de Joerg Buttgereit, et peut-être le dernier sur ce blog.

L’histoire : le quotidien d’un tueur de femmes qui garde pour unique souvenir leur tube de rouge à lèvre.

 

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Dès son générique, Schramm essaye de planter une ambiance de contemplation en face de son personnage (impressionnant), qui vit un quotidien particulièrement vide, où la frustration fait partie des meubles. Joerg rend son univers froid au possible par l’usage d’un style dépouillé, qui se focalise uniquement sur le personnage de son psychopathe, dont il saisit constamment l’isolement. C’est bien simple, même quand il dialogue, le personnage semble seul, condamné à rester incompris jusqu’à la fin de ses jours. Et c’est là que le film se révèle atypique. Si la majorité des films de psychopathes tendent à donner une explication à la personnalité de leur tueur, Scramm ne se lance jamais dans de tels discours, et va même jusqu’à épouser complètement le point de vue de son tueur. La violence n’est plus prise avec distance, elle est carrément filmée comme le tueur est en train de la voir. C’est de là que vient le côté perturbant (et artisitique) du film : il y a des moments où le spectateur a dû mal à comprendre ce qu’il voit, parce qu’il a actuellement la vision d’un psychopathe sous les yeux. Sinon, comment interpréter la scène d’un viol superposé au plan calme d’un océan et à une musique électro se voulant apaisante ? Comment expliquer une scène de valse avec la femme de ses désirs arrivant à l’improviste ? La vision du quotidien du personnage est régulièrement déconnectée de la réalité pour partir dans des directions qui touchent directement à l’imaginaire du tueur (la séquence gore chez le dentiste est clairement une crainte irrationnelle), et qui par conséquent ne prend donc pas ses distances avec son sujet. Une audace particulièrement couillue qui peut très facilement être retourné contre lui (de par son essence, le film est immoral), mais qui relève du jamais vu au cinéma. Le film tente toujours de faire ressentir son film au spectateur, qui a dès lors une fenêtre ouverte sur son protagoniste tentant de trouver le bonheur auprès d’une prostituée qui le considère comme un ami. Et comme Joerg est un auteur, il expérimente à outrance. Certaines idées sont clairement des réussites (la séquence de la poupée gonflable, abominablement trash, résume en 2 minutes une vie entière de frustration sexuelle), le film osant même s’aventurer dans des symboles cronenbergiens (le tueur a des visions gores de son corps partant en morceaux et d’un vagin à dents assez immonde), mais clairement, le film a aussi de bons défauts. Il est notamment assez redondant, n’hésitant à utiliser deux fois, voire trois la même scène à différents moments du film (relativement court : 1h05), parfois sans apporter vraiment du neuf. Si la vision d’un psychopathe a de quoi déstabiliser, elle est aussi capable de lasser un peu son public. Le film annonçant la mort de son protagoniste dès le début, la fin pourra néanmoins surprendre pour son côté nawak. Notre tueur se retrouve dans une étendue de brume, et là arrive un personnage portant une couronne d’épine (le christ, donc) qui lui colle une baffe tonitruante. La scène arrive tellement à l’improviste qu’on hésite à éclater de rire, devant une conclusion aussi morale après un tel spectacle. Clairement, il ne faut pas la prendre au sérieux, et voir le film comme un concentré de trash, une œuvre malade filmée par un réalisateur qui ne prend aucune distance avec son sujet, mais qui a suffisamment fois en lui pour livrer un film d’auteur et pas une daube type violent shit. Moins révolutionnaire que Nekromantik, mais Joerg a toujours des choses à dire.

 

4/6

1993
de Jörg Buttgereit

 

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 19:38

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Parlons maintenant, pour changer, d’un autre film de Uwe Boll : Seed. Un film qui se situe dans la période charnière de Uwe, puisqu’il commence pendant cette période à réaliser des films plus personnels, tout en honorant les commandes qu’il reçoit (le désastreux Bloodrayne 3). Après un Stoic raté (car au final, on est tellement peu impliqué par le film qu’on s’en fout un peu), mais montrant déjà une volonté de la part d’Uwe Boll de se confronter à des drames humains sérieux (ici le suicide en prison), Boll se lance dans Seed, un film vraiment malade qu’il a souhaité le plus malsain possible. Et ses ambitions, si elles ont été mal servies par un style toujours trop DTV (montage épileptique, caméra à l’épaule tremblotante…) et une censure qui a vraiment freiné le malsain du film (si un director’s cut sort, il se pourrait bien que j’en reparle), Uwe parvient à montrer toute la rage qu’il éprouve en face du problème de la peine de mort.

L’histoire : Seed, un psychopathe particulièrement glauque, attend dans le couloir de la mort. Le jour de son exécution, malgré trois tentatives, le condamné est toujours vivant (mais dans le coma). Le directeur de la prison décide alors de l’enterrer vivant.

 

http://s.tf1.fr/mmdia/i/90/2/3656902grpuc.jpg?v=1


Boll souhaitait faire un film nauséeux, il a réussi son pari. Avec Schramm, il doit être l’un des films de psychopathe les plus trashs qui existent à ce jour. Notamment avec un concept très simple : celui des plans séquences montrant des corps organiques pourrissant. Le passe-temps de Seed, c’est de faire ce genre de vidéo, montrant d’abord des légumes pourrissants, puis des animaux pourrissants, avant de passer aux hommes. Véritable malade qui n’a rien à envier à Leatherface, il est finalement arrêté par la police et condamné à mort. Sa détention  se passe assez mal, les gardiens ne cessant de le harceler. Puis viendra enfin l’exécution, ratée pour des raisons de vétusté de la chaise, mais enterrée par le directeur, qui souhaite en finir définitivement avec le problème. Il fait alors pression sur le docteur pour que Seed soit déclaré décédé, et le fait enterrer vivant alors que ce dernier est dans le coma. Une décision aussi absurde que la loi déclarant qu’après trois essais de peine de mort infructueux, le détenu peut être gracié. Seed finit par revenir à lui et parvient à s’échapper de la prison, décidant de se venger de ceux qui l’ont capturé et condamné à crever dans un trou. Voilà un synopsis conséquent, que Boll exploite certes pour critiquer la peine de mort (les détenus sont du côté de Seed), mais avant tout pour faire du trash. C’est là que le film se perd un peu, car si ses ambitions politiques étaient claires au début du film, ce dernier s’en déleste dans sa seconde moitié, s’attachant à suivre la vengeance de Seed à la fois sur ses bourreaux, mais aussi sur le flic honnête qui l’a capturé et sur sa famille. Si on sent que la censure a coupé dans le vif des scènes bien glauques, il reste un gore malsain que n’aurait peut être pas renié Rob Zombie, et un des finals les plus nihilistes qu’on ait pu voir pour un film de cette trempe. Je pense qu’Uwe Boll s’est tout simplement laissé aller pour la conclusion de son histoire, qu’il a essayé de rendre la plus trash possible afin de bien marquer les esprits. Le message sur la peine de mort étant clair, la fin aurait été plus un moyen de se souvenir du film de façon indélébile. Un procédé racoleur qui ne porte pas vraiment ses fruits (on part juste dans une vengeance immorale), mais qui contribue à épaissir l’ambiance du film, qui doit être clairement le plus nihiliste de toute la filmographie d’Uwe Boll (Amoklauf est de la petite bière à côté). Un trip profondément malsain et torturé, qui montre une fois de plus que Boll est en train de s’essayer à autre chose avec un sérieux inébranlable. Avec des interprètes plutôt impliqués (dont une Jodelle Ferland qui fait plaisir au milieu de toute cette glauquerie), c'est un film mineur qui reste toujours intéressant à voir, au moins pour se rendre compte que Boll évolue. Mais l'interdiction aux moins de 16 (ou 18, je ne sais plus) n'est pas usurpée.

 

3/6

2007
de Uwe Boll
avec Will Sanderson, Ralf Moeller

 

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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 21:38

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Avec Der Todesking, Joerg Buttgereit s’attaque à un sujet de taille : la Mort. Son Nekromantik abordait déjà la question en restant sous un angle très métaphorique (notre héros jonglant avec des morceaux de corps dans une nature complice : la mort comme partie intégrante de la vie), mais ici, on se focalise vraiment sur le morbide dans une sorte de film à sketchs, sensé illustrer plusieurs visages de la mort, et de ceux qu’elle va frapper. N’ayant pour seule limite que son maigre budget, Der Todesking est une œuvre profondément trash, sorte d’album torturé des pensées de Joerg Buttgereit, qui aborde ses obsessions, tout en restant prompt à partir sur les sujets qui le mobilisent d’habitude (la violence, la vie, l’amour…).

L’histoire : Pendant une semaine, la caméra film la décomposition d’un corps, alors que chaque jour est illustré par une brève histoire-concept.

 

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Joerg commence direct ses portraits morbides par un homme solitaire, la quarantaine, qui vit seul dans un minuscule appartement, dont le quotidien éprouvant va le pousser peu à peu au suicide. Joerg se montre d’une ingéniosité remarquable dans sa conception de l’histoire, cette dernière se résumant presque à un seul plan séquence : la caméra posée au centre de la pièce, tournant à une allure régulière et montrant plusieurs activités du célibataire (repas, ménage, loisir…) sans la moindre interruption et toujours à la même allure. Un cycle interminable qui le conduit finalement à ne plus rien attendre de la vie et à se pendre dans cette même pièce (entrainant à postériori la mort du seul être qui dépend de lui : un poisson rouge). A ce titre, il est intéressant de noter la redondance fréquente du thème du suicide dans cette œuvre, toujours vue sous l’angle d’une libération de l’individu. Au moins quatre jours de la semaine l’aborderont. Un autre jour, ce sera une femme seule qui constatera l’amour de ses voisins d’en face, avant de lire une lettre d’une secte prônant le suicide comme libération de l’âme, et de découvrir que le couple qu’elle observait a reçu lui aussi cette lettre et a décidé de se supprimer. Le film se permettra aussi un hommage aux suicidés assez intéressant, car il filme simplement un pont de béton tout ce qu’il y a de plus laid, en énumérant les noms, âges et professions de tous ceux qui s’en sont jetés. Aucun corps, mais une architecture massive et un silence religieux, qui crée peu à peu une dimension métaphysique, faisant de ce pont un arche funèbre, une porte vers l’au-delà que beaucoup ont pris (et cela quelque soit leur âge, leur nationalité ou leur profession). Cette généralisation du suicide doit être le trait le plus frappant de l’œuvre, tant il semble être objet de libération. Sur ce point, Joerg livre un film complètement amoral (immoral même, si on considère pour acquis que le suicide est mauvais), mais sa recherche de spiritualité dans le macabre parvient peu à peu à créer la dimension métaphysique qu’il recherchait, à savoir l’apparition de vie là où l’on ne voyait que la mort. Le plan séquence en accéléré du cadavre en putréfaction (un faux, rassurez-vous) est surtout là pour ça : d’un cadavre stérile, on passe peu à peu à une masse grouillante de vie, un mini-écosystème (belle appellation pour une charogne puante), humus nécessaire à la perpétuation de la vie. Une sorte de poésie macabre, résumée par un poème énoncé par un enfant (la vision des enfants en face de la mort est un point intéressant de l’œuvre, tous les adultes essayant de chasser ces pensées de la tête de leurs bambins dès qu’ils en parlent). Joerg s’attachera aussi à illustrer l’attirance des hommes pour la violence, avec une petite histoire où un gars loue un torture porn nazi dans un vidéo-club (la belle époque…), avant que sa femme ne débarque chez lui pour l’engueuler, et qu’il l’abatte d’une balle sans sommation. Deux images fortes s’imposent alors : ce type violant fixant un cadre vide sur l’immonde trace de sang maculant le mur, et la mise en abîme finale, où l’on se rend compte que le meurtre auquel on vient d’assister est une mise en scène qui passe à la télé, et que les télé spectateurs sont en train de se pendre face à ce spectacle. Encore une vision libératrice du suicide, seule réponse en face d’une société malade. L’œuvre s’intéressera aussi à ceux qui sont fascinés par la mort, sous l’angle d’une femme psychopathe qui se lancera dans une fusillade aveugle de citoyens allemands. Sans entrer dans les détails, l’œuvre de Buttgereit, pour peu qu’on supporte les films d’auteurs trashs, est assez développée pour nous faire entrevoir différents concepts philosophiques concernant la mort, positive selon lui (libératrice), et nous offrant plusieurs tableaux morbides, parfois dépressifs, mais dont les idées pourront toucher (ou pas) leur auditoire. Le film relevant du jamais vu, et d’une vision artistique totalement inédite au cinéma, sa vision relève beaucoup de l’anecdote, mais certaines de ses métaphores devraient marquer à jamais la perception du spectateur en face de tels thèmes. Immoral, peut être malsain sous certains angles, mais d’un sérieux remarquable et d’une originalité rare.

 

5/6

1989

de Jorg Buttgereit

 

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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 19:52

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Il est venu le temps de s’attaquer aux trois premiers films de la filmographie du grand Peter Jackson. Bad taste, Braindead et Meet the feebles. Trois titres mythiques, chacun d’un mauvais goût particulier, qui a réjouit une quantité incroyable de fans depuis leur sortie et qui ont acquis aujourd’hui un statut culte (voire intouchable) auprès des connaisseurs en la matière. Rare ont été les comédies aussi transgressives à leur époque, et si les films ont aussi bien vieilli (auprès d’un public de gorrophiles), c’est aussi parce que leur originalité reste intact après autant d’années, de même que leur politiquement incorrect. Et aussi, soit dit en passant, parce que leur réalisateur est devenu un des plus reconnus mondialement avec la saga du Seigneur des anneaux. Cependant, les dvds n’ont jamais été réédités en France (à part une seule réédition dvd de Bad taste introuvable, sauf auprès de collectionneurs chanceux), histoire de ménager le public TF1 qui risquerait de voir rouge devant un curé arrachant des bras de zombies. Rares, et donc réservé à un public connaisseur, ces films font presque l’unanimité dans la communauté cinéphile. Retour sur ces chefs d’œuvres de mauvais goût.

 

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Bad taste : Dès son premier film, Peter veut mettre l’accent sur le projet complètement fou dans lequel il s’est lancé. Avec la disparition de tous les habitants d’un village, et l’envoi sur place d’une équipe de potes par une mystérieuse association, commence une comédie gore (et Z) qui se fait tout de suite remarquer par l’emploi de l’artillerie lourde : le gore inventif qui tâche. Décapitation au magnum, trépanation à la masse, crâne fissuré qui ne cesse de s’ouvrir… Le film délivre largement la marchandise, comblant les amateurs de pocharde gore dès les débuts du film. Sur le plan de la comédie, le film compte beaucoup sur l’absurde de la situation qu’il décrit pour faire penser la balance en sa faveur. C’est plus un film à l’ambiance comique qui n’a au final pas tant de gags vraiment drôles (à part l’irrésistible « Maman !! » de la VF, je me rappelle avoir plus souri que ri à proprement parler). Et cela malgré un contrôleur des impôts au mauvais endroit au mauvais moment, dont les fréquentes apparitions entraînent des situations plutôt cocasses, mais jamais transcendantes. Bad taste, c’est une ambiance complètement folle, qui réussit pourtant à garder un rythme dans sa narration, et donc qui réussit à conserver l’attention du spectateur (ce qui est quand même un bon point pour une série Z comme bad taste, à 11 000 dollars de budget). Bon point dans le film : il est de plus en plus ambitieux pendant son développement, nous réservant un final digne des mitraillages de Rambo et dépassant en absurdité le survival loufoque qu’on a vécu pendant une heure. Des extra terrestres qui viennent recharger les stocks de leur fast-food sur terre : énorme ! On nous en fait pas souvent, des twists comme ça (quoique Saw 7…). Cependant, même avec tous ces bons points, le film n’a aucun autre but que de divertir. C’est un film fait pour des fans de genre, qui n’a aucun autre but que de faire rire. Et si l’humour de circonstance reste toujours opérationnel, la rareté de vrais éclats de rire (par des gags ponctuels) diminue mon enthousiasme pour ce premier cru du sieur Jackson. Surestimé donc. Bad taste, c’est une série Z rigolote, totalement folle, mais qui ne fera pas vraiment éclater son potentiel (en partie à cause de jeux d’acteurs très approximatifs qui plomberont quelques situations amusantes, ce qui souligne davantage les traits Z du projet). Si Bad taste est aujourd’hui culte, il est moins méritant que ses petits frères.

 

3.5/6

 

1987
de Peter Jackson
avec Peter Jackson, Terry Potter

 

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Avec Meet the feebles, Peter Jackson fait preuve d'innovation, puisqu'il s'adonne à la parodie du Muppet Show, avec la finesse qu'on connaît depuis ses précédents excès. Mais dès les cinq premières minutes, le film en balance tellement que le mot "parodie" n'a plus assez de force pour définir l'horreur visuelle à laquelle on est en train d'assister. C'est simple, Meet the Feebles est un film volontairement moche, à l'image des personnages qu'il met en scène. L'usage des marionnettes est ici obligatoire, car outre ses vertus parodiques envers les Muppets, il permet à Peter de s'affranchir de toute bienséance qu'aurait imposé un tournage avec des acteurs (ses précédentes créations se montrent très timides sur ce terrain). Résultat : si Braindead sera l'apothéose du film gore, Meet the feebles est le mètre étalon du film trash. Ce film est un étalage constant de mauvais goût, de dérives sexuelles et de trafic de stupéfiants qui ferait vomir n'importe quel amateur de bon cinéma. En surenchère perpétuelle avec lui-même, mettant tous ses personnages en concurrence pour trouver celui qui sera le plus crade, c'est le concours que s'impose Jackson dans ce film qu'on pourrait qualifier de plus excessif de sa carrière, non en termes de mise en scène, mais de violence morale. Le film égratigne tous ses personnages, de la cantatrice d'opéra au vétéran du Viêt-Nam (l'hilarante parodie de Voyage au bout de l'enfer). Mais derrière cette peinture malade de la société du spectacle télévisé, il y a un drame d'une cruauté monstrueuse, une peinture de caractères d'une méchanceté si grande qu'ils parviennent à devenir crédibles. Bletch est un des déchets humains les plus nocifs qu'il m'ait été donné de voir au cinéma, pliant à ses désirs de jeunes étoiles montantes du show-business, dirigeant d'une main de fer son théâtre et produisant du porno pour arrondir ses fins de mois, quand il ne touche pas au trafic de poudre. Surenchère, mais son caractère reste constant, prévisible, et par conséquent crédible (car agissant selon les rouages d'une logique pourrie). Trevor est un exemple parfait du contremaître satisfait d'être à cheval entre deux statuts, caressant sa hiérarchie et rabaissant ses employés. Du côté des « gentils », ce n’est guère mieux avec une chanteuse obèse qui croit que le monde tourne autour d’elle (ce qui est vrai dans un premier temps, et qui ne rendra sa chute que plus dure). Le personnage jouera d’ailleurs un rôle intéressant sur la fin, son pétage de câble permettant à Jackson d’y faire voir une parodie de Rambo (qui dans le genre pétage de câble défie bon nombre de péloches), permettant en plus de faire une parodie, d’y créer une rage destructrice qui sied à merveille au ton hargneux de tout le récit. Meet the feebles est plus qu’une œuvre trash vouée à être culte auprès de fans obscurs aux goûts douteux, c’est aussi une sorte de brouillon pour un drame qui aurait pu être joué au premier degré. Du vrai cinéma grimé comme un délire lubrique qui aguiche ses spectateurs avec un mauvais goût revendiqué (le trip du sexe nasal). D’ailleurs, le film tente de créer des sentiments au cours de son final. De la peur avec Robert en face du lanceur de couteaux camé jusqu’aux yeux en plein bad trip devant une salle bondée, de la haine en face d’un Bletch dont on attendra la mort avec une hâte non dissimulée, et un moment de cinéma avec Heidi chantant sa chanson dans une pièce jonchée de cadavres. Le spectacle tentait de prendre du sérieux, et y parvenait presque. Mais Jackson, dans un ultime trait de moquerie, les sabre avec des portraits de dernière minute énonçant le futur de ses personnages, ultime éclat de rire de cette farce ultra glauque et d’un goût douteux, qui laisse déjà apparaître certaines ambitions de Peter, qui aspire déjà à manipuler un registre sentimental riche. Etonnant, et au final aussi attachant qu’un Braindead.

 

5.5/6

 

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Braindead : Ah, on s’attaque à du lourd, ici. Longtemps considéré comme le film le plus gore de tous les temps (mais maintenant, il est remis en balance par des projets du type Philosophy of a Knife), ce film est tout simplement un maître étalon du mauvais goût, dans la mesure où le jeu outrancier de tous les personnages colle parfaitement à l’ambiance artificiellement folle du projet. En effet, le film compile d’énormes clichés connus (le héros timide, la mère possessive, la prophétie de tarot…) et les fait tous gonfler, gonfler, jusqu’à ce qu’ils explosent comme des ballons de baudruches remplis de pus. Jackson a voulu explorer un nouveau type d’humour noir : celui de la surenchère dans le morbide. Faire tout simplement une compilation des morts les plus graphiques de l’histoire du cinéma, et toutes les concentrer dans un seul et même film. Un excès novateur qui lui assurera définitivement le succès, le film parvenant toujours à être drôle, et incontestablement jouissif (les mises à mort sont toutes plus folles les unes que les autres, et permettent de caractériser par la suite des zombies qu’on retrouvera plusieurs fois jusqu’au final gargantuesque. Le film n’a plus peur de se limiter. C’est de la boulimie gore, rarement la crasse n’aura été aussi copieusement étalée à l’écran. Il faut tout simplement lire les témoignages des membres de l’équipe, qui tournaient en imperméables et qui passaient plusieurs heures chaque soir à nettoyer les décors et le matériel de tournage. Mais en tentant de garder son sérieux, on constatera aussi que Braindead est parfaitement maîtrisé par son auteur. C’est simple, il ne manque pas un plan. Le film est toujours compréhensible, bien monté et lisible, alors que certains passages sont vraiment rythmés (le dernier acte dans la maison, avec des personnages séparés qui suivent chacun leur parcours, aurait pu être beaucoup plus bordélique). Enfin, en bon amateur de mauvais goût, Peter Jackson ne respecte rien, et se montre d’une incroyable générosité en termes de personnages cultes (le cousin de famille lubrique, le prêtre karatéka) et d’humour douteux (le bébé zombie). Jusqu’auboutiste, le film se permet même de l’être avec les caractères de ses personnages, illustrant ainsi la relation sur-protectrice mère fils avec des symboles gores qu’on n’attendait pas, et qui réussissent à porter leurs fruits. Joignant le geste à la parole, Lionel rompt le cordon familial sans un final gorrissime et dégoulinant, qui conclut assez habilement ce drame familial ultra cliché dans ses thèmes, mais dynamisé par un usage totalement surdosé de gore gratuit qui non content de faire jubiler le public, se révèle un pari artistique plutôt audacieux. Au final, Braindead a de bons atouts pour faire l’unanimité. Tout est une question de goûts (Bad taste a ses fans, certains trouveront Braindead vraiment too much), mais pour ceux qui en ont assurément de mauvais, le film se révèle un défouloir inespéré.

 

5.5/6

 

1992
de Peter Jackson
avec Thimothy Balme, Diana Penalver

 

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 13:47

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Tinto Brass est un réalisateur qui aime choquer, et qui n’a jamais caché son goût pour l’érotisme, qui revient régulièrement dans ses films (le mémorable Caligula). Avec Salon Kitty, le réalisateur se lance sur une pente glissante, puisqu’il touche à la fois au nazisme et à la sexualité. La dernière fois que j’ai chroniqué un tel mélange, c’était pour Ilsa la louve SS (article indispensable à lire dans l’irremplaçable catégorie « Mauvais goût »). Le bon goût semble d’ore et déjà exclu, mais Tinto se révèle au final plus subtil dans ses intentions, et délivre une peinture plutôt étrange du Salon Kitty.

L’histoire : Pendant la seconde guerre mondiale, le Salon Kitty, l’un des bordels les plus renommés de Berlin, voit toutes ses prostituées arrêtées et son adresse délocalisée dans une autre ville. Kitty, la tenancière, doit donc former une vingtaine de femmes attachées au National-socialisme, utilisées comme espionnes par les troupes SS.

 

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Avec un pitch pareil, on est parti pour avoir du mauvais goût. Et ça commence direct, en filmant des nazis nus en pleine séance d’exercices sportifs. Le réalisateur décide de nous exposer le nazisme sous son interprétation raciale la plus primaire : l’apparence physique et la condition sportive. Le nazi est un nazi physique, dépensant ses forces avec ses muscles et pas avec sa tête. Arrive alors le projet d’un commandant SS afin de s’assurer de la loyauté de ses troupes : fonder un bordel avec uniquement des femmes aryennes engagées dans la politique nazie, et s’en servir comme agentes d’espionnage au sein même des troupes allemandes les fréquentant. Les séances d’entrainement de nos recrues s’en donneront à cœur joie dans les images fortes (quarante femmes nues faisant le salut hitlérien, une orgie sur fond de musique classique allemande bien clinquante…), valsant avec le mauvais goût en s’égarant presque dans le voyeurisme (si il est dénoncé par les officiers contemplant la scène champagne en main, le réalisateur ne se prive pas pour l’utiliser). Commence enfin l’intrigue dans le bordel, où les filles ont pour mission de faire des rapports sur leurs amants sans en avertir la patronne, et sans savoir qu’elles sont enregistrées. Ainsi, le film ira de fait en fait, montrant d’abord une première dénonciation dans un rapport, puis faisant un portrait grotesque de la hiérarchie militaire nazie (un général portant des sous vêtements féminins sous l’uniforme…) Bref, le bon goût semble parti très loin, mais le film tentant toujours de rester sérieux (et tentant d’impliquer le spectateur avec l’histoire d’amour de la principale prostituée du film, et de son issue tragique), on peut lui accorder le bénéfice du doute, où en tout cas une intégrité artistique. En faisant notamment intervenir régulièrement un nazi, aussi pervers dans ses fantasmes que dans sa pensée, le film s’autorise quelques dissertations sur le pouvoir qui interpellent le spectateur (pour peu que celui-ci prête l’oreille aux dialogues plutôt qu’à l’image, où le nazi tente d’imposer à chaque fois sa domination en humiliant sa partenaire. Enfin, on notera que Tinto Brass possède une certaine fascination pour le monde du bordel, à l’ambiance si décalée avec les réalités habituelles de la guerre. C’est une société à part, ambigüe, fonctionnant entièrement sur le registre du fantasme, devenant vraiment un paradis pour les soldats qui viennent y passer leur permission. Avec plusieurs spectacles filmés intégralement, Salon Kitty nous plonge encore plus dans le doute, les intentions du réalisateur étant difficiles à cerner (même si la conclusion trop rapide montrant que l’ambition finit par détruire le pouvoir qu’elle engendrait). Etrange, jusqu’auboutiste et provoquant, Salon Kitty est une peinture totalement en décalage avec ce qu’on est habitué à voir, et demande par conséquent à être vu pour au moins se faire un avis. Nazisploitation ou fresque sensuelle tentant de réfléchir ? A vous d’y répondre, mais moi, mon opinion est faite.

 

4/6

 

1976
de Tinto Brass
avec Ingrid Thulin, Helmut Berger

 

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"Mauvais goût ou mise en scène intellectuelle et provocante ?"

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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 13:39

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Délicat sujet que celui des différences entre hommes et femmes. Si certains mettent en avant leurs différences de fonctionnement dans des trips difficiles à explorer (Antichrist), Catherine Breillat a choisi un angle d’attaque pour le moins brutal : la pornographie. Courageux choix, le genre étant totalement méprisé par la communauté cinématographique, et qui justifie totalement l’usage de cette facture par des enjeux artistiques ambitieux : faire un film théorique sur l’homme et la femme : Anatomie de l’enfer. Un trip, qui loin de faire dans le voyeurisme  gratuit, se sert de la force de ses images pour appuyer son propos avec des métaphores choisies.

L’histoire : dans une boîte homo masculine, une jeune femme se taille les veines. Un homme la remarque et l’emmène se faire soigner. La femme propose alors un marché à l’homme : elle veut le revoir chez elle pendant quatre nuits afin de lui révéler la vraie nature des Femmes, et de leur pouvoir sur les hommes.

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Ambitieux. Surtout que le film ne fait pas dans la dentelle, son introduction laissant déjà un avant goût de ce que va être le spectacle. Après un générique pêchu à la Gaspar Noé, on attaque sur une séquence fellation devant la boîte, avant d’y entrer. Rien à voir avec les ambiances de Irréversible, mais c’est aussi plus réaliste. Notre attention est bien vite attirée par la seule femme de la boîte (Amira Casar), qui bousculera un homme (Rocco Siffredi) avant d’aller se tailler le poignet dans les toilettes. Passé cette introduction, le marché arrive vite (précisons qu’entre temps, on aura droit à une nouvelle scène érotique, plus suggérée que platement filmée), et on entrera dans le vif du sujet dès la première nuit. On le note tout de suite : l’usage de certains codes pornographiques n’est jamais fait à des fins d’excitation du spectateur. Les dialogues, récités d’une façon théâtrale, les scènes érotiques, lentes, recherchent toujours l’ampleur de la métaphore plutôt que le plaisir des personnages, tout est fait pour créer une dimension réflexive chez le spectateur, ce qui marche assez bien. Pour peu qu’on supporte le spectacle, le film propose d’excellentes idées qui pourraient animer de nombreux débats sur le sujet. De la peur des hommes pour le sexe féminin (crainte accentuée ici par le fait que l’Homme choisi soit homosexuel) jusqu’à leur fascination, tout y passe, en passant par plusieurs métaphores puissamment théoriques. On aura droit à une séance de jeu du docteur par des gosses de 10 ans, à une iconisation du sang menstruel, et même une tentative de meurtre, où l’Homme enfoncera le manche d’un outil dans le vagin de son interlocutrice. Fort visuellement, mais restant suggéré, le film poursuit sa réflexion, parvenant à placer les mots justes sur les idées qu’il illustre. En s’achevant par une conversation de comptoir entre l’Homme brisé par ce qu’il a vécu (et totalement conquis par la femme) et un autre qui acquiesce à ses remarques, Catherine, avec son dernier dialogue, fait une sorte de bilan sur le ressenti des hommes face aux femmes (et ici à leurs problèmes de compréhension face à ce mystère). La vulgarité qui y est utilisée trahit bien une certaine tendance masculine à mépriser gentiment les femmes (la solidarité masculine passe essentiellement par là), mais qui laisse toujours transparaître ce sentiment de peur viscéral, lié à l’acte charnel en grande partie. Court (74 minutes) mais direct, le film réussit parfaitement à tenir ses objectifs, et à nous offrir un spectacle d’une force impressionnante, qui devrait marquer durablement les esprits des spectateurs. Aussi intéressant pour le public masculin que le public féminin, voilà un film qui ne devrait pas manquer d’interpeller.

 

5/6

de Catherine Breillat
avec Rocco Siffredi, Amira Casar

 

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 09:57

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Rob Zombie s’est lancé dans le cinéma avec une franchise extrême : celle des agissements de la famille Firefly, une bande de psychopathes dégénérés sur plusieurs générations qui s’en prennent à tous les visiteurs qui passent dans le coin pour retrouver la tombe de Docteur Satan. Ultra trash, dans un univers visuel qui n’est pas sans rappeler les clips de Sieur Zombie, ce film est un pur électrochoc, parvenant à évoquer le goût du Massacre à la Tronçonneuse de la grande époque, avec un humour tout aussi présent. Hyper attachant dans ses débuts, le film perd hélas de son charisme au cours d’un développement un peu laborieux, mais agréablement conclu sur un univers punk gore qui retrouve le glauque initial. Inégal, mais unique.

L’histoire : une bande de quatre jeunes étudiants fait une halte d’essence dans la station service de Spaulding, et en profitent pour visiter son musée des horreurs. Après cela, ils insistent auprès du capitaine Spaulding, tenancier de l’établissement, pour connaître l’emplacement de l’arbre où a été pendu le docteur Satan. Ce dernier les envoie sur une route de campagne des environs.

 


Ce film de Rob Zombie montre patte blanche dès le départ en faisant tout pour se faire aimer du fan. D’abord s’introduisant sur une façade horreur années 50 (comprendre : grosse nostalgie), le film s’avance déjà comme un étalage de violence, de sang et de freaks. Et nos premiers personnages, tenanciers de la station essence, ont tout pour se faire aimer. Blagues pas fines, sang froid, pure gueule de freak… On n’est pas loin de l’humour des frères Cohen, dans une ambiance graphique à la Tobe Hooper. Puis l’histoire du film commence, et il a vraiment tout du train fantôme sympathique. On commence déjà par la visite du fameux musée du capitaine Spaulding, que nous découvrons en compagnie de nos jeunes gens. Direct, la plongée dans le trash est rude, le film étant définitivement plus tordu que Massacre à la tronçonneuse. Cadavres dans un cimetière se frappant la tête contre une grille, mise en scène gorrissime et ultra raccoleuse de Ed Gain, la plongée dans la folie est brutale, et s’achève avec l’évocation du docteur Satan, dont la tombe est particulièrement proche du coin. Dans ces conditions, comment résister à l’idée d’aller la découvrir ? Malheureusement pour nos jeunes gens, ils vont traîner sur les terres de la famille Firefly. Là, Rob Zombie innove graphiquement, puisqu’il prend le parti risqué de caractériser ses personnages par des films en caméra amateurs qu’ils réalisent eux même en se mettant en scène. Shéry Moon récite quelques phrases des fanatiques de Charles Manson, Otis nous fait part de ses créations artistiques ultra-déviantes… La galerie des personnages trashs ne cesse de s’agrandir, et chose étrange, mais le charme du freak opère toujours dans ces conditions, et malgré nous, on s’attache à cette famille totalement chtarbée et immorale, qui sous couvert de clichés inflige les pires souffrances à des individus de toute sorte. Les dialogues sont d’ailleurs savoureux (« Je te gâche ta journée ? »), les interprétations des personnages étant tout simplement au poil. A vrai dire, c’est un film d’horreur parfait jusqu’au spectacle de théâtre. On a là les dernières minutes de film qui ont un charme fou, et qui nous manquerons cruellement par la suite. Le spectacle de Sheri Moon en danseuse type des années 50 retrouve la grâce de ces glorieuses époques. Mais passé la capture de nos jeunes, le freak show finit par un peu lasser. Si les sévices infligés sont toujours assez gratuits et révoltants (la question piège), Rob Zombie tente de donner une dimension psychédélique à son film d’horreur. Il lui donne des airs de bad trip, et pour se démarquer du style de Hooper, il expérimente en tournant des plans complètement en négatif. Une technique qui surprend, mais qui sature vite les rétines, les montages énervés de Zombie donnant au final un look trop clippesque à cette grande partie. Si certaines séquences dominent dans le lot (l’interminable exécution de l’adjoint du shérif), on se détache un peu de l’histoire, nos freaks paraissant un poil moins attachants (même si ils restent toujours trash) alors que nos victimes ont perdues elle aussi un poil de l’intérêt qu’on leur portait. Après les décors aux teintes ultra chaudes de la maison, on passe dans un univers de cimetière et de cavernes lors de la troisième partie, où on va enfin aller faire un tour du côté du docteur Satan. Si les débuts de cette partie avaient du mal à convaincre (les intrusions de caméra amateur ayant finit peu à peu par m’user), on retrouve des souterrains qui font vraiment écho à Tobe Hooper, et à une parodie de chirurgien torturée et ultra punk en la personne du Docteur Satan, aux bras insectoïdes continuant ses recherches sur des attardés mentaux. Le soldats cybernétique qui sort alors devant nous yeux fait vraiment progresser l’univers vers encore quelque chose de nouveau, et si la conclusion revient voir du côté de Massacre à la Tronçonneuse, le film concerne immanquablement un cachet d’originalité, créant un univers à part totalement surréaliste et particulièrement réjouissant. Si le visuel est ce qui fait la force et la faiblesse du film, Rob Zombie a réussit à imposer son imaginaire en un film, de façon plutôt cohérente et en développant son travail sans oublier de payer son tribut aux génies qui l’ont précédés. Naissance d’un maître ? Assurément.

 

4/6

 

de Rob Zombie
avec Sid Haig, Bill Moseley

 

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 09:48

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Lucky McKee revient au cinéma, et cela après quelques années d’interruption (qui ne l’ont pas empêché de produire les petites truculences Red (un chien abattu par des jeunes que son propriétaire va venger, The Lost et The Girl Next door, qui n’a rien à voir avec la comédie éponyme). Il revient aujourd’hui avec une belle idée en tête : offrir une suite à Offsprings, bouquin qui traitait d’une famille de cannibales vivant en banlieue. Avec Ketchtum et McKee derrière le script, on se doutait qu’il y allait avoir de la provoque (Jack Kechtum est un des auteurs horrorifiques les plus controversés du marché, car décrivant souvent trop bien la cruauté humaine et sa suffisance (avec toute la guimauve qu’on produit à côté, il faut bien créer un équilibre !). Pour les effets spéciaux, il s’offre en plus les services de mon chouchou Robert Kurtzman (mr From Dusk Till Dawn, svp), et compte bien nous retourner les tripes avec une histoire causant de femmes : the woman.

L’histoire : un avocat ayant une vie de famille tranquille part faire une partie de chasse un week end et découvre une femme étant retournée à l’état sauvage. Il décide alors de la capturer et de la séquestrer chez lui pour faire son éducation.

 

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En festivals, certaines critiques ont carrément qualifié le film de misogyne (décidément, si vous êtes un homme qui tente de parler des femmes, vous ne pourrez jamais éviter l’étiquette). Autant le dire tout de suite : le film n’a rien de misogyne, il s’assume dès le départ comme un pur produit féministe dans la lignée de Day of the Woman et persistera dans cette voie comme telle. Quant à la soi disant grande violence du script : qu’on se rassure tout de suite. Si le film n’usurpe pas sa violence interdite aux moins de 16 ans, c’est loin d’être un choc aussi sévère que Martyrs, et loin d’être comparable à A serbian Film (qui commence enfin à faire parler de lui en dehors du cercle des geeks trashs et des fans de genre). Néanmoins, le film porte bien son statut de politique à bras le corps, et s’en va défendre la cause féminine avec une mise en scène barbare qui émaille la façade rassurante des bonnes familles banlieusardes. Le film choisit de commencer directement par son « héroïne », la femme qui sera au centre de l’histoire, et qui est montrée comme un modèle de pure survie (son combat contre un loup au plus profond de sa tanière). Mais son quotidien change bientôt radicalement, puisqu’elle est capturée et séquestrée dans la cave d’un avocat qui compte lui apprendre les bonnes manières. L’avocat en question, c’est Chris Cleek. Un sympathique banlieusard qui ne dépasse pas dans les angles, qu’on sent un brin rapace dans son travail et qui inculque le culte de la perfection chez ses enfants. Mais quand il s’agit de dresser la Femme, il choisit de faire participer toute sa famille. Il ressentira immédiatement de l’agressivité envers la femelle capturée, celle-ci lui bouffant carrément un doigt lors de son arrivée dans la maison. Commence alors des tentatives de dressage du père et les différents parcours psychologiques des membres de la famille. Si l’aînée Peggy part carrément en crise de nerf devant les traitements infligés, le fils Brian regarde sans broncher et commence à reproduire les enseignements paternels, notamment à l’école où il se sert de différents prétextes pour martyriser gentiment les filles. La situation prend peu à peu de l’ampleur (Papa aime rendre visite à la femme vers minuit), jusqu’à ce que les personnages se dévoilent enfin : l’homme opprimant la femme avec un mépris assez indécent. Il est d’ailleurs assez intéressant de voir Lucky s’attaquer aux concepts de solidarité des sexes, qui comme je le crois, ne fonctionnent que quand la communauté n’est formée que de gens du même sexe. Ici se rajoute le contexte du mépris de la femme, ce qui fait encore évoluer la solidarité masculine, lui donnant bien plus de poids qu’à l’ordinaire. Comme toujours dans le cinéma de Kechtum, le film s’achève dans une apothéose sanglante, qui acquiert enfin sous la caméra de McKee la violence graphique et viscérale qu’on attendait (rappelons de la pauvre exécution à la béquille de The Girl next door, loin de suffire à nous défouler). Le message n’a rien de nouveau, mais les jeux d’acteurs corrects et un retour à la sauvagerie prôné par le film en font un petit brûlot sympathique, dévoué à sa cause et qui en a dans le pantalon (il fait vraiment passer les familles classiques pour des tarés capables du pire). Fréquentable, mais on ne criera pas au géni comme pour May.

 

3,5/6

 

de Lucky McKee
avec Carlee Baker, Shana Barry

 

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 06:57

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Quel est le film d’horreur le plus représentatif en termes cinématographiques de la décennie ? Je ne parle pas du meilleur film d’horreur des années 2000 (clairement, dans mon top, La Colline a des yeux et Martyrs sont en tête), mais de celui qui a le mieux illustré la tendance en terme de mouvement horrorifique (à savoir la remontée en flèche du torture porn). A cette épineuse question, il serait très facile de répondre Saw (ce qui est faux, Saw étant un bon thriller qui a été parodié par une multitude de suites recyclant la lie du genre). Ma réponse à cette question serait Hostel, car non content d’être un précurseur de la vague torture-porn, il recycle admirablement les modèles de comédies américaines qui ont fleuries pendant cette décennie (dont l’aboutissement ultime doit être l’immondice Mexican Pie), ce qui en fait le croisement de deux tendances cinématographiques qui ont marqué durablement nos mirettes. Retour sur une saga pas si populaire que ça…

 

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"J'ai essayé de diriger mes acteurs comme je pouvais, mais ils étaient tellement peu crédible que j'ai du passer à la vitesse supérieure !"

 

Hostel : Incontestablement un de mes plus gros électrochocs cinématographiques, ayant commencé mon initiation au cinéma de genre par les succès du moment, et que je considère comme supérieur à sa suite (le débat va être houleux). Principalement parce qu’en tant que précurseur du genre, le film se permet une plongée dans la violence assez estomaquante, maltraitant ses protagonistes avec une sévère amoralité (le sort de Josh) en conservant tout de même une certaine limite de crédibilité (les sévices ne sont pas au final tellement montrés en plein cadre, le passage le plus gore restant à mon avis, avec la scène de l’œil,  l’évacuation des cadavres).  Cette certaine retenue, largement perceptible, permet d’éviter le second degré dont faisait preuve la première partie en concrétisant les fantasmes de nos protagonistes avec une douce perversité. En termes de thématique, la partie horrorifique du film est un cri assez violent contre le capitalisme, qui en vient à monnayer des gens afin de rendre des services déviants pour de riches acheteurs. Un discours particulièrement noir et bien illustré par des dialogues bien plus fins qu’ils n’en ont l’air (avec le chasseur dans les vestiaires, ou encore le chirurgien allemand). On aura plus tard un nouvel argument sur l’exploitation humaine, avec les gosses commettant un meurtre pour un sachet de friandises. Par ailleurs, le premier degré du script n’en reste pas moins intelligent en essayant de faire intervenir une certaine finesse dans son script, en dévoilant les psychologies de chacun (victimes dans une première partie, et bourreau dans quelques passages de la seconde (le coup du bâillon)). La structure même du film, brisant les clichés avec Josh et faisant de son unique survivant un sportif avec une mutilation et un traumatisme conséquent, est un choix assez original, le propos s’affranchissant ici d’une quelconque morale. Mais se focaliser uniquement sur l’aspect horrorifique du film serait assez réducteur, l’introduction de se dernier allant aux antipodes des attentes du public. En prenant pour héros des jeunes mâles libidineux qui sautent à pieds joints dans la mare après avoir vu trois photographies, le film fait aussi un portrait peu flatteur des comédies de cet acabit (tout est assez grossis, les enjeux sont clairement le dépucelage du littéraire et l’amusement des sportifs), et a d’abord l’air de préparer des victimes neuneu pour un massacre général (ils se droguent, ils forniquent : ils vont crever). Mais au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans les pays de l’Est, la caractérisation de nos personnages évolue. Oli se révèle être un père qui se prend encore pour un adolescent, et Josh développe une sorte d’affection légèrement homosexuelle avec le voyageur du train, qui reviendra plus tard dans l’histoire. On n’est pas habitué à de telles finesses de personnages dans ce registre (le dernier l’ayant fait en date étant American Beauty). Quant à Paxton, il garde enfoui un traumatisme qu’il a eu pendant sa jeunesse où il a été incapable de sauver une petite fille de la noyade. Une fois les protagonistes caractérisés avec plus d’épaisseur, s’en séparer devient franchement plus dur. Et d’ailleurs, la comédie se pervertit de plus en plus au fur et à mesure que les fantasmes masculins se réalisent, la mascarade se révélant par un comique de répétition qui provoque immédiatement une mise en abîme assez impressionnante. En bref, d’un bout à l’autre (la conclusion partira sur l’inévitable transformation du caractère du survivant), le film évite de s’enfermer dans le piège du torture porn tout en en exploitant les ficelles. Du gore qui tâche et qui a un peu plus de matière que les rejetons qui suivront : voilà une bonne raison de ne pas rater ce bestiau.

 

5/6

 

de Eli Roth
avec Jay Hernandez, Derek Richardson

 

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Hostel 2 : Voilà, on arrive sur un terrain où la communauté s’entredéchire. Ils y a ceux qui considèrent le premier comme un coup de maître et sa suite comme une extension qui ne fait qu’aboutir les thèmes esquissés dans le premier (je suis dans ce clan) ou ceux qui voient en Hostel un brouillon et dans Hostel 2 la véritable copie d’Elie Roth. En effet, pour sa suite, Eli change du tout au tout son casting, en plongeant maintenant des filles dans l’enfer de la torture. Une démarche qui a mal fait réagir certaines critiques le taxant de misogyne,  alors qu’au contraire, le film tombe parfois trop dans le pamphlet féministe en soutenant trop ses héroïnes. Si au final, les bilans sont équivalents, la rescapée n’en sort ici indemne, au prix d’un acte sur lequel on va revenir. Commençons par le début : l’introduction. Exit la comédie primaire du premier (certes hors sujet mais qui permet une digression intéressante), place à la caractérisation classique des étudiantes en art, qui décident de partir en Slovaquie le temps d’un week end. Une caractérisation sympathique, mais un passage dans le train vraiment looooong, qu’on croirait échappé d’un Boulevard de la mort made in Tarantino (incontestablement le film le plus chiant de sa filmographie si il est pris dans son format solo, le grindhouse étant bien plus court). Du début de leur aventure, il n’y a à retenir que la magnifique scène de mise aux enchères où des dizaines de personnes débattent des prix  de nos protagonistes. En 5 minutes, Eli Roth résume d’une manière admirable son  discours sur le capitalisme. Une jolie prouesse qui ne fait pas oublier un scénario qui s’étend un peu (comme le premier, sauf qu’on y riait en mode régressif). Heureusement, on peut se mettre sous la dent les portraits psychologiques de nos futurs bourreaux, dont on va suivre le parcours psychologique. Alors que l’un est un jeune cadre chronique, axé en plein sur la réussite personnelle et les passes temps de jeunes riches (extraverti et jouisseur, donc), l’autre est un type refermé sur lui-même, frustré par sa femme qui possède l’autorité familiale. Sa frustration est perceptible dès le premier plan, et il se révèle vraiment être le personnage le plus intéressant du film, car son évolution sera clairement la mieux illustrée 'Roger Bart a un talent indéniable). Passons les quelques séquences qui ménagent le suspense jusqu’à ce que la commande de ces gentlemen soit prête. On a droit enfin à un meurtre chiadé, à la mise en scène plutôt osée faisant directement écho au personnage de la comtesse Bathory, qui voit mourir la première de nos filles. L’absence d’enjeux psychologiques étant ici évidente, on se rabattra sur une mise en scène efficace, qui restera la meilleure séquence gore du film. On reprend enfin nos héroïnes dont on connaît déjà le destin (une chose qui était absolument imprévisible avec Hostel premier du nom), leur caractérisation largement classique nous rassurant quant à leur avenir (en tout cas pour Beth). Côté design, l’ambiance est nettement moins glauque que dans le premier, Eli ayant remanié le design des cabines, maintenant bien sécurisées et surveillées par caméra. Une démarche intéressante qui ne sert pas vraiment le suspense pour autant. On y verra surtout la prospérité de l’entreprise qui investit tout maintenant dans la sécurité. Au niveau de nos bourreaux, les évolutions sont simples. L’extraverti voit le fantasme qu’il voulait se créer (une parodie de fille très mal maquillée) frustré de la plus stupide des manières, alors que le faible, qui n’est toujours pas dans l’état d’esprit nécessaire pour la torture, se mue peu à peu en bête avide de chair fraîche. C’est là que le discours de Roth se révèle intéressant : dans la transformation rapide d’un voisin de banlieue avec ses frustrations qui en prenant rapidement le contrôle de la situation sent vite la bonne odeur du pouvoir, et finit par devenir le loup qui l’écœurait l’instant d’avant. Le dénouement, ultra féministe comme il faut (Tu la sens, hein ?) conclut sur le capitalisme en inversant totalement les rapports de forces au dernier moment, achevant la parodie du système économique avec plus de finesse que les images ne le laissent croire. Cependant, Hostel 2 passe après le premier, et il se révèle donc décevant pour une narration beaucoup plus classique que son aîné et une approche féminine très « tarantinienne » qui se freine plutôt au niveau de la violence alors qu’il se déchaînait dans le premier sur nos héros. Clairement ici, à l’exception de la mort de Witney, rien de très osé ne viendra relever la chose, Roth tenant sérieusement le frein niveau malsain. Assez dommage, la finesse d’écriture faisant mouche plus d’une fois au cours du film, qui tombe hélas dans des formules classiques qui ne surprendront pas grand monde. Pas une déception pour ma part, mais la claque du premier est passée depuis longtemps.

 

3,5/6

 

de Eli Roth
avec Lauren German, Roger Bart

 

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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 06:53

Pour mon 200ème article (passé déjà depuis 10 articles), je m'attaque à du lourd, en me fendant d'une critique un peu plus détaillée que d'habitude !

 

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Interdit aux moins de 18 ans

 

Sur le podium du film le plus gore du cinéma, Braindead a tenu bon pendant de longues années, et continue toujours de trimballer cette flatteuse réputation. Mais chez les amateurs de trash, un petit film a déjà bien fait parler de lui : Philosophy of a Knife. Derrière ce titre étrange se cache tout simplement le film le plus gore du cinéma, qui n’est pas près d’être supplanté car s’étendant sur la durée indécente de quatre heures et demie, durant lesquelles nous retracerons l’histoire de l’unité 731 et des recherches qu’elle effectua sur la population civile.

L’histoire : depuis son établissement en Chine en 1936 (en remplacement d'une autre unité déjà en place) jusqu’à son démantèlement en 1945, on effectue un retour sur les recherches qui ont été menées dans les prisonniers militaires enfermés dans l’unité 731, à l’aide de l’interview d’un ancien gradé témoin de la boucherie et de nombreuses reconstitutions.

 

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Ce film jongle en effet avec des ingrédients à double tranchant. Il choisit tout d’abord d’utiliser formellement le format documentaire pour placer son contexte historique. Nous avons donc droit à une introduction d’une vingtaine de minutes nous décrivant le climat économique et politique de l’Est de l’Asie à la fin des années 30 et des débuts de la guerre. Jusqu’ici, rien qui ne le différencie d’un reportage d’Arte (si une n’est une introduction déstabilisante et un générique tourné « expérimental morbide » plaçant déjà l’ambiance globale du film en noir et blanc avec une musique particulièrement insistante et désagréable. Commence alors les interviews du militaire affecté dans une autre équipe que la 731, mais qui a eu plusieurs fois affaire à elle. Le contexte médical est alors planté : le but de cette unité est à la fois d’améliorer les conditions de santé des soldats par expérimentations de différents remèdes sur différents problèmes, ainsi que de tester différents type d’armement susceptibles d’être employé sur le champ de bataille. On apprendra alors les manières hallucinantes étudiées pour faire crever l’ennemi, comme le largage de mouches contaminées au dessus de positions chinoises. Mais ces interviews seront ponctuées de plusieurs reconstitutions tournées en noir et blanc pour recréer une ambiance de document d’archive. Et ce sont ces segments là qui font toute l’essence du film. En effet, Iskanov expérimente une multitude de procédés optiques dans l’illustration de l’expérimentation médicale. Et pour cela, il effectue un choix de mise en scène vraiment couillu : il mise à fond sur l’ambiance et délaisse le gore chirurgical que beaucoup auraient choisis. Décider d’illustrer de la torture scientifiquement assistée avec du gore asiatique (comprendre : du gore qui en fout partout et dont les maquillages sont assez souvent approximatifs) en laissant de côté la chirurgie, c’est vraiment un tour osé, et ici payant. Car en insistant à fond sur l’ambiance et sur des détails à foison (le nombre de plans du film est considérable ! C’est à se demander comment ils ont réussi à être cohérents dans leurs scènes), Iskanov parvient à créer une ambiance de film expérimental pure, qui se rapproche dans l’esprit d’un Tetsuo, mais qui s’en éloigne radicalement dans le ton et le but. La musique électronique, répétitive, résolument désagréable, cadre parfaitement avec l’esthétique poisseuse des scènes de recherche dont la finalité nous échappe parfois (l’avortement initial ne sert qu’à mettre un fœtus dans un bocal…), mais qui resteront toutes d’une violence vraiment dérangeante. Si le gore asiatique avait l’habitude d’être jubilatoire, il est ici sur-dramatisé et parvient du coup à créer une sensation nauséeuse, et cela sans faire retomber la sauce ! Toutefois, on ne parlera pas de montée dans la violence, le film reste sur ce terrain plutôt constant, traitant tous les sévices qui y sont dépeint sur un même plan de douleur, préférant conserver son ambiance plutôt que de la faire évoluer. Ainsi, Iskanov joue sur les détails crades, la précision des appareils (les réglages fréquents des caméras servant à filmer les expériences), la surexposition mettant en avant la froideur des blocs opératoires et l’approche apparemment « clean » des massacres d’individus numérotés qui sont perpétrés sous nos yeux. Le spectateur vivra son traumatisme dans au moins une reconstitution, celles-ci balayant un panel assez large de recherches pour toucher au moins une corde sensible (la mienne ayant cassée à l’arrachage dentaire). Cependant, les reconstitutions d’Iskanov, si elles se révèlent les parties les plus marquantes, ne font pas l’essentiel du film. Il prend en effet la peine de suivre les détenus d’une cellule, une infirmière encadrant les recherches et un gradé militaire de l’unité, qui désigne les victimes pour les recherches qui sont menées (sur le froid, les MST, les armes chimiques…). On s’intéressera à chacun des personnages et on suivra leur parcours au sein de l’unité, et pour certains après son démantèlement. Si on omet l’infirmière qui a droit à une voix off plutôt détaillée grâce à la correspondance qu’elle entretient avec ses proches, tous ces personnages sont muets, et sont donc traités sur un ton expressionniste. Aucun dialogue entre eux, mais des détails sur ce qu’ils ressentent qui les rendent attachants/haïssables, en oeuvrant dans un style purement manichéen, qui ne reste cependant pas figé. Iskanov se permet même quelques traits d’humour grotesque avec une scène pathétique où un cadavre s’affaisse à chaque fois qu’un docteur essaye de le prendre en photo. Jamais drôle du long de ses 4H30, c’est un film qui a une légère tendance à plomber le moral (le documentaire est coupé en deux partie, une pause entre les deux n’est jamais de trop) autant qu’à fasciner pour son style graphique parvenant à transcender la violence dépeinte en nous la faisant ressentir d’une manière peu habituelle et assurément efficace.

 

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Pourquoi Iskanov a-t-il choisi de réaliser un (faux) documentaire aussi long sur son sujet, et aussi généreux en détails morbides et scabreux ? La réponse se ressent : c’est pour rendre hommage aux victimes. En effet, à la manière de la Passion du Christ (mais dans des registres et des optiques totalement différentes), Iskanov veut sur-humaniser les victimes en les faisant revivre dans nos mémoires par les souffrances qu’elles ont pu endurer. Une intention viscérale, donc qui vient des tripes même du réalisateur. Cependant, si l’intention est louable, elle tient assez mal la longueur. En effet, au bout de la quatrième heure (où les quotas de morbide commencent un peu à décliner) et où nous finissons par nous retrouver sur le mémorial des victimes, on se dit qu’on en a vu un peu beaucoup, et que la mort atroce de tous ces gens n’est peu être pas la meilleure chose à retirer de ce film. L’illustration de l’expérimentation médicale sur l’être humain nous a en revanche marqué à vie, et la dérive ne risque plus de se représenter chez quiconque ayant vu ne serait-ce qu’un quart d’heure du film. Et enfin, le style visuel assez recherché (le noir et blanc est merveilleusement utilisé) contribuant à une ambiance immersive et profondément dérangeante font tout le sel de cet effort louable du cinéma asiatique à parler des grands traumatismes de l’humanité sous un angle sérieux (Ilsa la louve SS ayant lorgné aussi sur le filon). Un prodige visuel qui m’a carrément emballé lors de ma première vision en VO sous titrée anglais (comprendre par là que je me suis senti mal pendant 4h30 de ma vie cette année, mon dernier choc de cette ampleur ayant été Cabin fever) et dont la grâce évidente aspire à bien plus que du torture porn médical. Sidérant !

 

5/6

 

2007

avec Andrey Iskanov, Svyatoslav Iliyasov

 

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  • Je suis étudiant en Oenologie, j'ai 25 ans et je m'intéresse depuis quelques années au cinéma (sous toutes ses formes, y compris les plus tordues). Bienvenue sur le blog d'un cinéphage exotique.
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